Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 30 avril 2019

Mission encre noire Tome 25 Chapitre 309. Oyana par Éric Plamondon paru en 2019 aux éditions Quidam éditeur. Oyana a grandi à Ciboure jusqu'en 1995, dans un lieu magnifique, entre mer et montagne. Elle se tient là en haut des marches, au bord de la plage, à quelques encablures du port. Elle n'ose pas encore franchir le pont qui enjambe la Nivelle et la sépare de son passé. Devant la rade, l'émotion l'a saisie, le ballet des hameçons, la pêche au thon, la baleine échouée sur la grève, les éclaboussures de sang sur les plats-bords des bateaux, la menace des bombes, les descentes de flic, l'ETA, la fuite, le Mexique, Montréal. Oyana ne s'attendait pas à tout ça, si vite. L'ETA, l'organisation socialiste révolutionnaire basque de libération nationale, Euskadi Ta Askatasuna annonce sa dissolution le 3 mai 2018. Oyana Etchebaster dit Nahia Sanchez ne peut plus mentir. Surtout pas à Xavier Langlois, sa terre d'accueil, au Québec, depuis 23 ans. Elle lui doit la vérité, sa vérité, elle se raconte. Oyana décide de s'échapper de nouveau, même si elle ne sait pas dire adieu. Éric Plamondon s'éprends de ce paysage du Pays basque qu'il connait si bien. Une violence minutieuse se pose sur les souvenirs d'Oyana, à la joie du retour se mélange le désarroi d'avoir tout perdu. Éric Plamondon surfe parfaitement sur les vagues du Golfe de Gascogne alors qu'un monde militant s'écroule. De Terre-Neuve à Biarritz, les pêcheries de la baleine et des morues réaniment les braises et les plaies des origines. Éric Plamondon est notre invité à Mission encre noire. Extrait: «J'ai coupé tous les ponts, je ne connais plus personne. Pourtant, quelque chose me pousse à revoir ces lieux, comme si cela pouvait répondre à des questions que je n'arrive pas à formuler. Tu disais souvent à la blague, en parlant de ta vie à Montréal et ta jeunesse dans la ville de Québec: on peut sortir un gars de Québec mais on ne peut pas sortir Québec d'un gars! Je ne pouvais m'empêcher de ne pas être d'accord. C'était tout l'inverse de ma vie. Je m'étais arrachée de l'intérieur tout ce qui pouvait me lier au Pays basque. Je faisais un rejet complet de tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à des histoires de régionalisme, nationalisme, isme, isme, isme. Ce n'était pas par conception politique, c'était une expérience personnelle. Tu peux le comprendre maintenant. Je ne pouvais pas me définir par ce type d'appartenance même si j'ai toujours adoré le Québec. Une fois que l'on s'est arraché à la géographie d'un lieu, on doit s'accrocher à son pays intérieur. C'est en soi que se joue la vraie guerre d'indépendance.» Dirty Week-end de Helen Zahavi paru en 2019 aux éditions Libretto, traduit par Jean Esch. Réfléchissez. Bella lève sa tasse pour porter un toast au cadavre de Timothy. Bella sirote son thé en regardant son corps disloqué. Elle n'éprouve rien et cela l'effraie. Réfléchissez. Bella ne supportait plus ce voisin voyeur qui menaçait de lui faire mal. Elle, la fille dont on oublie le nom, celle qu'on espionne, celle qu'on humilie. Dans son demi sous-sol de Brighton, elle voulait seulement profiter de ses fenêtres ouvertes les nuits d'été. Sans la peur du noir, de l'agresseur. Alors d'autres suivront, proches, patron, médecin, fêtard du samedi soir, à l'inconnu dans la rue, puisque personne ne les a prévenu que les règles ont changé. Bella va opposer son désir de vengeance. Elle va désapprendre à ne pas se battre. Dirty Week-end fait mouche dès sa sortie en Angleterre en 1991. Ce roman contemporain du Baise-moi de Virginie Despentes et de Thelma et Louise va être le dernier livre à faire l'objet d'une demande d'interdiction pour immoralisme à la Chambre des lords. Roman impitoyable, il l'est, dans un style vibrant autant que radical, Helen Zahavi vous offre une perspective différente et salutaire. Extrait: «Elle se laissa tomber à genoux ; des éclats, des torrents de rire incontrôlables et interminables jaillissaient de sa gorge. Elle se tenait les côtes et se balançait d'avant en arrière, des larmes de joie coulaient sur ses joues. Elle rit, et son rire était un péché terrible. C'était un rire de pécheresse. Il ne faut jamais rire. Quoi qu'ils fassent, ne riez pas. Quoi qu'ils ne fassent pas, ne riez pas. Et surtout, ne riez jamais quand vous êtes dans une chambre d'hôtel avec un inconnu. Même un inconnu cultivé, avec de petits pieds et des hanches larges. Quoi que vous fassiez, ne riez pas. À moins d'être Bella.» La cabane du métayer de Jim Thompson paru en 2019 aux éditions Rivages/Noir, traduit par Hubert Tézenas. Cropper's Cabin est un classique datant de 1952 et enfin retraduit comme la plupart des autres oeuvres de ce fils d'un shérif de l'Oklahoma né en 1906 et décédé en 1977. Bon nombre de ses scénarios ont été adaptés au cinéma par Stanley Kubrick, Stephen Frears ou Bertrand Tavernier pour ne citer qu'eux. La famille de Tommy Carver, 19 ans, vit et exploite les terres de Matthew Ontime, riche héritiers amérindien faisant parti des Cinq tribus - Creeks, Choctaws, Chickasaws, Cherokees et Séminoles à s'être implantées ici, en Oklahoma. L'arrivée des prospecteurs de compagnies pétrolières, avides de mettre la main sur les richesses des sous-sols, va lézarder l'équilibre social et familial de la communauté. Voici une magnifique replongée dans l'univers du roman noir de Jim Thompson. Tommy est le héros Thompsonnien par excellence. Un jeune homme ordinaire devient le jouet d'une société dont le portrait au noir de l'auteur est sans concession. La cabane du métayer est un classique que je vous recommande chaudement, la vie parfois réclame une seconde chance qui se mérite. Extrait: «Quelquefois, quand je suis dehors, disons en train de marcher dans un champ, ce vide que je sens dans mes mains me pèse tellement que je dois ramasser des mottes de terre ou cueillir des graines de coton. Il me semble que je vais devenir dingue si je ne trouve pas quelque chose à me mettre entre les doigts, n'importe quoi qui me donne l'impression de pouvoir m'y raccrocher. Je sors mon vieux canif de ma poche, je l'aiguise contre une de mes semelles et je commence à tailler un bout de bois. Ce n'est pas un bon couteau, il s'émousse en un rien de temps, mais c'est toujours ça de pris pour mes mains. J'essaie de deviner, en grande partie pour éviter de penser à autre chose, où est passé mon super canif d'avant.»

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
60 min
2
3
4
5
6