Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 27 octobre 2020

Mission encre noire Tome 29 Chapitre 339. La bienveillance des ours, une correspondance entre François Lévesque et Virginia Pesemapeo Bordeleau paru en 2020 aux éditions du Quartz dans la collection Forêts. Lors d'une première rencontre initiée au salon du livre de l'Outaouais à l'occasion d'une table ronde, les deux interlocuteurs de ce projet de correspondance, originaire de Senneterre en Abitibi-Témiscamingue, ne se doutaient pas encore à quel point, par l'intermédiaire d'un livre, leur retrouvaille, serait si marquante. Car ces, désormais, deux ami.e.s, ne prennent pas cette invitation à la légère. François Lévesque et Virginia Pesemapeo Bordeleau ont beau être né.e.s à des époques différentes et avoir grandi dans le même patelin, ce livre s'ouvre comme la porte d'un magasin général, «un sapin illuminé et des guirlandes de toutes les couleurs dans la vitrine.» Cette correspondance fait du bien, elle se veut accueillante, avec en toile de fond l'écho de ce qui habite les souvenirs , les héritages, leur rapport à l'écriture et bien entendu de pouvoir parler, avec passion, de ce que la vie apporte en général. Malgré le vide qui s'ouvre sous les pas de ceux qui ont le courage d'aborder des thèmes qui font mal, ces confidences partagées à un.e autre comme soi sont un vrai régal. Je reçois, Virginia Pesemapeo Bordeleau et François Lévesque à Mission encre noire, ce soir. Extrait: « Je me souviens de ce qu'avait dit mon père une dizaine d'année avant sa mort à propos de la dégradation de la planète et, par extension, de la fin de l'humanité. Il avait un côté visionnaire, réfléchissait et lisait beaucoup. Donc il m'avait dit: « Il reste 50 ans avant la fin, si c'est pas la pollution qui tue l'humanité, ce sera un virus, on est rendu tellement pu capables d'endurer un bobo, tu suite un antibiotique!»» (...) « Le soleil de fin d'après-midi inonde la pièce en ce vendredi. Le weekend qui a d'ores et déjà commencé...L'image est idyllique. Et pourtant, j'ai le coeur serré. J'ai peur. Ce coronavirus a transformé notre monde en un de ces films d'horreur dont j'ai dû voir toutes les versions et variations. Ça vient par vagues. Je pratique le télétravail, tout le journal ayant été délocalisé, et l'obligation de me concentrer sur mes sujets durant la semaine m'est bénéfique. Je pense alors moins à ce qui se passe dehors, ou à ce qui pourrait s'y passer.» Brasiers de Marc Ménard paru en 2020 aux éditions Tête première. Philippe se frotte les yeux pour pouvoir y croire, le retour de son vieux complice tant attendu est devenu réalité. Même diminué par une hépatite C, l'homme garde une rage intacte. 15 années sans donner signe de vie, et pourtant Mora ne faiblit pas, l'heure des comptes est arrivée. Leur ennemi de toujours Hans Wolf a été libéré. C'est une nouvelle chasse à l'homme qui débute. Il faut retourner vers les années 80, à Montréal et à Paris pour comprendre cette colère essentielle qui ronge les deux hommes. Après avoir parcourus l'Europe à la poursuite de néonazis et de leur chef, une chose est sûre, le mal est proche. Enterré au fin fond d'un repère secret en forêt de Lanaudière, un gang d'élite attend son heure pour frapper. La haine peut se répandre comme une traînée de poudre et provoquer une décharge à ciel ouvert. Philippe ne le sait que trop bien. C'est aussi une fièvre dont on peut devenir cruellement dépendant. Marc Ménard compose un suspense haletant, mené par une plume endiablée et des mots au claquement métallique. Il faut bien ça pour pister un fauve sanguinaire, est-ce que cela sera suffisant ? Je reçois Marc Ménard, à Mission encre noire. Extrait: « La nuit porte conseil, dit-on. Philippe, dont la dernière nuit avait été blanche, ne savait trop que penser de ce dicton. De ses cogitations nocturnes, il n'avait récolté qu'un malaise prégnant, un sentiment de culpabilité aigu. Madeleine avait raison: toute cette histoire était ridicule. Oui, il se sentait redevable à Mora d'un dernier coup de main, et oui, le désir de vengeance le taraudait. Il n'en demeurait pas moins un père de famille, pour être plus précis. Avant de quitter la maison, à l'aube, il avait quand même pris le temps de déposer un baiser sur le front de ses enfants, de leur ébouriffer les cheveux, de leur dire que papa partait en voyage et qu'il serait de retour dans deux ou trois jours. Promis. Une promesse qu'il comptait tenir. Les enfants s'étaient aussitôt rendormis, avec l'insouciance que seule l'enfance autorise, et Philippe s'était retrouvé en tête-à-tête avec ses remords.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min