Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 11 octobre 2022

Mission encre noire Tome 36 Chapitre 392. Que notre joie demeure par Kevin Lambert paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Céline Wachowski jette un regard circulaire sur les invité.e.s. sous l'immense lustre qui pend au plafond. Le Mont-Royal est à deux pas à vol d'oiseau, on pourrait le toucher. Lorsque l’on est une des femmes les plus influentes du monde, il faut se méfier du quand-dira-t-on, ce sont des choses à considérer. Surtout que le complexe montréalais Webuy est sur le point d’être inauguré. Pure produit des Ateliers C/W, situé au 305 rue Bellechasse, cet immense projet suscite bon nombre de critique au Québec. Cette femme de 70 ans qui anime une série culte sur Netflix, dont le portrait est croqué par Joan Didion dans le Harper’s Bazaar, est l’icône d’un monde bourgeois qui évolue en vase clos. Un gotha qui s'ébroue loin de vous, loin de moi, loin de la rue où la menace gronde. Cette classe dominante montréalaise, Kevin Lambert la saisie ici dans toute sa démesure et sa décadence. Sauriez-vous dire pour autant de quoi ils/elles parlent? Comment envisagent-ils/elles la vie? De quoi sont faites leurs angoisses? L’écrivain dissèque les pensées de notre jet-set au scalpel, tout en faisant jaillir l’éternelle histoire d’un capitalisme avide et destructeur. S'agirait-il de son livre le plus politique ? S'agissant de la lame de l’auteur, elle est parfaitement aiguisée et son fil est empoisonné. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Kevin Lambert.

ExtraitCe que Céline aurait aimé voir, c'est des gens qui se révoltent pour de vrai ; pas une gang de bobos qui trimballent leurs pancartes sérigraphiées, avec «POWER TO THE PEOPLE» dessus. Les dominés, les vrais dominés ont juste à tenir tête ; ils devraient arrêter de supplier les avocats et les médecins qui nous servent de gouvernants de sauver leur peau («on augmente le salaire des médecins», ajoute Rolande). Le peuple agit comme un enfant qui se laisse commander, c'est ça qui m'écoeure. Non, c'est pas moi, Céline Wachowski, qui va contester vos rénovictions pis faire respecter les normes du travail dans les usines.Les multimillionnaires que vous admirez tellement, que vous vénérez en secret peuvent bien donner tout leur argent à des bonnes causes, au bout du compte, ils vont jamais vous sauver - sa voix descend, emprunte une tonalité grave pour effectuer une remontée vibrante - qu'on arrête d'attendre le messie... Que le Québec se tienne pour une fois. On veut pleurer dans la rue, et par-dessus tout montrer qu'on pleure, sans trop brasser les affaires. On est trop attachés à la soumission, c'est confortable la soumission...»

Les deuils transparents par Virginie Savard paru en 2022 aux éditions Triptyque.« Toutes les fois que je ne songe pas à la mort, j’ai l’impression de tricher, de tromper quelqu’un en moi. » Cette citation d’Emil Cioran, tirée de De l’inconvénient d’être né, ouvre ce recueil de poésie. Virginie Savard nous invite à faire l’expérience des deuils qui nous habitent, parfois nous fuient par défaut ou par négligence: une plante meurt, un astre s’éteint quelque part, une fourmi s’égare, des mots qu’on oublie, une catastrophe qui n’arrive pas encore, des rendez-vous manqués, des espèces disparues. Vous arrive-t-il de vous demander si ce pas que je viens de poser sur la pelouse serait le dernier ? Ou bien encore, cette nonchalance serait-elle fatale à un être plus minuscule que moi ? En regardant l’existence sur son versant fragile, l’autrice nous invite à revenir sur nos adieux définitifs, comme sur ceux qui nous ont échappé, à nos moments manqués et qui imperceptiblement nous colle encore au corps. Écoutez en vain ce qui meurt un peu plus chaque jour autour et avec nous, c’est déjà faire œuvre de philosophie et d’éthique. C’est sans doute aussi, faire preuve d’humilité et d’écoute envers le cycle du vivant. C’est peut-être là, sous vos yeux, dans cette lecture, une leçon de survie nécessaire, si nous voulons un futur. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Virginie Savard.

ExtraitNous avons fabriqué nos propres dépotoirs/pièce par pièce/l'abondance et le confort sont des tortues qui s'étouffent/et des torrents étranglés/le poids des caprices/a dépassé celui du vivant (...) après nous il restera/un monde fluorescent/où des ours polaires maigres nageront/dans le polystyrène dans le bonheur/ils tenteront de se construire/un nouvel habitat avec les restants/de meubles Ikea de mélamine/de résignation/subsistera un hiver/brillant comme un néon/qui indique la sortie »

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Mission encre noire 12 octobre
Émission du 12 octobre 2021
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 366. Ptoma, Un psy en chute libre par Nicolas Lévesque paru en 2021 aux éditions Varia dans la collection Proses de combat. Depuis 2019 et son précédent livre Phora paru aux éditions Varia, Nicolas Lévesque nous a déjà convié à partager sans langue de bois, le fil de sa pensée. Ptoma en est la suite. La racine grecque de ce mot signifie tomber. Même si l’idée d’arrêter l’écriture avec Phora l’a effleuré, une chose est certaine, et tant mieux pour nous lectrices et lecteurs, l’auteur ne peut se passer de son double écrivain. Selon plusieurs contexte, l'auteur nous invite à perdre pied, à lâcher prise, à faire face à l’imprévu. Au gré de ses interventions, il se livre comme jamais, sur sa pratique, sur le temps qui passe, l'amour, l'art, la pandémie, le Québec, le deuil, le rêve et cela fait du bien. Le tableau La sieste de Jean-François Millet lui sert formidablement d’objet transitionnel, pour ce nouvel exercice de libre parole. Nicolas Lévesque est invité à Mission encre noire. Extrait:« L'un de mes patients qui préfèrent s'allonger sur le divan a trouvé que le mouvement du mobilier coïncidait avec le changement qui s'opérait en lui:« Ça fait des années que je parle en regardant un mur et là je vois dehors, par la fenêtre, les arbres, le parc, la vie qui m'invite à la rejoindre. Je pense que j'ai fini de me tirer des balles dans le pied, Nicolas. Ça n'aide pas les gens de mon pays que je fonce dans le mur par culpabilité. Ça n'aide pas l'Amérique centrale que je ne devienne pas un modèle, ici, pour d'autres. Je regarde en avant, je vais dehors, je vis ma vie, j'avance et je trace des pistes pour ceux qui arriveront. T'aurais pas pu changer tes meubles de place avant ?» Pays Barbare par Jérémie McEwen paru en 2021 aux éditions Varia. L’auteur est philosophe et essayiste, il dresse un constat comme on tire un trait définitif: le Québec est gouverné par les hommes de la génération de son père. Ce père qui est en quelque sorte le personnage principal de ce livre auquel il s’adresse. Un truchement habile qui permet d’éplucher le conservatisme québécois, porté au pouvoir en 2018, qui autorise un politicien, tel François Legault, d’appeler à voter pour un pouvoir conservateur aux dernières élections fédérales, de manière naturelle et décomplexée. Jérémie McEwen était en sixième année lors de la première crise cardiaque de Jean McEwen. Dans le même temps il découvre le punk, Jello Biafra, Crass et No means No. Comme un écho à cette «énergie spéculative prête à exploser», cet essai, à la fois hommage et déclaration d'amour, indique également le nouveau chemin que l'auteur aimerait voir emprunter par le Québec de demain. Le 06 septembre 2018, 20 ans après sa mort son fils lit une lettre à son père sur les ondes de Radio Canada à l’occasion de l’exposition Poèmes barbares à la galerie Simon Blais. Il s'agit là, sans doute, de l'étincelle qui mène à ce livre. Je reçois Jérémie McEwen à Mission encre noire. Extrait:« Que voulais-tu dire en disant que la vie n'était pas si courte que ça ? J'ai longtemps tenu l'interprétation suivante. La vie est assez longue pour le regrets, pour ce sentiment d'avoir trop brûlé de ponts, pour cette impression d'avoir manqué son coup avec certaines personnes. Tu m'avertissais, me dis-je pendant vingt ans, qu'il fallait faire attention au monde autour de nous, tu n'avais pas fait attention à certaines personnes, aux femmes surtout, et tu t'étais retrouvé avec seulement les amis de ta deuxième femme autour de toi, des gens que tu trouvais agréables, mais ce n'étaient pas tes amis à toi, et tu me disais qu'avoir ses amis à soi était un bien plus précieux que tout, aussi précieux que l'amour lui-même. Tu n'avais que deux amis à toi au temps où je t'ai connu, seulement deux qui t'étaient restés fidèles malgré tes frasques, et tu m'avertissais que si je ne me rendais pas assez vite compte de la longueur de la vie, je vivrais trop, trop tôt, trop fort, trop bête. Cette bêtise t'habitait, tu ne le niais pas, tu savais qu'elle m'habitait aussi, et tu m'as averti de maintenir la bête non pas strictement en cage, mais plutôt apprivoisée juste assez pour qu'elle me serve, sans trop me nuire.»  
60 min
Mission encre noire 05 octobre
Émission du 5 octobre 2021
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 365. Mégantic, un train dans la nuit par Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel paru en 2021 aux éditions Écosociété dans la collection Ricochets. « Il y a des hommes, mon enfant, qui sèment les ruines et la peine sans même un frisson de gêne», ce sont les premiers mots imprimés sur une aquarelle aussi belle que menaçante de cet album: un drone à la poursuite d'un oiseau dans un champ de ruines. Pour prendre conscience de l’ampleur de la lecture qui vous attends ici, il nous faudrait commencer par la fin ; un silence de recueillement. Il faudrait prendre le temps de prononcer chaque nom des 47 victimes fauchées lors de la tragédie de Mégantic. L’essayiste Anne-Marie Saint-Cerny s’invite dans l’univers de la BD aux côtés de l’auteur de bande dessinée Christian Quesnel, pour adapter en quelque sorte son essai choc, Mégantic, une tragédie annoncée paru en 2018 aux éditions Écosociété. Un livre qui a été lauréat du Prix Pierre-Vadeboncoeur en 2018 et finaliste aux Prix littéraires du Gouverneur général et au Prix des libraires du Québec en 2019. Cette histoire nous est contée par une grand-mère et sa petite fille qui se demandent, comme nous d’ailleurs, comment un train parti du Dakota du Nord, aux États-Unis, finit par causer l’une des plus grandes catastrophes ferroviaires de l'histoire canadienne à Lac-Mégantic, une municipalité de l’Estrie. Comment 72 wagons-citernes contenant 7,7 millions de litres de pétrole brut léger ont provoqué des explosions et un incendie qui ont détruit une bonne partie du centre-ville? Je reçois, ce soir, à Mission encre noire Anne-Marie Saint-Cerny et Christian Quesnel. Extrait:« D'où est donc venu tout ce mal? Dès la première heure, la seule explication officielle reposait sur une explication simpliste: la catastrophe était due à l'erreur d'un homme seul, dans les montagnes, qui n'aurait pas mis assez de freins sur son train. Et dès la première heure, j'ai décidé que cette fois, j'allais déterrer la vérité: qui avait permis qu'un homme seul, justement, simple employé au bas de la chaîne, puisse laisser pour la nuit entière les clés sur le banc d'une locomotive en marche, tirant 72 bombes sur des rails brisés. Cette première enquête a été publiée avant le 5 ème anniversaire de la tragédie, en juin 2018. J'avais promis des réponses à mes amis de Mégantic. C'est un travail dont j'avais sous-estimé l'importance. Car à ce jour, le gouvernement du Canada, responsable de l'industrie ferroviaire, a absolument refusé toute enquête publique sur une tragédie qui a pourtant coûté tant de vies et détruit la moitié d'une petite ville. Les victimes n'ont toujours pas de réponses, le danger reste aussi grave - les trains roulent toujours la nuit en plein coeur de la municipalité, malgré l'annonce de la construction d'une éventuelle voie de contournement. Et ce danger, il court en fait à travers l'Amérique du Nord. L'industrie ferroviaire, elle, est préservée et prospère.» L’équilibre de Cassie Bérard paru en 2021 aux éditions La mèche. Il sera une fois, dans un futur proche, un Parti politique  qui sera élu sur la base d'une promesse: instaurer le régime de l'équilibre et révolutionner le système. Des prisons individualisées verront le jour progressivement, dans votre cour arrière. Un nouveau modèle de système carcéral se met en place. Les citoyens, tirés au sort, deviennent du jour au lendemains des geôlier.e.s privatisé.e.s malgré eux. Après dix ans d’expérimentations, le projet prend l’eau de tout bord. De plus en plus de prisonniers s’évadent. Estelle, enquêtrice du bureau d’inspection pénitentiaire, situé dans le centre ville de Montréal, a l’intuition que le système se meurt. elle est chargée d'enquêter sur les multiples évasions en cours. Qu’en est-il du regard culpabilisant du citoyen qui observe son prisonnier à toute heure ou bien est-ce l’inverse? Qu’est-ce qu’implique l’existence d’oubliettes ou de bagnes individualisés? Que dit de nous l’implantation d’un tel système? Cassie Bérard évoque la question sensible de la prison moderne à venir. Quel regard posons-nous sur la mise en place possible d’un système soit disant plus humain?  À quelles nouvelles problématiques pourrions-nous être confrontés? L’autrice nous invite ici à un périple dystopique percutant, qui n'est pas sans nous rappeler une version orwellienne de surveiller et punir, de Michel Foucault. J’accueille Cassie Bérard, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« La deuxième phase de la réforme touche la gestion. Une fois la revitalisation des prisons complétée à l'échelle du pays, il y aura révision des normes d'attribution. Le mode d'attribution des prisons est calqué sur le processus de sélection des jurés dans un procès. Mécanique à deux moteurs: une intervention des avocats et du juge. Pour les prisons cependant, c'est l'ordre inverse: l'Agence de la justice procède d'abord à l'évaluation de critères techniques - dimensions du lot d'accueil, quota de prisons par région, distance du lieu de résidence du prisonnier, etc.- et sélectionne, pour chaque cas, une dizaine de terrains propices. Parmi eux, on désigne au hasard le terrain où sera installée la cellule. Devoir citoyen: les geôliers n'ont pas le droit de s'opposer. Or, ce fonctionnement a généré au fil des ans des situations aberrantes. Elles sont rares mais posent de sérieuses questions. Par exemple, un couple de sexagénaires basé dans Lanaudière s'est vu attribuer une prisonnière, leur nièce, condamnée à cinq ans de détention pour avoir participé à un réseau de trafic d'organe. En ce sens, une proportion de la population reproche à l'agence de prioriser les aspects géographiques au détriment des réalités individuelles.»  
60 min
Mission encre noire 28 septembre
Émission du 28 septembre 2021
 Mission encre noire tome 32 Chapitre 364. Pompières et pyromanes de Martine Delvaux paru en 2021 aux éditions Héliotrope dans la série K. L'odeur préféré de Martine Delvaux est un parfum de feu. Le monde brûle la chandelle par les deux bouts, les mauvaises nouvelles s’accumulent de jour en jour concernant l’état de notre planète. Face à la crise climatique Martine Delvaux refuse de baisser les bras. Elle décident de s’unir au combat que mène la génération de sa fille. Celui de ces femmes, libre-penseuses, solidaires et volontaires, militantes ou sacrifiées sur l’autel de l’Histoire qui choisissent de résister aux empêcheurs de tourner en rond, aux langues de bois, aux mot usées, aux mensonges et aux abus de toutes sortes. Ce livre est né de la fascination de l’autrice pour le feu, pour toutes celles qui ont joué avec le feu et qui continuent à le faire. Ce livre-collage est le point de départ d’un incendie qui roule au fil des pages, et n’attend plus que vous lectrices et lecteurs, pour prendre de l’ampleur. Je vous propose de partager le feu sacré de Martine Delvaux ce soir à Mission encre noire. Extrait:« Octobre 2019. En Californie, pendant l’incendie de Simi Valley, une jument, au moment où on la guidait vers une remorque pour l’éloigner du feu, s’est dégagée des palefreniers pour faire demi-tour et foncer vers le bas des collines enflammées. Une vidéo la montre en train de courir vers un poulain et un autre grand cheval, désorientés, perdus dans le chaos. La jument, du nom de Prieta, était la grand-mère du poulain âgé de deux mois et qui répondait au nom d’Onyx, le petit de sa fille, la jument Mona Lisa. Les chevaux et les juments, explique une palefrenière, partagent avec les humain·es cet élan instinctif qui les pousse à vouloir sauver les membres de leur famille / Article trouvé en ligne : Ce que toute mère devrait savoir en cas d’incendie. Ma peur est plus grande que la raison. J’ai une idée vague de l’emplacement des sorties d’urgence de notre immeuble. Je n’ai jamais imaginé de plan d’évacuation. Je n’ai jamais fixé de point de rencontre à l’extérieur en cas de séparation. Je ne t’ai jamais dit de ne pas te cacher dans un placard ou sous un lit. Est-ce que tu sais qu’il faut rester collée au sol en cas de fumée ? Est-ce que tu sais comment faire si tes vêtements prennent feu, comment il faut se jeter par terre et se faire rouler pour étouffer les flammes ? » Lien pour participer aux 15 ans d'Héliotrope: https://www.facebook.com/editionsheliotrope/photos/a.184973892157/10159413076392158/ https://www.editionsheliotrope.com/ Y avait-il des limites si oui je les ai franchies mais c’était par amour ok de Michelle Lapierre-Dallaire paru en 2021 aux éditions La mèche. À l’annonce du suicide de sa mère, la narratrice snappe. Elle a 27 ans. La veille des funérailles, alors qu’elle dort dans son ancienne chambre, elle entend sa voix à elle qui se confond avec celle de sa mère. La douleur est telle, insidieusement, elle glisse vers un point de non retour. Le corps se déconnecte de la conscience. Les émotions qui la submergent peuvent l’avaler, à tout moment, toute entière, dans un dernier trip, à tout détruire sur son passage. Elle, inclue. Michelle Lapierre-Dallaire écrit comme on brûle un certificat de naissance pour décrire sur la maladie mentale. Un témoignage livré à fleur de peau, le corps transpercé par les agressions multiples qu’on lui fait subir. Comme le déclare l’autrice, il fallait sacrifier quelqu’un pour écrire ces histoires, pour les faire lire à des gens qui ne souhaitent jamais les vivre. On comprend assez vite que le cadre du livre ne suffit pas. Il n’empêche que L’autrice maîtrise sa verve comme sa rage de vivre comme jamais, dans ce premier roman. Comment l’autrice a-t-elle relevé ce défi? comment faire rentrer un témoignage aussi puissant sur la maladie mentale, les violences sexuelles et familiales et les relations amoureuses dans le format d’un livre? J’accueille Michelle Lapierre-Dallaire, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« Le monde qui parle trop fort au restaurant me donne envie de prendre la vaisselle, de la faire exploser par terre. de me mettre à raconter en criant et en riant trop fort la fois où je me suis fait pisser dessus par un homme marié dans un motel. Quand les gens font du bruit, je ne tolère pas d'en faire moins qu'eux. je veux que mon bruit à moi soit plus fort que celui des autres, que mon chaos sonore envahisse l'espace tout entier. C'est moi la plus bruyante, c'est moi qui provoque les plus belles cacophonies. Je pleure fort, je ris fort, je parle fort. Je ne suis pas heureuse, j'exulte. Je ne suis pas triste, j'agonise. Tout m'apparaît comme un bon prétexte pour casser le silence ambiant. Je n'aime pas le silence parce que j'ai peur de m'entendre vivre. Quand je surprends un de mes propres battements de coeur, j'angoisse à propos de ce corps amour-haine qui abrite un torrent. Mon corps, c'est mon seul barrage contre moi-même. Même s'il est peu fiable, c'est le seul. C'est pour ça que j'offre toujours à tout le monde de baiser. C'est la seule façon que j'ai trouvé de communiquer sans déchirer l'intérieur de l'autre, sans l'anéantir. Je partage mon barrage pour éviter de décharger mes déferlantes. Mais je ne partage rien à moitié. En fait, je partage tellement que je donne tout ; il ne reste jamais rien pour moi. Je prends mes petits restes et je me refais un corps constellé de fissures, de trous noirs. Chaque fois, c'est un peu plus risqué. Mais, comme disait ma mère, quand tu penses que t'es pu capable, t'es capable encore.» https://www.groupecourteechelle.com/la-meche/    
60 min
Mission encre noire 21 septembre
Émission du 21 septembre 2021
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 363. Sadie X de Clara Dupuis-Morency paru en septembre 2021 aux éditions Héliotrope. Nous entamons cette nouvelle saison 2021 en compagnie de Clara Dupuis-Morency dont le premier livre, Mère d’invention (2018), a été finaliste du Prix des libraires. Sadie est chercheure dans un laboratoire de Marseille. La rencontre avec le professeur Régnier lui permet de découvrir le monde du minuscule, les virus. Quand il découvre un nouveau spécimen de virus géant, quelque chose qui ne ressemble à rien ailleurs dans le monde, Règnier le déclare forcément monstrueux. Il le nomme Pandoravirus. Assidue sur ses microscope le jour, elle se vide le corps et l'esprit au Scum, le bar de Veronica, au son des playlistes de Molly. Or cette forme qui jaillit de nulle-part, jette un clair-obscur sur la vie elle-même de Sadie, qui n’est pas sans conséquences. Elle se laisse contaminer par l’idée du désapprentissage, à comprendre comme l’unique moyen envisageable pour aborder ce qui échappe à la compréhension humaine. Quand le hasard de la Science fusionne avec la vie intime, un cocktail qui ébranle nos convictions en résulte. Miroir du mythe de la Belle & la Bête ? Je vous propose de nous pencher au-dessus du microscope tendu par l’autrice, ce soir, à Mission encre noire, j’accueille Clara Dupuis-Morency. Extrait:« Chaque fois, c’est la même chose, elle se donne un mal de dos terrible à rester penchée des heures sur le spectacle de la métamorphose, tendue, toute, vers l’inattendu. Elle pourrait bien s’épargner les vertèbres, contempler le processus sur l’écran de l’ordinateur, qui relaie sagement l’image, mais elle n’y peut rien, ça fait partie de son rituel. Prendre part au cycle d’infection d’un nouveau virus, c’est comme assister à la naissance d’un enfant, sans le malaise qui s’ensuit, de savoir qu’on a mis un autre être humain au monde. Chaque fois, elle ressort de ça dans un état misérable, incapable de se déplier, recroquevillée comme une vieille avec une mauvaise scoliose, il n’est pas rare qu’elle doive prendre une canne pour marcher pendant des jours, après, c’est comme si elle était restée là des années, à se ratatiner la colonne, comme si la tension concentrée par l’excitation lui avait coûté des décennies de bonne santé. Et c’est peut-être ce qui se passe, en réalité, elle vit au rythme accéléré du virus, qui complète un cycle de vie toutes les douze heures en moyenne, parce que c’est bien un cycle de vie, qui se déplie alors sous ses yeux. C’est à la vie du virus qu’elle prend part, comme observatrice émerveillée. Et cette vie ne se réduit pas à la boîte visible du virus. Le virus est l’ensemble des phénomènes qui se produisent dans l’infection. Le virus n’est pas la bombe, c’est l’explosion de vie qui éclate les limites de l’individuel. Dans cette transformation, la vie infectieuse transforme les notions dont Sadie a hérité pour cerner le phénomène du vivant. Le virus n’est pas la boîte.» L’engagement pousse là où on le sème, le Carré Casgrain, de jardin ouvert à collectif citoyen. Un ouvrage collectif de Françoise Montambeault, Laurence Bherer et Geneviève Cloutier avec des illustrations d’Emanuelle Dufour paru en 2021 aux éditions Écosociété. Fabien C., Hélène, Claude, Fabien P., Alex, Hélia, Camille et les autres ne se doutaient pas que l'aventure du collectif du Carré Casgrain les mèneraient à la publication d'un livre. Des premiers balbutiements du projet à aujourd'hui, les autrices rassemblent une mine d’information sur une période de trois ans. Cet ouvrage devient, alors, un véritable docu fiction qui regorge de superbes illustrations, de rebondissements en tout genre, d’histoires d’amitiés, de rencontres multiples, et tout cela si près de chez vous. Vous qui rêvez de sortir des sentiers battus, de vivre la grande aventure de l’engagement citoyen, je vous propose de rencontrer ce soir à Mission encre noire deux des autrices Françoise Montambeault et Geneviève Cloutier, ainsi qu’Hélène, une des membre du collectif, porte parole informelle du collectif du Carré Casgrain. Extrait:« En tant que 'patenteux' en chef, Claude joue également un rôle pivot. Des rencontres se tiennent dans son sous-sol, qui contient les outils dont rêve tout bricoleur et qui est le parfait endroit pour entreprendre de petits chantiers de réparation ou pour démarrer les semis lorsque la saison est encore froide. Sa cour arrière sert également d'entrepôt et de point de rencontre. Comme Claude habite le quartier depuis longtemps, il agit comme intermédiaire auprès des voisins qui désirent aider le Carré. Enfin, puisqu'il est le seul du groupe à posséder une voiture, il s'occupe bien souvent de faire les courses. ' Moi, je ne suis pas Facebook, alors c'est sûr que je ne pose rien sur Facebook. Puis je ne suis pas capable non plus de lire ce qu'il y a là dessus. Je marche par courriel. Mais ce n'est pas pratique parce que certains ne lisent pas leurs courriels. C'est sûr que c'est un petit peu bancal comme structure, mais il y a quand même une base qui a fait en sorte que ça a fonctionné tout l'été. Mais c'est très informel. - Claude.»  Lien facebook Le carré et sa ruelle : https://www.facebook.com/lecarreetsaruelle
60 min
Mission encre noire 29 juin
Émission du 29 juin 2021
Mission encre noire Tome 31 Chapitre 362. Noir Métal de Sébastien Chabot paru en 2021 aux éditions Alto. La tête d'un lièvre explose sous les roues d'un Dodge Caravan 1986, Un corbeau se fait percuter, plus tard par un train routier, une femelle coyote se fait aplatir par un camion Robert Transport de couleur jaune, seul Sebastian arrive à traverser la route 132 sans encombre. Sainte-Florence, un village du Bas Saint-Laurent, prend des allures de Twin Peaks, alors qu’un jeune homme rentre d’un séjour difficile en centre jeunesse. Knut Sebastiansen, dit le Général, grand prêtre du mystérieux groupe Vita Cirkeln, qui scandinavise ses initiés, dirige d’une main de fer l’une des principales ressources économiques de la région : l’usine de pelles Skovlar. Sebastien Andersen ne parle pas, il laisse sa musique de black métal et sa fascination pour les animaux mort en états de décomposition le faire à sa place. Ailleurs, en dessous du pont du village, une écrevisse géante menace des ados de ces pinces énormes. La faune sauvage semble atteinte d’un mal étrange. Tout comme la communauté de ce coin matapédien, qui s’avère soudainement perturber par cette présence nouvelle et inquiétante. Sebastian accorde son chant d'outre tombe, qui a des allures de revanche à prendre, au désordre humain. Et de ce monde qui rend une musique si étrange, Noir métal vous stupéfiera par effraction. Je reçois Sébastien Chabot, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: «Plusieurs taxidermistes du coin pétrifiaient, dans la colle et la bourrure, les animaux sauvages ; le plus difficile n'était pas de les tuer, mais de leur trouver un regard adéquat pour l'éternité. Sébastian observa les yeux vides durant de longues minutes: tous ces abîmes de verre morts posés sans ordre sur un grand tissu noir, destinés à des créatures qui avaient vu dans la nuit comme en plain jour mais qui, à présent, se promenaient aveugles dans leur vie impossible. Sebastian se pencha et plongea son regard dans une trentaine de billes. Aucune ne renvoyait la lumière de la même façon. Dans certaines, les reflets décomposaient les couleurs et enfermaient des arcs-en-ciel. Sebastian parcourut les billes, en toucha quelques-unes. Puis, dans un coin, il vit le regard parfait, d'un bleu métal qui voilait les éclats des néons. Ses mains tremblaient lorsqu'il décrocha les deux sphères, et sa respiration était bruyante. Il haletait presque comme un chien. Sebastian sentit un liquide s'écouler dans la poche droite de son manteau. Une odeur fauve montait à ses narines. Il jeta un dernier regard à l'employé qui pliait les cartons et s'en retourna au comptoir.». Filibuste de Frédérique Côté paru en 2021 aux éditions Le cheval d’août. La rubrique des «chiens écrasés», c’est comme cela que l’on nomme le fait divers à la fin du XIXème siècle. Parce qu’il est une information brute, le fait divers fascine et fait vendre du journal à un public avide de grandes sensations. Au XIXème siècle on les nommait «la rubrique des chiens écrasés». La présence des faits divers dans l’œuvre d’Emmanuel Carrère fait parti du mémoire de maîtrise de Frédérique Côté. Filibuste en porte la marque, c'est un roman polyphonique qui met en scène une famille, dont la mère de Delphine, Flavie et Bébé reçoit chaque dimanche ses filles à souper à la maison. Lorsque qu’un drame surgit. Le père, dans sa balade hebdomadaire en moto, est impliqué dans un accident mortel qui se retrouve dans la rubrique des faits divers. Des tensions vont rapidement se mettre au jour au sein de la sororité et dévoiler les ressorts d’une dynamique familiale pour le moins dysfonctionnelle. L’histoire se déplie alors avec en toile de fond la montée du phénomène des télé-réalités et d’autres éléments extérieurs qui font de ce roman une sorte de tatouage captivant sur un bout de chair de notre époque mise à nu. Je reçois Frédérique Côté, à Mission encre noire. Extrait: «Je suis la seule à pleurer notre famille, personne d'autre se fera tatouer quatre biches sur un mollet. Une des plus belles réussites de ma mère, c'est de m'avoir protégée d'elle durant mon enfance. Je suis toujours restée le bébé dans sa tête et, à part mes petites tensions avec Delphine, j'ai eu une vie de famille paisible. Tout le monde attendait cet éclatement, et moi j'imaginais des soupers les dimanches jusqu'à ce qu'on soit vieilles et que nos enfants soupent avec nous. J'étais pas préparée à être victime de mon clan alors que j'aurai dû, puisque ses autres membres s'entretuent.»
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