Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 18 février 2020

Mission encre noire Tome 28 Chapitre 329 Tireur embusqué de Jean-Pierre Gorkynian paru en 2020 aux éditions Mémoire d'encrier. Il y a des sons familiers qui peuvent devenir obsession. Dans ce cri étouffé, ce corps qui chute dans la neige, c'est le souvenir des bombes, des balles traçantes, du sol brûlant d'Alep qui resurgit. Shams vit son premier hiver à Montréal. Il s'est lié d'amitié avec Kevin, un poké, qui fait des runs pour un dealer quand celui-ci est trop pété. Adolescent rescapé de la guerre en Syrie, Shams arrive péniblement à contenir ce monstre qui le broie de l'intérieur. Pris à parti dans une violente bagarre à l'école, il consent à suivre une psychothérapie. Le divan de Sylvain Ménard prend des allures de scènes de guerre, de zone sinistrée, Alep, la guerre civile, la mort qui rôde, les derniers éclats du souvenir de Zeina qui blesse encore...Lorsque Shams se remémore ses derniers mois syriens, il se demande s'il a vraiment quitté le pays pour de bon. Assurément la guerre civile a profondément influé sur la genèse de ce très convaincant second roman. Les portraits percutants de figures de guerre nous ramènent à une réalité qui nous échappe trop souvent. Le passé violent ne s'efface pas si facilement. Né à Montréal et originaire de Syrie, l'auteur a signé deux articles dans Le devoir relatant ses deux voyages de recherche au pays. Dans l'évocation de l'odeur âcre des éclats d'obus et de la poussière des rues dévastée, le Tireur embusqué dans les rues enneigées de Montréal n'est peut-être pas celui qu'on croit. Jean-Pierre Gorkynian est notre invité, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« J'ai pris une grande inspiration. Je m'apprêtais à plonger en apnée, dans l'âme fracturée d'un désert aride. Je ne me rappelle plus du tout ce que je lui ai dit, ni dans quel ordre. Ménard se gardait bien de m'interrompre. Il voulait me donner du temps, et je l'ai pris. Et sans m'en rendre compte, les murs de cette prison se sont affaissés et la neige s'est transformée en sable. À défaut de mourir, le temps s'est suspendu. L'été était brûlant. La terre cuisait sous un soleil impitoyable. Le pays traversait sa pire sécheresse. Année après année, des récoltes toujours plus désastreuses. Partout, du Maghreb jusqu'au Levant, l'esprit de révolte qui avait su renverser des régimes de terreur quasi immémoriaux soufflait désormais sur notre pays. Comme un vent de fraîcheur, apportant avec lui son lot de rêves et d'espoirs. Le peuple exigeait plus de liberté et de dignité. Ne tolérait plus de se laisser humilier. Mais notre gouvernement ne l'entendait pas ainsi.» Chairs sous la direction de Marie-Ève Blais et Olivia Tapiero paru en 2019 aux éditions Triptyque dans la collection Encrages. Avec des textes inédits de Mykalle Bielinski, Marie-Ève Blais, Laurence Bourdon, Philippe Dumaine, Erin Hill, Lorrie Jean-Louis, Catherine Mavrikakis, Nathanaël, Charlie Prince, Olivia Tapiero, Sarah Walou et Ouanessa Younsi ce recueil engage une réflexion passionnante à douze voix autour de la notion de chairs. Chaque texte engage sa plume, son stylet, sa pointe acérée dans le brut du corps, dans l'épaisseur de sa résistance, dans l'abandon et la mollesse parfois douloureuse d'une chair vaincue ou triomphante. Les autrices et auteurs invité.e.s viennent d'origines diverses, la danse, l'écriture, le théâtre, la chorégraphie, la musique, donnant ainsi plusieurs correspondances et un regard neuf sur un sujet  méconnu. De quel espace parle-t-on lorsque l'on évoque les chairs? (dedans/dehors) Où se terre notre mémoire, nos héritages dans ses méandres sinueux? Préfère-t-on les oublier ? Quel rapport y-a-t-il entre le temps et nos chairs? Où se glissent nos désirs sur cet étal carné frémissant? Je reçois Olivia Tapiero, ce soir, à Mission encre noire. (extrait lu à l'antenne: Marquer le temps: ce que le souvenir raconte de la chair Marie-Ève Blais Chairs Triptyque (2020).) Extrait: « La ville de Lisbonne est aujourd'hui tatouée par des milliers de graffitis, alors que chaque guide touristique me convie à visiter le Musée de l'azulejo, qui rappelle un passé où les murs n'étaient pas dénudés non plus. Ils se montraient recouverts de mosaïque colorées et tarabiscotées. Les murs de la ville à l'époque moderne ne sont pas plus gris qu'ils ne l'étaient par le passé. On les voit peints de mots, de crocodiles, de lézards, de phallus tronqués, de seins énormes, d'injures et de signatures. J'aime cette pudeur de la ville qui se refuse à se montrer sans fard. J'aime ces dessins qui se chevauchent, s'appellent. Si Lisbonne a une chair, cette chair est couverte. À Lisbonne, même les plantes et les arbres sont tatoués: j'ai vu, sur des agaves, des figuiers géants et des cactus, que Pedro aimait Maria, que Nene aimait Nana. On parle de plantes à messages dans les livres. Les humains ont-ils vraiment besoin d'incarner dans la chair des plantes les détails de leurs petites vies insignifiantes? » Viande à penser Catherine Mavrikakis Chairs Triptyque (2020).

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
60 min
2
3
4
5
6