Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 27 juin 2023

Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.

Extrait: « Je m'appelle Roxane et j'ai 27 ans. 27 ans, c'est l'espérance de vie que la communauté trans s'attribue à cause d'une fausse statistique virale sur internet. J'ai, par le passé, cherché à en trouver l'origine, rencontrant différentes variations à chaque strate de mon excavation. Life expectancy of trans people is 27 years old. Life expectancy of trans women of color is 27 years old. Life expectancy of trans women who do sex work is 27 years old. Il se trouve que ce nombre vient d'un rapport de colloque citant l'approxima, soit l'estimation pessimiste d'une organisation d'Amérique latine à propos de l'âge moyen des femmes trans assassinées du secteur, souvent des travailleuses du sexe. Ce chiffre avait été généralisé à toutes les femmes trans des Américain.es qui y voyaient une occasion de mobilisation clé en main. Évidemment, une déconnexion avait été faite à partir de ce moment-là entre la réalité théorisée et celle, vécue, dans nos corps et devant nos yeux, coupant court à toute réponse organisée. Ce chiffre gonflé ne témoignait en rien des meurtres des femmes trans, d'où ils venaient et de ce qu'on ferait des prochains. Je m'appelle Roxanne et j'ai un âge de mort fantôme.»

La Sainte Paix par André Marois paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Jacqueline a 74 ans, elle a mal partout c’est bien normal à son âge. Tandis que Tylenol et Advil se disputent le rôle du meilleur ami, elle observe une fois encore sa voisine, Mad Madeleine, aux jumelles. Les deux femmes se contentent de salutations polies depuis le décès de leurs maris. Rien de bien particulier les a maintenu éloignées cela dit. Chacune profite de son petit coin de paradis de part et d’autres de la Mastigouche. À ceci près que, le jour où Madeleine franchit le Rubicon qui sépare les deux propriétés, pour annoncer son intention de vendre sa maison, la donne change de main. Il s’agit d’une véritable déclaration de guerre. Qui va-donc déranger le climat si paisible de l’endroit? Une famille de citadin, avec parasol, barbecue, haut parleurs, badminton, spa, motocross et je ne sais quoi encore, pourrait débarquer subitement comme un chien dans un jeu de quille. Il n’en est pas question. Jamais. C’est juré craché estime Jacqueline. Quitte à passer sur le corps des autres. À la manière d’un Polar de type constricteur, La sainte paix bâtit avec élégance une intrigue qui peu à peu s’enroule autour du cou de son/sa lecteur/lectrice pour ne jamais le lâcher. Un brin pervers, après tout, qui peut bien penser que le meurtre fasse parti des activités de villégiature de nos aînées, quelques éclats de rire, des titres de chapitres hilarants, voici une bonne occasion de faire diversion avec vos activités quotidiennes harassantes. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, André Marois.

Extrait: « Jacqueline descend dans la cave et farfouille sur l'établi où sont en tassés les affaires de son défunt mari. Ghislain était maniaque des outils. Il adorait les essayer, les comparer, les choisir. Il passait des heures à la quincaillerie à discuter avec les préposés et n'achetait que les meilleurs instruments pour découper, serrer ou assembler...La plupart de ceux qui sont là n'ont pas servi plus qu'une fois. Mais il répétait qu'il faut être bien outillé pour bien travailler. Un bon ouvrier...La veuve tripote un marteau, des clés à tube, un lot de rabots qui n'ont pas été déballés...C'est un foutoir que Ghislain aurait détesté. Pour lui, chaque chose avait sa place, et il était capable de trouver en quelques secondes, les yeux fermés, la vis à bois dont il avait besoin pour réparer le barreau de la rampe de l'escalier. Depuis son décès, la section bricolage de la maison a pris des airs de capharnaüm. Un printemps, Ghislain s'est noyé dans un lac. Il était parti seul, en raquettes, pour une courte expédition. Le soleil brillait et la température flirtait avec le point de congélation, mais il connaissait les risques. Il était venu là avec Jacqueline à plusieurs reprises, alors que s'était-il passé ? Avait-il malgré tout tenté de traverser le lac dans sa longueur au lieu de le contourner en suivant la rive ? Tout ce qu'on sait, c'est que son corps flottait dans l'eau froide et qu'il lui manquait une raquette, qu'on n'a jamais retrouvée. Cette fois-là, sa femme, grippée, ne l'avait pas accompagné.»

Feuille de route

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Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
60 min
Mission encre noire 11 octobre
Émission du 11 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 392. Que notre joie demeure par Kevin Lambert paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Céline Wachowski jette un regard circulaire sur les invité.e.s. sous l'immense lustre qui pend au plafond. Le Mont-Royal est à deux pas à vol d'oiseau, on pourrait le toucher. Lorsque l’on est une des femmes les plus influentes du monde, il faut se méfier du quand-dira-t-on, ce sont des choses à considérer. Surtout que le complexe montréalais Webuy est sur le point d’être inauguré. Pure produit des Ateliers C/W, situé au 305 rue Bellechasse, cet immense projet suscite bon nombre de critique au Québec. Cette femme de 70 ans qui anime une série culte sur Netflix, dont le portrait est croqué par Joan Didion dans le Harper’s Bazaar, est l’icône d’un monde bourgeois qui évolue en vase clos. Un gotha qui s'ébroue loin de vous, loin de moi, loin de la rue où la menace gronde. Cette classe dominante montréalaise, Kevin Lambert la saisie ici dans toute sa démesure et sa décadence. Sauriez-vous dire pour autant de quoi ils/elles parlent? Comment envisagent-ils/elles la vie? De quoi sont faites leurs angoisses? L’écrivain dissèque les pensées de notre jet-set au scalpel, tout en faisant jaillir l’éternelle histoire d’un capitalisme avide et destructeur. S'agirait-il de son livre le plus politique ? S'agissant de la lame de l’auteur, elle est parfaitement aiguisée et son fil est empoisonné. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Kevin Lambert.
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