Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 15 mai 2018

Mission encre noire Tome 23 Chapitre 283. La porte entrouverte de Jean Bello paru en 2018 aux éditions Sémaphore. Méfiez-vous de La Luna Rossa, elle change l'humeur des gens, elle excite les animaux et puisque exceptionnellement, elle tombe un lundi, en ce 9 septembre 1957, elle prête aux confidences. Amalia voit bien les correspondances qui se jouent autour des événements de la dernière année. Le départ de la Baronessa, la disparition de Caperina, le silence du Muet sont autant de bouts éparses d'elle-même à raccommoder. Ce qui lui en coûtera une neuvaine. Qu'est-ce qui peut bien justifier une pénitence aussi longue dans ce village de l'arrière pays napolitain, où, sous le ciel bleu javellisé, on ne plaisante pas avec les jours saints au calendrier? Jean Bello prends possession du réel en cette année 1957. Il nous invite à parcourir une Italie mal connue, repliée sur elle-même, qui vit des heures d'après guerre difficiles face à l'exil des hommes vers l'Amérique. L'auteur met en place une autre dimension qui s'inscrit au coeur du quotidien de cette famille italienne, à majorité féminine, tressée serrée. Dans ce décor magnifiquement rendu, il faut croire que le cadeau d'une simple petite chèvre blanche puisse entraîner une amitié et tout un village dans l'aventure. Cette porte entrouverte s'incarne, quant à elle, dans un miroir florentin, véritable objet d'accélération des désirs. Il se pourrait bien que les Belles croisent la Bête ! Il aurait été délicieux de rencontrer Jean Bello autour d'un café ajusté de grappa et de sambuca, sous un ciel empereur, l'auteur est, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: «J'ai accompagné Mattia chez le Muet à Castello le samedi de la Présentation. Je m'en souviens très bien, j'avais noté la coïncidence. J'allais chez lui sans y être invitée, sans m'annoncer et sans savoir à quel accueil j'aurai droit. Nous nous connaissions si peu. Peu nombreux sont ceux qui doivent en savoir beaucoup plus que moi sur son compte. Même les rares personnes qui le fréquentent ne semblent pas en connaître tellement plus sur lui que les généralités qui circulent. Certains prétendent qu'il est Croate ou Albanais. Les mauvaises langues disent qu'il ferait ses petites affaires avec des brebis, mais ces ragots en bas de la ceinture ne font oublier à personne qu'il a un don de guérisseur, dont même ces colporteurs de cancans ont pu tirer avantage. Ce qui est avéré, c'est qu'il est arrivé avec une bande de gitans. Après la guerre, des groupes d'ouvriers nomades débarquaient au village pour les fenaisons et repartaient Dieu seul sait où aussitôt les moissons finies. Le Muet est resté à cause de don'Usebia.» Je suivrai tes yeux noirs de Martyne Rondeau paru en 2018 aux éditions Triptyque. Est-ce l'imagination d'olivine, barmaid, au comptoir d'un bar JetLite d'un aéroport?Puisqu'elle a parfois imaginé sa présence. Bien avant. Cheveux noirs. ce regard. Il parlerait britannique. Delko est bien là. Il prend tout l'espace. Olivine serait-elle en quête personnelle, maladroite, d'un amant d'un soir ? Ce serait trop simple. Martyne Rondeau prend le beau risque d'écrire sur la violence du désir, c'est cru, sans fard. Audacieusement ses personnages s'engagent dans un duel au sommet, sous forme de partie de tennis virtuelle, qui mettra leur chair et leur âme au supplice et les bouleversera. Marguerite Duras, Claude Gauvreau, Georges Bataille, Catherine Mavrikakis, cité-e-s dans le livre, permettent une rencontre fraternelle autour de l'envoûtante relation entre violence et désir. Ne serait-ce que pour mieux vous ensorceler davantage, l'autrice accompagne son texte de multiples références pop, telles PJ Harvey, The National ou Jesuslesfilles. Osez risquer d'être dérouté, Osez la brutalité du désir, Osez franchir les frontières. C'est très fort. Il y a la vie, le désir sexuel, la mort possible et puis l'écriture. Martyne Rondeau est invitée à Mission encre noire. Extrait: «Angoisse dans la gorge mais elle est sûre qu'il n'est pas un personnage de roman. Sa présence, son corps n'est pas en papier, ses doigts sur le comptoir, plaque d'ardoise ocre, et ses yeux sont ses entrailles. Il est en muscles et en peau ; n'a pas de tache d,encre au visage. Il boit vite et ne soupire pas. S'il n'était jamais venu en fait? Si elle avait imaginé cette rencontre? Elle vacillerait, car ces yeux-là lui proposent quelque chose. Cherchent en aveugle la sortie de secours. La barmaid a vu ça. Elle porte ses mains à ses joues. Son visage maigre son souffle écorché ses lèvres tremblotantes: il y a urgence. Elle ne peut pas se tromper. Elle sait trop l'urgence. Comme le sexe. le sexe ça remplit. Ça remplace l'amour, ça devient passion. Ça empêche de penser. Ça ravive les feux la braise de la blessure affective. Ça sauve de l'insomnie.»

Feuille de route

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Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
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