Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 16 novembre 2021

Mission encre noire Tome 32 Chapitre 371. Hantises, Carnet de Frida Burns sur quelques morceaux de vie et de littérature par Frédérique Bernier paru en 2020 aux éditions Nota bene dans la collection Miniatures. Un livre qui a reçu Le prix du Gouverneur Général en 2020 dans la catégorie Essais de langue française. Le mot littérature existe que depuis deux siècles et l’expression consacrée est de faire de la littérature. Qu'est-ce que cela veut réellement dire pour l'autrice ? À quoi s'engage-t-on en empruntant les sillages tortueux d'une pensée vivante, vivifiante et parfois dangereuse ? Il en va ainsi des rêveries et des hantises de Frida Burns, alter ego de l’autrice : Comment faire l’expérience du monde autrement que par la littérature? Comment dépasser l’horizon morne du quotidien sinon par la découverte de quelque chose plus grand que soi? Qui lit et pourquoi certains textes sont considérés comme littéraires? Ce livre assez court se veut un hommage à la littérature, «à la lecture-écriture comme une question de vie ou de mort, de vie et de mort, de mort au lieu même de la vie» dixit l’autrice. Je vous invite à tricoter, détricoter la langue, ce soir, en compagnie de Frédérique Bernier à Mission encre noire. Extrait:« Oui, parfois, on voudrait que la vie soit aussi à la hauteur de ce qu'on cherche follement dans les livres (où l'on a pris l'habitude de ronger son os, de courir après son foutu fantôme de chien). C'est aussi bête que cela. Avoir ce besoin criant en soi est la seule définition que je donnerai du mot «littéraire», la seule adhésion véritable que je peux avoir vis-à-vis de cet adjectif. Toute ma bibliothèque pour un parfait moment littéraire dans la «vraie vie», comme disent les enfants. J'avoue ici, je le sais, quelque chose d'inavouable, de gênant. Cela relève d'un romantisme de midinette. Madame Bovary, c'est moi. Je m'en excuserai pas. (Sauf quelques fois, entre parenthèses.) Car ce qui est gênant et honteux, de nos jours, ce n'est pas le sexe dans lequel tout le monde fait semblant de se vautrer pour être compté parmi ceux qui jouissent de la vie (je n'ai rien contre, cela dit, le sexe et jouir de la vie). Ce qui est gênant aujourd'hui, c'est l'amour, comme le relevait déjà Barthes il y a quarante ans, et peut-être plus encore d'afficher sans vergogne sa croyance en l'absolu. En un absolu littéraire qui, surcroît de ridicule, daignerait venir à notre rencontre, tel un ange déchu, dans la «vraie vie».» Aller aux fraises par Éric Plamondon, un recueil de nouvelles paru en 2021 aux éditions Le Quartanier dans la série QR. Aller aux fraises est une expression qui date du début du XXème siècle, qui compare le chemin aléatoire d’une personne qui cherche des fraises à celui d’un individu qui erre sans but, se promène en musardant. Éric Plamondon reprend la route vers ses souvenirs d’adolescence entre la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches. Cap-Santé, Saint-Raymond, Donnacona, Baie-Saint-Paul, Saint-Irénée, Thetford Mines, Asbestos servent de décors à ces trois nouvelles tissées serrées. Aller aux fraises, c'est une histoire du père, une autre des années cinquante, qui fait oeuvre de légende locale et enfin celle du territoire: l'adolescence au Québec. Il existe parfois des distances plus longues que prévu entre l'adulte devenu et l'ado. Il faut croire que celles qui mènent de Portneuf à Charlebois, ou de Québec à Thetford Mines ont mis quelques années à trouver le chemin de la plume de l'auteur. Éric Plamondon nous invite à jeter un coup d'oeil dans le rétro de ses souvenirs de jeunesse au Québec. Il est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.  Extrait:« Au mois d'août, mon père et sa blonde, Sylvie, avaient pris la Transcanadienne en Renault Encore jusqu'à Vancouver pour visiter Expo 86, organisée à l'occasion du centenaire de la ville. J'avais la maison à moi seul pour trois semaines. Mon père m'avait laissé des Tupperware au congélateur - de la sauce à spag, de la lasagne, du pâté chinois, du chili con carne, des hamburger steaks, des pâtés à la viande. La Renault 5 était à ma disposition, je pouvais aller où je voulais quand je voulais. Pour la première fois de ma vie, c'était la liberté totale. Je pouvais laisser traîner la vaisselle pendant des jours, écouter de la musique à tue-tête à toute heure et vider un sac de chips au barbecue en plein milieu de l'après-midi en buvant du coke. J'ignorais encore, du haut de mes dix-sept ans, que dans très peu de temps il me faudrait pas mal plus que des décibels ou des sacs de chips pour avoir l'impression d'être libre.»

Feuille de route

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Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
60 min
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