Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 27 novembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 298. Adolphus de Hervé Gagnon paru en 2018 aux éditions Libre Expression collection Expression Noire. - Seigneur tout puissant, aie pitié de mon âme! s'exclame Adolphus Dewey, alors qu'il refuse la cagoule offerte par le bourreau sur le gibet dressé sur la galerie de la prison. Une fois l'office accompli, un individu s'approche et repart avec un objet enveloppé dans une vieille chemise. Soixante ans plus tard, début octobre 1893, Joseph Laflamme, George McCreary et leurs promises, Emma et Mary s'apprêtent à visiter le cirque Sarazini au «Parc Sohmer Park». À dix cents par tête, les deux couples vont vivre une soirée i.n.o.u.b.l.i.a.b.l.e. Deux personnes sont assassinées près du chapiteau. Bizarrement, la hache utilisée par le montréalais Adolphus Dewey pour commettre son forfait qui était exposée dans le cabinet de curiosités, a disparu. Le journaliste vedette de La Patrie enquête ! Une nouvelle fois, Hervé Gagnon nous invite à découvrir un univers montréalais inédit, un bien étrange cirque. L'auteur est notre invité, ce soir, pour nous rafraîchir la mémoire à propos de sa, désormais, cultissime série de Joseph Laflamme. Extrait: «Un éclat de rire jovial monta tandis que le magicien se renfrognait, mécontent. Ils se retournèrent et trouvèrent, dans le kiosque d'en face, un homme et une femme d'une obésité colossale. Leur corps donnait l'impression d'être constitué de vagues successives de graisse qui débordaient de leurs vêtements, aussi grands que des tentes, et se déployaient de tous les côtés. Dans les robustes fauteuils en rondins qui semblaient peiner à les soutenir, ils avaient exactement la même posture, leurs mains potelées reposant sur un ventre immense, les cuisses grosses comme des troncs d'arbres écartées pour permettre à leur panse de se loger au milieu. Leurs visages cerclés de multiples mentons n.étaient que des masses de lard dans lesquels s'enfonçaient des petits yeux pétillants. Comble de malchance, la femme était affligée d'une pilosité faciale que bien des hommes auraient enviée. Fier de sa boutade, le gros homme riait, ce qui le faisait frémir tout entier dans son fauteuil qui grinçait dangereusement. Nul doute qu'il lançait la même à tous les visiteurs pour attirer leur attention. Du coin de l'oeil, Joseph consulta l'écriteau qui était apposé sur le kiosque: «Pierre et Pierrette Jetté, le Couple le plus gros du monde. 712 et 622 lb! Pierrette est aussi barbue.» Janvier noir de Alan Parks traduit par Olivier Deparis paru en 2018 aux éditions Rivages. Glasgow, 1973, devant la gare routière, un jeune garçon ouvre le feu sur une jeune femme avant de retourner l'arme contre lui. La ville s'apprête à vivre l'une de ses semaine les plus noires de son histoire. L'inspecteur McCoy est au première loge. Un détenu, Howie Nairn, l'a convoqué pour lui annoncé, la veille, le sombre destin qui se préparait pour la victime. Accompagné de son jeune adjoint, Wattie, il ne pourra empêcher ce premier meurtre d'être commis. Au milieu de l'hiver rude écossais, McCoy enquête. Alan Parks initie un nouveau cycle d'une douzaine de romans, à venir, avec Janvier noir. McCoy est un dur à cuir, il se sent chez lui aussi bien dans les bas fonds de la ville que dans les quartiers plus huppés. Boucler cette affaire ne sera pas pour autant de tout repos, certains endroits lui collent de trop près à la peau. Âpre et réaliste, ce premier épisode va ravir ceux et celles qui raffolent des décors d'époque, les rues en pente, l'architecture sinistre, David Bowie, Rod Stewart et les origines ouvrières des vrais lads écossais. Obstiné et déterminé, à l'image de son héros abîmé, ce premier roman noir a tout pour convaincre. Extrait: «La voiture tourna sèchement à droite au grand abattoir et s'enfonça dans Dalmarnock. Glasgow était une ville faite de villages, de territoires délimités par les gangs qui se disputaient telle ou telle rue. McCoy n'avait le souvenir d'aucune revendication concernant Dalmarnock. Personne n'en voulait. Il s'arrêtèrent devant un immeuble abandonné sur un terrain vague envahi par la boue, les flaques et les gravats. Les entrées et les fenêtres du premier étage avaient été condamnées à l'aide de planches par la municipalité, des panneaux DÉFENSE D'ENTRER - DANGER tout juste visibles sous le nom des gangs peint à la bombe. Ces panneaux n'avaient pas été d'une grande utilité. La moitié des planches avaient été enfoncées ou arrachées, certaines, brisées, baignaient dans la boue. - C'est des gamins qui l'ont trouvée, dit Murray en frottant sa vitre pour la désembuer et regarder à l'extérieur. Ils jouaient à cache-cache là dedans. On ne peut pas leur en vouloir, ils n'ont pas beaucoup d'autres distractions par ici.» Tuer jupiter de François Médéline paru en 2018 aux éditions de La manufacture de livres. Emmanuel Macron est mort ! Ses obsèques nationales se déroule le 02 décembre 2018. Il rejoint le Panthéon devant les caméras du monde entier. Brigitte Macron porte des lunettes conçu par un grand lunetier parisien sur le modèle de celles de Jacky Kennedy. Mozart est joué par un choeur berlinois. Les chefs d'États de la planète entière se manifestent. Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, prépare son éloge funéraire. François Médéline a passé dix ans au service de parlementaires socialistes, il a fréquenté, au plus près les coulisses du pouvoir. Il vous propose de remonter le temps de cet assassinat. Si complot il y a, le fil du récit nous transporte de la Maison blanche, à Moscou, à Jérusalem et sous les arcanes de l'Élysée. Tout cela est-il plausible vous demandez-vous ? Le texte, forcément audacieux, est spectaculaire et plus vrai que nature. Amateur de James Ellroy, l'auteur, rend hommage à l'illustre écrivain. La vraie ironie perverse du récit dystopique est de surfer sur un passé fictionnel qui repose, en parti, sur des faits avérés de notre réalité actuelle. Et c'est ce qui est effrayant et délirant. Extrait: «Élodie sutura la bouche du président de la République. Élodie caressa sa lèvre supérieure. Elle fit pivoter son siège surélevé, scruta le portrait mesurait cinquante centimètres par soixante-dix. Il était encadré, suspendu à la vis cruciforme sur laquelle Élodie accrochait tous ses morts. Emmanuel Macron était assis sur son bureau devant la fenêtre. La fenêtre donnait sur le jardin du palais de l'Élysée. Emmanuel Macron était assis et en même temps il était debout. Avec ses deux alliances, ses deux téléphones. Avec les deux poches latérales de sa veste de costume. Avec les Nourritures terrestres et Les Mémoires de guerre. Avec Le Rouge et avec Le Noir. Avec l'histoire qu'Élodie devait raconter. Avec cet homme-là qui était son modèle. La consigne lui avait été donnée par le cabinet du président défunt à l'Élysée. Toutes les familles donnaient des consignes. Emmanuel Macron possédait une armée de sbires. Ses sbires les plus proches étaient directifs. Le cabinet de l'Élysée avait étudié la cryogénisation et s'était renseigné sur les embaumeurs de Lénine. La cryogénisation sonnait trop Star Trek. Les embaumeurs du petit Vladimir Illitch étaient les meilleurs du monde, Lénine rajeunissait plus de quatre-vingt-dix ans après sa mort.»    

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min