Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 20 février 2018

Mission encre noire Tome 22 Chapitre 275 Le temps présent de Maxime Catellier paru en 2018 aux éditions Boréal Collection Liberté Grande. « Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible / Dont le doigt nous menace et nous dit: Souviens-toi ! »(Baudelaire). Non, Maxime Catellier ne surgit pas de son terrier affublé d'une montre gigantesque qui court après le temps. Il veut au contraire penser le monde autrement dans cet essai poétique publié dans la nouvelle collection des éditions Boréal dirigée par Robert Lévesque. Empruntez-donc ces ruelles de Montréal, arpentez ces contre-allées de la mémoire dans les pas de l'auteur ! Maxime Catellier bricole une mécanique des mots pour se saisir de l'air du temps, tantôt poète, chantre de l'amitié, parfois pamphlétaire. Empruntez ces lignes de désir, devenez un vagabond magnifique de bord de fleuve ou des villes, le temps d'un flânage par des sentes de fleurs fanées et odorantes. À nous ! nos jeunes années ! À nous ! Nelligan ! À nous ! Maxime Catellier ! L'auteur est notre invité, à Mission encre noire. Extrait:« Ils sont rares les anges qui continuent d'errer par les ruelles oubliés de la ville, les yeux occupés à trouver les pépites d'or dans le tas de métal rouillé. Ils passent pour des chiffonniers, des gueux, des recycleurs que l'avenir n'intéresse pas. Ils fouillent pourtant le présent sans le laisser pourrir dans le réel. Les autres laissent passer ces songes à moitié morts pour se préoccuper des choses vivantes: c'est une erreur qui ne va pas sans fausser les chemins qui les auraient capturés pour sortir ces êtres ailés de leur supplice. Je continue de les suivre, quand ils s'endorment pour fuir la mésaventure. Je me dis que ces anges ont oublié d'ouvrir leurs ailes.» Blues et féminisme noir Angela Davies paru en 2017 aux éditions Libertalia (traduit par Julien Bordier). Gertrude « Ma » Rainey, Bessie Smith et Billie Holiday habitent cet essai publié par la célèbre militante des Black Panthers. Livré dans un magnifique écrin cartonné bleu nuit, un CD accompagnera votre lecture. C'est un splendide voyage intellectuel et historique auquel vous convie l'auteure. Prenant le contre-pied de bien des spécialistes du blues et du jazz, des hommes blancs pour la plupart, Angela Davies s'empare des textes des chansons et de la biographie des trois blues women pour les remettre en perspective historique dans un contexte féministe. Héritière des spirituals, des gospels et des chants des esclaves, ce blues féminin va très vite prendre le contre-pied de la culture dominante et de la domination masculine. L'auteure, figure américaine incontournable, met en évidence les prémices du féminisme noir et affirme déjà les signes annonciateurs des luttes à venir. Extrait:« Un défi tout aussi audacieux est lancé, sur un ton merveilleusement humoristique, dans le Barrel house Blues (« Blues du Barrel House ») de Ma Rainey. Ce morceau clame haut et fort que les femmes veulent boire et passer du bon temps, et revendique leur prérogative, en tant qu'égales des hommes, à se montrer infidèles: Papa likes his sherry, mama likes her port/Papa likes to shimmy, mama likes to sport/Papa likes his bourbon, mama likes her gin/Papa likes his outside women, mama likes her outside men. » Utopies réalistes de Rutger Bregman paru en 2017 aux éditions du Seuil (traduit par Jelia Amrali). Historien, essayiste et journaliste néerlandais, Rutger Bregman veut révolutionner notre mode de vie. Oui, il est possible de vivre mieux, consommer différemment, rêver plus grand et pour tout le monde. Cela vous paraît-il si inatteignable ? tant mieux ! Cet essai se propose de vous sortir de votre prison de pensée. «Monsieur Revenu de base» comme on le surnomme aux Pays-Bas, défriche les meilleurs exemples de projets qui fonctionnent, à travers le monde, pour vous convaincre. Nous avons les moyens de lutter contre l'extrème pauvreté, de tourner à notre profit collectif la numérisation du travail, de ne plus voir l'immigration comme une menace mais comme un atout, de concentrer nos efforts vers les véritables défis à relever du 21 ème siècle. Auriez-vous un besoin urgent de booster votre imaginaire ? Ce discours alternatif sert à ça, et en plus il pourrait bien rallumer vos rêves enfuis de monde meilleur. À vos utopies camarades ! L'international des rêveurs pragmatiques est en marche ! L'avenir nous appartient ! Extrait:« « C'est possible! la pauvreté peut être éradiquée en Amérique d'ici à l'année 1976 », écrivait, confiant, le prix Nobel d'économie James Tobin en 1967. À cette époque, près de 80% d'Américains étaient en faveur de l'idée d'un revenu de base garanti. des années plus tard, on s'en souvient, Ronald Reagan ricanerait:« Dans les années soixante, nous avons déclaré la guerre à la pauvreté et la pauvreté a gagné.» Dans leurs prémisses, les grands moments de l'histoire de la civilisation sont toujours entourés d'un halo d'utopie. D'après le célèbre économiste Albert Hirschman, les utopies sont attaquées sous trois prétextes: C'est vain (ce n'est pas possible), dangereux (trop risqué) et pervers (ça dégénérera en dystopie). Mais Hirschman écrivait aussi qu'il suffit souvent qu'une utopie se réalise pour qu'elle soit presque immédiatement perçue comme un lieu commun.»  

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min