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Mission encre noire

Émission du 24 avril 2018

Mission encre noire Tome 22 Chapitre 281. Les fins heureuses de Simon Brousseau paru en 2018 aux éditions Cheval D'Août. Vous, moi, nous avons parfois de la difficulté d'admettre un futur sans issue, nous sommes parfois condamnés à refouler l'image parfaite d'un monde à l'agonie. Exit la fonte des glaces, escamoter la disparition progressive de certaines espèces, quid de l'idée d'une démocratie plus juste et égalitaire, qui bien souvent, se réduit comme une peau de chagrin, nous faisons preuve d'une capacité étonnante à imaginer un avenir immuable et serein, malgré tout. Simon Brousseau présente un fascinant recueil de nouvelles qui interroge notre disposition à nous inventer des fins heureuses. L'auteur a le talent d'isoler un minuscule détail, chaque situation gênante devient prétexte à un jeu d'écriture. Ici, facétieux et audacieux, ou là, ingénieux et habile, le style de Simon Brousseau explore le monde autour de lui avec des mots qui disent de la vie juste ce qu'il en faut de tendresse et de désespoir. Simon Brousseau est notre invité à Mission encre noire pour nous faire quelques e-confessions. Extrait: «Bienvenue sur e-confessions - Notre objectif: offrir à tous et toutes la possibilité de se libérer de leurs fautes sans craindre d'être jugés. Trop de gens croient leurs vices exceptionnels, mais rien n'est plus commun que le mal. En partageant sur cette page ce qui pèse sur votre conscience, vous découvrirez que vous n'êtes pas seuls. N'hésitez plus: racontez ce qui vous tourmente! Votre témoignage est précieux. C'est en examinant ses bassesses que l'on peut trouver la paix intérieure. Personne n'est parfait ; il se pourrait même que les meilleurs par mi nous soient ceux capables d'admettre sans détour leur méchanceté.» Moebius 157 paru en kiosque depuis avril 2018. «Tous les serpents connaissent le goût des fruits». Venez découvrir le sommaire de l'un de nos magazine littéraire favori. Simon Brousseau y signe d'ailleurs un texte prémonitoire: «Quand vous vivrez je serai mort». Extrait: «Veuillez prendre note du fait que ce jour marque la fin de l'âge de pierre/En ceci que la pierre est sable, en ceci que le sable est coté en bourse/et que tout ce qui n'a pas été construit de vos propres mains sales pourra s'évaporer sans préavis.» Nous souhaitons vous informer Marianne Lorthois Moebius 157 Les buveurs de lumière de Jenni Fagan paru en 2017 aux éditions Métailié. Dylan ne s'imaginait pas que Clachan Fells serait aussi magnifique. Il a quitté Londres pour l'Écosse avec les urnes contenant les cendres de sa mère et de sa grand-mère. Laissant derrière lui ses années de lumières factices, élevé dans le giron fabuleux d'un cinéma d'art et essai, il rejoint une communauté hétéroclite dans un petit parc de caravanes pour recommencer à zéro. Le Royaume Uni est entré dans l'âge de glace, trois soleils dans le ciel pourraient annoncer l'aube d'une terrifiante ère glaciaire. Dans sa caravane obus, reçu en héritage, Dylan va croiser le destin de Constance, sujette à des crises de somnambulisme, et sa fille, Stella, qui était un an plus tôt un garçon. Jenni Fagan ouvre un espace fabuleux de réflexion poétique et lucide. Dans une atmosphère de fin du monde, le conservatisme de la petite ville est mis à rude épreuve. Aux antipodes de la vision misérabiliste des romans apocalyptiques, cette famille recomposée apprend à danser sur des ruines. Au final serait-ce l'humain qui l'emporte, dans son obstination à vivre, rire et chanter ? Extrait: «Constance et Stella traversent la route de la ferme. Des brins de foin crissent sous leurs pas, on distingue de larges taches sombres sur le sol à l'endroit où les balles restent tout l'été. Autrefois Stella les faisait rouler sous ses pieds, prenant de la vitesse jusqu'à ce qu'elle soit obligée de courir pour ne pas tomber. Elle revoit encore la route de ce film et elle en rêvera à nouveau bientôt. Elle déteste ces cauchemars. Il y a toujours un long chemin couvert de glace encadré de part et d'autre de champs infinis et les arbres sont des silhouettes noires ; il n'y a pas une touche de vert, plus qu'un seul individu dans le monde entier et il marche sur cette route, vêtu d'un manteau rouge. On pourrait le voir à des kilomètres et des kilomètres à la ronde. une volée d'oiseaux passe juste au-dessus d'elles. Les verts mousse, les violets et les rouges dorés ont viré au brun. De la neige fondue s'envole de la montagne.» Glaise de Franck Bouysse paru en 2017 aux éditions La manufacture du livre. Nous sommes dans le Cantal, en France, la guerre de 1914 vient d'éclater. Les hommes sont mobilisés. À l'arrière, dans la grande chaleur d'Août, le jeune Joseph, 15 ans, devient l'unique homme de la ferme des Lary. Avec le soutien de son vieux voisin et ami Léonard, sa mère et sa grand-mère, ils vont prendre soin de la propriété familiale. Valette, homme de peu de scrupules, handicapé par une main atrophiée, convoite ce domaine depuis toujours. Avec sa femme, ils ressassent leurs rancoeurs, l'arrivée de leur belle soeur et de sa fille n'arrange rien. Anna provoque un indicible trouble chez Jospeh. Glaise est un somptueux roman, rude et rocailleux à l'image des grands espaces désolés qui encadrent le décor. Franck Bouysse manipule la matière râpeuse du langage et des moeurs des paysans pour incarner leur façon unique de penser ce monde qui s'effondre. L'amour est une argile inédite et corruptible à modeler dans cette contrée sauvage, ou le mal est un trou noir qui irradie. Glaise est une oeuvre très sombre, un joyau de roman noir qui vous donnera l'envie de découvrir les autres romans primés de l'écrivain. Extrait: «Cette nuit-là, le projet initial de Joseph était de rendre hommage à sa grand-mère avec la terre du cimetière qui l'avait accueillie. Il croyait cela possible. Il torsada des brins de fil de fer pour leur donner la forme approximative d'une croix. Concentré comme jamais, il se mit ensuite à pétrir longuement l'argile, domptant ses doigts, cherchant une inspiration parfaite. Une sorte d'instinct s'empara de lui, dirigeant ses gestes avec une étonnante précision vers la construction de proportions qui n'avaient rien à voir avec celles d'une vieille femme usée par les épreuves de la vie, mais avec des formes entrevues, effleurées, ou imaginées, qu'il parvenait à rendre fidèlement. Les heures défilaient. La flamme de la bougie se débattait au milieu de fientes cireuses. La fièvre en lui, Joseph poursuivait son oeuvre dans la clarté déclinante. Rien ne comptait plus que la forme finale, cette obsédante représentation de son désir qui lui collait aux mains et à l'âme.» 

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Mission encre noire 08 février
Émission du 7 février 2023
Mission encre noire tome 37 Chapitre 402. Cocorico, les gars, faut qu’on se parle par Mickael Bergeron paru en 2023 aux éditions Somme Toute. Il est plus que temps de reconnaître que rien n’est figé dans une société, que les choses bougent, que les comportement évoluent. Qui aurait cru, il y a 20 ans, qu’un mouvement social sans précédent allait naître via, notamment, les réseaux sociaux. En effet, la première campagne hashtag Mee Too en 2017 a changé la donne. De Balance ton porc à #MoiAussi, ces campagnes ont révélé l’ampleur systémique de la violence commises à l’égard des femmes. Dans cet essai édifiant à plus d’un titre, Mickael Bergeron se propose d’abattre l’arbre qui cache a forêt, de débroussailler quelques clichés au passage et de pénétrer dans l’antre de la bête: la masculinité toxique. Il est temps en effet de nous prendre en charge, nous les hommes, de se dire ça suffit; changeons de disque. Osons enfin, nous parler des affaires qui dérangent : l’image de la virilité, la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, dans les rôles professionnels ou sociaux, les sujets ne manquent pas. Loin d’être donneur de leçon, l’essayiste se met lui-même à nu, en multipliant les anecdotes personnelles et se garde bien de juger. Il est plus que temps de faire notre juste part aux côtés des féministes, qui elles, ne nous ont pas attendu pour s’affirmer. «Vous n’êtes pas tannés, les gars, de tout ce bordel» est-il écrit en préambule ? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mickael Bergeron.
60 min
Mission encre noire 01 février
Émission du 31 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 401. Le monde se repliera sur toi par Jean-Simon Desrochers paru en 2022 aux éditions Boréal. De prime abord, il serait possible de se demander comment lire ce monde pluriel qui se présente à nous. Comment se détacher du fil invisible qui relie les nombreux personnages pris individuellement, qui à force de rencontres, de coïncidences nous amènent à une lecture possible du monde d’aujourd’hui. Alors que Noémie, au sortir d’un mauvais rêve cherche encore ses mots et s’inquiète pour elle et sa fille, au chapitre suivant, celle-ci, à 12 ans, éconduit son premier amoureux, William, qui tente d’incarner un nouvel idéal de masculinité moins toxique. Au prochain chapitre, c'est sa professeure, Madame Claude qui en subira les conséquences. Elle découvre les rumeurs colportées à son sujet alors qu’elle apostrophe un idiot qui lui coupe la voie avec son VUS sur le pont en quittant Montréal, Pierre-Luc prendra toute une section de texte pour se venger...ainsi de suite. La galerie de portrait qui se déploie de Montréal à Tchernobyl, Paris, Philadelphie, Rio de Janeiro, Addis-Abeba, Christchurch et Chittorgarh, nous donne à lire les esquisses familières de trajectoires de vie qui sont autant d’étoiles filantes dans un ciel encombré et menaçant. L’auteur réussit le tour de force d’incarner plusieurs voix, plusieurs émotions, plusieurs destins de papier en mode mineur. Il en résulte un formidable casse-tête, à la mesure des moments de vie dérobés à la lucarne du monde en marche, nous offrant ainsi une profonde réflexion sur ce qui nous construit, sur les lieux qui nous habitent. Si le roman s’ouvre sur une mémoire qui flanche, il n’est pas garantie que le film réalisé avec un cellulaire au final y changera grand-chose. Le monde souffre d'un manque criant d'empathie. Il en meurt sans doute un peu chaque jour, à chaque chapitre ? D’ailleurs s’achève-t-il vraiment ce roman? J’accueille Jean-Simon Desrochers, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 25 janvier
Émission du 24 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 400. Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année qui s’annonce. Une année que je vous souhaite riche en découvertes d’auteurices et d’œuvres inspirantes. Mission encre noire repart pour une saison d’hiver, la 400 ème pour être précis. Correlieu de Sébastien La Rocque paru en 2022 aux éditions du Cheval d’août ouvre le bal. Ce roman nous invite à rejoindre, la Vallée-du-Richelieu, près de l’atelier du célèbre peintre du Mont-Saint-Hilaire Ozias Leduc,et plus particulièrement dans celui de Guillaume Borduas, un vieil ébéniste approchant les 70 ans. Formé à la vieille école, il accepte, malgré ses vieux principes, de recevoir en stage, Florence, qui veut reprendre le métier après avoir subi un accident de travail. Recommandé par la CSST, elle doit faire ses preuves, ce retour aux machines est progressif, après avoir été touché par une lame rendu folle dingue à plus de quatre mille tours par minute. Même s’il a toujours travaillé seul, elle le rejoint dans le silence d’un matin blafard au milieu des grésillements d’un vieux poste de radio et l’odeur des planches brutes de pin, de chêne rouge, de peuplier, d’érable ou de merisier. Comme chaque vendredi, elle devra faire la connaissance et refaire le monde avec les vieux mononcles, fidèles en amitié, de Guillaume, et grands consommateurs de caisses de bière. C’est dans le miracle de cet atelier et de ses correspondances sensorielles que Florence s’invite à découvrir un monde éternel, qui se meurt, fait de gestes communs à apprendre, à harmoniser son souffle au rythme d’une respiration à contre-temps d’une époque à bout-de souffle. Avons-nous affaire à de la nostalgie ou à une volonté de vivre autrement, sans faire trop de concession à une modernité dévorante ? Toujours est-il que l’écho de 2012 et du printemps érable s’immisce parfois entre les ramures du Mont-Saint-Hilaire et les odeurs de gasoil de motorisés gigantesques en balades. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Sébastien La Rocque.
60 min
Mission encre noire 21 décembre
Émission du 20 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 399. La faute à Pablo Escobar par Jean-Michel Leprince avec une préface de Bernard Derome, paru aux éditions Leméac. Bogotà la mal encarada des villes sud-américaine se trouve en haut d'un plateau andin. Le restaurant de l'hôtel Tequendama, où Jean-Michel Leprince a pris ses habitudes, a volé en éclats, sous une bombe des FARCS. en 2002. Si comme le souligne l’ex-présentateur de nouvelles, chef d’antenne et animateur de télévision Bernard Derome, La Colombie est le deuxième pays le plus riche de la planète en matière de biodiversité, elle est aussi l’un des pays les plus inégalitaire et violent. Tout commence, pour Jean-Michel Leprince, sous les bruits d’hélicoptères, de ceux qui tentent d’arracher des dizaine de personnes à la boue meurtrière qui a englouti la petite ville d’Armero due à l’éruption du volcan andin Nevado del Ruiz le 16 novembre 1985. Armero représente un baptême du feu grave pour le reporter spécialisé en politique étrangère et en défense nationale au Parlement d’Ottawa pour la télévision nationale de la Société Radio-Canada. La Colombie et l’Amérique latine vont devenir pour lui, depuis 37 ans maintenant, le lieu de découvertes et d’aventures inédites. Car voilà, ce pays, non seulement, reste un des rare en Amérique latine à avoir presque toujours connu une gouvernance démocratique, mais il s’est également construit sur la violence, le narcotrafic et la corruption. Un nom revient sur toute les lèvres, bien sûr, Pablo escobar ; une ville aussi, Medellin, qui battait les records du monde de meurtres sous son règne. Les écrits restent, dit-on, voici le livre d’une vie, la somme de plusieurs reportages, d’entrevues de terrain, publiés ici, contextualisés, dans le but de témoigner le plus précisément possible d'un mythe, de l'influence d'un homme sur un pays tout entier voire au-delà. Le journaliste grand-reporter nous offre un récit palpitant qui nous fait fréquenter les bas-fonds du crime organisé à l’échelle continental. J'accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jean-Michel Leprince.
60 min
Mission encre noire 14 décembre
Émission du 13 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 398. Von Westmount par Jules Clara paru en 2022 au éditions La mèche. Aline pointe en direction de la fenêtre, elle glisse le doigt vers le Saint-Laurent. Pour le reste, la vue est magnifique, ce versant de la montagne cachera néanmoins, toujours le quartier de sa famille. Elle se souvient, il y a un an déjà, comme chaque matin, sous un ciel gris du mois de décembre par – 24, elle embarquait pour ses quinze minutes d’autobus obligatoire. Elle appréhendait de commencer un nouvel emploi, dans un kiosque du marché de noël du centre-ville de Montréal, pour servir du vin chaud. Il lui fallait être aimable, dire merci/thank you plusieurs fois par jour à des touristes plus ou moins agréables, en espérant un pourboire improbable. Sourire et répondre parfait! à un chef d’équipe autoritaire et escroc étaient de rigueur. Il fallait bien payer les factures, le loyer et penser à son futur. Précisément son avenir immédiat étaient sombre, sa relation amoureuse avec James battait de l’aile et l'ambiance familiale ne valait guère mieux. Grâce à son amie Jasmine, elle travaille désormais pour une richissime famille russe, les Von Westmount, de leur vrai nom les Kroubetzkoy, pour s'occuper de leurs enfants, Alexander, Nikolas et la terrible Clémentine. L’autrice profite allègrement de ce portrait moderne d’une jeune femme ambitieuse chez les riches, pour inciser le canevas de nos soumissions quotidiennes si nécessaire au maintien d’une société inégalitaire. Ce n’est pas parce que la plume espiègle de l’autrice s’amuse à nous jouer des tours, à braquer la langue de Shakespeare, ou que le récit s’agite dans tous les sens, en territoire bourgeois, que nous ne sommes pas au centre du récit. Chacun.e en prend pour son grade. La rage couve, les murs de Wesmount tremblent, le feu menace au loin, l’autrice nous invite au pire, un verre de champagne à la main, le vin du diable. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jules Clara.
60 min