Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 22 janvier 2019

Mission encre noire Tome 25 chapitre 301 Lykaia de DOA paru en 2018 aux éditions Gallimard collection Hors série Littérature. Métal glacé, coulure de maquillage, crissement de cuir sur le cuir, des Poupées en vinyle et des Messieurs en latex, s'ébattent dans l'ancien Berlin ouest, dans les profondeurs d'un club privé: le BUNK'R. La Fille qui s'extrait du monte-charge se faufile au milieu des groupes pour rejoindre sa concurrente ès punitions et leur patient. Élégamment vêtu, camouflé par son masque de latex, le Loup la guette. Ancien chirurgien de haut vol, son ombre est désormais célèbre dans la pratique du bondage au scalpel. L'homme qui geint lorsqu'on lui percera l'abdomen, couinera plus fort et en réclamera encore. Ça vous étonne ? Il se pourrait qu'il n'y survive pas non plus. Ça vous révulse ? Parfaitement. Et pourtant, DOA vous invite à une course poursuite hors norme, à une histoire passionnelle bestiale. La haine et l'amour se croisent sur le tranchant de la même lame et ça fait mal. Prague, Paris, Berlin, Venise, sont les lieux où la bête laissera sa marque. DOA, après les impressionnants Pukhtu (Primo et Secundo) et le cycle Clandestin, élargit notre champ visuel. De quelle violence s'agit-il ? qu'est-ce qui nous effraie tant ici ? Ce livre pourrait bien être un symbole des contradictions de notre époque. Au diable ! Anges et démons ! Monsieur le divin Marquis et Maîtresse Domina ! L'auteur aime voir arriver le loup qui menace d'anéantir sa demeure, il est notre invité à Mission encre noire. Extrait: ''Le monstre est à nouveau enfermé dans sa cage de latex, il a rempli son office, et cette fois, lorsque je reparais hors de la tente, peu nombreux sont ceux qui remarquent le grand Loup noir. Tous regardent le héros du jour, de retour parmi eux dans son fauteuil roulant, blême, la panse bandée, une perfusion d'antibiotiques suspendue au-dessus de lui, occupé à calmer la reine du fist. Elle vocifère et pleure et menace une autre fille, celle que j'ai rejetée tout à l'heure. Profitant de l'aubaine, je m'éclipse. Je n'aime pas m'attarder après une intervention. Aucune envie de répondre aux questions, de m'abaisser à faire la conversation à des tordus. Ni de prendre part à une éventuelle suite. Je retrouve le cerbère du monte-charge et son regard tatoué plus vide que terrifiant. Il ne me lâche pas de toute l'ascension et je l'observe en retour, planqué derrière le Loup. Ridicule duel de monstres de série Z.'' Rivière tremblante de Andrée A. Michaud paru en 2018 aux éditions Rivages/Noir. Ce soir du 07 août 1979, Michael Superman Saint-Pierre, a disparu dans les bois de Rivière-aux-Trembles. Marnie revient s'installer vint-neuf ans plus tard autour des lieux de son enfance, proche de l'endroit de la disparition dont elle a été le témoin. Cette fameuse nuit, pour elle, a ressemblé aux zombies de la nuit des morts-vivants. Depuis, sa vie est mécanique, la mort de Michael a imprimé sur son visage la marque du diable.  Billie Richard, elle, se volatilise, dans une petite ville voisine, la veille de son neuvième anniversaire. Son père, écrivain, amorce, trente ans après Marnie, une descente dans les profondeurs du deuil impossible, de la culpabilité, de l'incompréhension. Alors qu'un nouveau drame éclate à Rivière-aux-Trembles, Marnie et Bill vont devoir affronter l'accablante réalité qui va finir par les réunir pour le meilleur ou pour le pire ?: Leur vie est à jamais anéantie. Signes étranges et relents maléfiques, enquête de police, tension dramatique et légendes amérindiennes, Andrée A. Michaud pianote sur tous les styles pour nous faire vivre l'insupportable manque de l'autre. Celui ou celle qui nous était chère, qui nous était confié.e, que nous devions protéger, dont l'effacement, tyrannise alors votre vie. L'autrice nous subjugue, une nouvelle fois, avec un livre profondément humain, doté d'un style d'écriture qui atteint un niveau de maîtrise sidérant. Andrée A. Michaud est notre invitée ce soir.   Extrait: ''Ça fait mal de penser qu'on est seul, que même la femme à qui on a si souvent dit je t'aime ne nous considère plus que comme un tas de merde. Il est vrai que notre couple battait de l'aile depuis un certain temps, que Lucy-Ann et moi, on ne renvoyait pas exactement l'image de l'union idéale, de la paire de tourtereaux en perpétuel voyage de noces. Les soupers aux chandelles, les mains qui glissent furtivement sous le chandail, les sourires lancés d'un coin à l'autre de la pièce ou une demi-douzaine de génies politiques débitent leurs conneries avec un sérieux de pape, tout ça. pour nous, appartenait au passé. On continuait à baiser, parce qu'on avait la baise dans le sang, parce que cet affrontement charnel nous permettait de posséder l'autre tout en lui reprochant d'exister, avec juste assez de violence pour nous sentir soulagés de la tendresse perdue, mais je ne me rappelle plus la dernière fois que Lucy-Ann m'a dit quelque chose de gentil, du genre t'es pas mal beau à matin, Bill, tu sais, ou du style ta couette de gamin est encore retroussée, avec un sourire amusé, avec un doigt effleurant doucement la mèche rebelle.''  

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min