Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 26 janvier 2021

Mission encre noire Tome 30 Chapitre 347. Le printemps des traîtres de Christian Giguère paru en 2020 aux éditions Héliotrope noir. Lorsque Michaël pose son sac à la sortie du métro Longueuil, son estomac se serre. Deux ans ont passé à se tenir toujours trop loin de sa fille, dans le parloir de la prison Bordeaux. Deux ans moins un jour qu'il y pense, il faut qu'ils décampent, lui, Dominique et Justice, loin de cette banlieue, loin de la drogue, ailleurs, à l'autre bout du pays. On essaie de ne pas trop y penser, être taulard c'est quand vivre avec le poids d'une enclume autour du cou. Les flics ne le lâchent pas d'une semelle, son vieux chum Colm O'Brien veut le faire replonger, la pègre guette le bon moment pour lui mettre le grappin dessus. Longueuil est si proche du paradis perdu. En échange d'aider à faire tomber le clan McCallister, Michaël aura sa chance, à lui de la saisir. Cependant, dans ce milieu qui fleurent bon la malversation politique, au coeur d'une réélection douteuse qui concerne la circonscription Marie-Victorin, le jeu de dés est pipé. La plume implacable de Christian Giguère trempe dans le jus sale des affaires de moeurs, de corruption politique et de règlement de compte expéditifs. Si le noir, c'est «raconter la mort aux vivants» dixit Robin Cook, Christian vise juste aussi, pour lui il s'agit de «dévoiler les secrets de la nuit». Christian Giguère est invité, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « Au moment où le camion cube se rangeait sur l'asphalte lézardé devant l'hôtel dans le secteur Ville Saint-Pierre, Colm informait Happy, Aidan et Michaël que deux chambres leur avaient été réservées au deuxième étage. On s'occuperait de leur faire monter du poulet barbecue. Il viendrait personnellement les chercher à la tombée de la nuit. Question de laisser la poussière retomber, de préparer la suite et d'établir un alibi solide, loin du quartier Désormaux si jamais quelqu'un demandait des comptes, Billy avait aussi loué des chambres la veille pour lui et sa garde rapprochée. Le patron avait convié tous ceux qui étaient impliqués dans le coup à un conciliabule dans une salle de conférence au rez-de-chaussée. Par la fenêtre de sa chambre, Michaël balaya du regard les vieux garages, le salon de quilles Rosebowl et le club de stripteaseuses le long de la rue Saint-Jacques qui, à cette hauteur, ressemblait à une vieille piste d'atterrissage en béton. Il réalisa du coup qu'ils se trouvaient à quelques kilomètres à peine de l'ancien quartier général symbolique du gang de l'ouest, le Nittolo's Garden. dans les années 1980, Dunie Ryan avait l'habitude de finir ses soirées avec ses frères d'armes dans ce restaurant italien doublé d'un motel. Le bâtiment avait été rasé quelques années après que le célèbre trafiquant y avait été criblé de balles dans sa chambre préférée.» Brébeuf de Catherine Côté paru en 2020 aux éditions Triptyque dans la collection Policier. Montréal, octobre 1947. 9h02, un lundi matin pluvieux dans le bureau enfumé de son psychiatre, Léopold Gauthier, voudrait se débarrasser de ce mal de tête lancinant qui le réveille la nuit. Il a passé sept ans éloigné des siens, de Suzanne, sa femme, stationné en Europe avec les troupes d'occupation depuis le 13 janvier 1940. Il en a vu des horreurs, lui qui occupait le poste de détective au sein de la Sûreté de Montréal depuis un an, ne s'attendait pas à ça. Suzanne voit bien qu'il n'est plus le même homme. Devenue reporter au Montréal-Matin, elle se voit prise dans les rets d'un sombre affaire de meurtres en série au collège Jean-de-Brébeuf. À peine réveiller, Marcus O'Malley a tout juste le temps de savourer son rye dans sa tasse de café du matin, l'ancien partenaire de Léopold constate qu'il en a plein les bras. Il lui propose de le rejoindre pour enquêter sur cette sombre affaire. D'autant plus que le meurtrier semble inarrêtable. Les heures et les minutes comptent double et plus pour le duo de limiers. Catherine Côté remonte le cours du temps et plonge en eau profonde pour démêler les fils de cette intrigue. Embarquée dans une série qui aime bousculer les clichés du genre classique des polars à enquête. L'autrice impose déjà une intense puissance romanesque. Catherine Côté est, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« C'est le boisé du Mont-Royal, pas la forêt-Noire. Les frênes et les érables sont espacés, et on peut voir le ciel entre leurs branches malingres qui s'étirent comme des doigts de sorcières au-dessus des têtes. Suzanne Gauthier marche lentement, ses chaussures s'enfoncent dans la terre boueuse. Elle pense au cardigan ensanglanté, dans la boîte, à Léopold, qui est peut-être à la maison et qui refuse de répondre au téléphone, ou qui est peut-être parti faire une autre entrevue. Et aussi à tout le vin qu'elle a bu la veille. Peut-être qu'Adèle a raison, au fond. Peut-être que c'est l'un de ses frères de Brébeuf qui a fait le coup. Et que tout est presque fini. La veille, durant la nuit, Léopold parlait dans son sommeil. Il marmonnait des paroles incompréhensibles. Son agitation a réveillé Suzanne, et même après qu'il s'est calmé elle n'a pas pu se rendormir. Jusqu'à l'aube, elle l'a serré contre elle, écoutant sa lente et lourde respiration, contemplant la lumière de la lune faiblement reflétée sur les murs. Puis elle s'est levée, habillée, et a filé à la recherche d'une distraction.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min