Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 15 octobre 2019

Mission Encre noire Tome 27 Chapitre 319. La revue Liberté - art et politique #325 automne 2019. L'avenir c'est pour bientôt annonce la couverture du dernier numéro de Liberté. Ce numéro spécial consacré au soixantième anniversaire de la revue va vous faire voyager dans le temps, de 1959 à nos jours. Alors qu'Hubert Aquin déclarait dans le tout premier éditorial «la revue en tant que revue n'a pas à s'engager de quelque manière que ce soit.», la nouvelle équipe éditoriale actuelle se demande, pour sa part, «Comment éclairer ces angles morts». Ceux qui interrogent la place de Liberté dans le monde culturel et politique, son rôle rassembleur et dissident autour des enjeux du XXI ème siècle au Québec, et comment la revue progressiste, qui a connu de multiples évolutions, depuis soixante ans, s'ouvre à de nouveaux horizons, en particulier la parité femme/homme. Depuis 2017, sous l'impulsion de Jean Pichette et de Rosalie Lavoie, Liberté fabrique de la matière à libérer la pensée et aiguise des outils pour réfléchir autrement. Comprendre dangereusement est la doctrine non officielle, depuis 2012, de ce fleuron du monde l'édition au Québec. Ce soir, à Mission encre noire, pour nous présenter ce magnifique numéro anniversaire, je reçois Julien Lefort-Favreau, membre du comité de rédaction de la Revue depuis 2012. Extrait:« Aujourd'hui, non seulement les femmes sont bien présentes dans le champ littéraire, mais elles y sont reconnues et ont investi toutes les sphères du monde du livres - éditrices, libraires, critiques littéraires, enseignantes, directrices de revue (dont Liberté!) -, bien que majoritaires au bas de l'échelle et minoritaires aux postes de pouvoir. Une recherche portant sur 25 maisons d'édition fondées entre les années 1995 et 2005 indique que les femmes occupent 34% des postes de direction (Tremblay, Mixité et égalité dans le champ éditorial québécois, 2014). Mixité n'est pas un parfait synonyme de parité. Celle-ci n'est pas atteinte, et les femmes sont encore souvent considérées à travers le prisme féminin - alors que leurs confrères semblent toujours appartenir à une caste universellement neutre. «Les deux sexes tendent désormais vers une humanité commune, tandis que disparaissent les distinctions artificielles imposées par la société», écrivait Marshall McLuhan. «Dans le changement que subiraient les deux sexes, poursuivait-il, la plupart des hommes auront davantage de chemin à parcourir que la plupart des femmes pour s'adapter à la vie nouvelle.» Les femmes ont parcouru un grand chemin jusqu'ici. On se demande où en sont les hommes dans ce parcours: au début, au milieu...où s'ils arrivent bientôt.» Isabelle Boisclair, Écrire dans l'adversité, Liberté #325. Fränk Schleck, Le cyclisme dans la peau de Christophe Nadin paru en 2019 aux éditions Saint-Paul. Les biographies se font encore assez rare à Mission encre noire, et le sport restait, somme toute, un sujet relativement inédit et peu abordé. L'occasion était trop belle avec la sortie du splendide premier livre de Christophe Nadin, journaliste au Luxemburg Wort. Fränk Schleck, l'une des figures majeures du sport luxembourgeois qui a dynamisé le rythme des courses du circuit mondial par ses attaques incessantes et son attitude exemplaire. Ayant pris sa retraite de coureur en 2016, après avoir effectué quelques dernières épreuves, dont celles de Québec et Montréal, le champion retourne dans sa ville natale de Mondorf, au milieu des siens pour se consacrer entre autres choses à l'organisation de cyclosportives. Christophe Nadin nous offre une chance inouïe d'approcher un homme unique au sein du peloton, de vibrer au rythme des courses, comme si vous y étiez, de revivre les hauts et les bas d'une carrière qui a enchanté le pays du Luxembourg. Christophe Nadin sait nous tenir en haleine à coup de succulentes anecdotes et de rappels fulgurent de faits de course. Par petites touches et de fréquentes incursions dans l'entourage intime et élargi du coureur cycliste, l'auteur décortique avec talent le phénomène Fränk Schleck. De quoi est fait un champion ? Christophe Nadin est notre invité, ce soir, en différé du Luxembourg, à Mission encre noire. Extrait:« Fränk, lui, est le fils de Johny, double champion national sur route et fidèle équipier de Jan Janssen et Luis Ocana sur le Tour de France. Fort de sept participations sur la grande boucle, le rouleur de l'équipe Pelforth, puis Bic s'est fendu de six tops 40 avec deux Tops 20 en 1967 et 1970. Fränk a de qui tenir, mais c'est son grand frère qui l'a initié aux joies de la compétition. «J'ai suivi Steve sur une course à Überherrn en Allemagne, car à cette époque, il n'y avait pas encore de courses pour des gamins de mon âge au pays.» Le règne de la débrouille pousse le cadet à empoigner le premier vélo qui lui tombe sous la main. «C'était une sorte de vélo de course, avec des cale-pieds. J'étais en baskets.» Cramponné à la barrière au départ avec les lanières bien serrées sur les chaussures, Fränk s'élance pour deux tours au milieu d'une quinzaine de concurrents. «Et je gagne! Mais je n'osais pas lâcher le guidon, car je ne parvenais pas à sortir des pédales. Je suis tombé sur la ligne d'arrivée en venant rechercher l'écharpe du vainqueur.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min