Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 13 décembre 2016

Mission encre noire Tome 18 Chapitre 237 Voici la deuxième partie des suggestions pour les fêtes: De si jolies petites plages de Jean-claude Charles paru en 2016 aux éditions Mémoire d'encrier. Romancier, poète, essayiste et journaliste né en 1949 à Port-au-prince et décédé à Paris en 2008, Jean-claude Charles publie en 1982 un livre/enquête coup de poing qui nous relate la génèse des premiers boat people haïtiens en Amérique. Son écriture ne tremble pas pour nous narrer l'absurde des contraintes imposées aux réfugiés. Un livre/colère dont la pertinence est malheureusement toujours d'une actualité brûlante. Extrait:«Vendredi 4 septembre 1981, 7h30. Un avion d'Air Florida décolle de l'aéroport international de Miami, avec à son bord 120 haïtiens. Provenance des passagers: le camp de Krome. Destination: le pénitencier d'Otisville, prison de haute sécurité dans le nord de l'État de New York. Sept gardes frontaliers d'El Paso, spécialement entraînés à mater les émeutes, et un interprète créolophone accompagnent ces futurs pensionnaires d'un établissement récemment utilisé à incarcérer, à côtés des prisonniers de droit commun pour lequel en principe il est fait, des étudiants iraniens pro-khomeinystes-le symbole est de taille.» Jean Désy publie en 2016 Amériquoisie aux éditions Mémoire d'encrier. Jean Désy vous propose une magnifique parole d'Amérique, une amérique d'épinette noire où il n'est pas interdit de rêver. C'est une réflexion sur le fait métis et le nomadisme physique et culturel, rédigée d'une plume désarmante et lyrique. Pour celles et ceux qui ont apprécié le film Québécoisie, un must ! Extrait:«Il me semble qu'il persiste un déchirement détestable qui hante de nombreux québécois francophones et les empêche d'unifier deux grands désirs, soit le désir d'autonomie (si essentiel pour tout peuple digne) associé à l'envie de voir fleurir le fait français en Amérique, avec un autre désir, tout aussi puissant, mais probablement plus caché, qui est celui de n'a pas créer de nouvelles frontières.» Un monde meilleur de Marcus Sakey paru en 2016 aux éditions Série noire chez Gallimard Tome 2 de la trilogie des Brillants s'annonce comme un tourneur de page des plus efficace. Comment faire pour survivre dans un monde qui vous rejette lorsque vous possédez des dons hors du commun ? 1% de la population des USA, les Brillants, font face à ce dilemme depuis les années 1980. La tâche se complique lorsqu'une partie de cette minorité se rebelle et réclame le pouvoir. Nick Cooper est appelé une fois de plus à la rescousse. Dans un univers dystopique qui n'a rien à envier à Blade runner, Marcus Sakey utilise les outils du polar et de la science fiction pour mettre en place un suspense des plus efficace. Extrait:«Clay conserva une expression affable, mais les trois autres échangèrent des regards en consultant leurs notes. Cooper sentait qu'ils adoptaient une attitude de retrait. Peu importe. Puisque tu es là, autant dire la vérité. «Eh bien, prenez maintenant en considération le point de vue des Brillants. Les enfants niveau un sont enlevés de force à leur famille et envoyés dans des académies. Sans procès équitable ni jury, le DAR tue les Brillants qu'il considère comme une menace pour la société. Grâce à l'initiative Surveillance et contrôle, chaque Brillant américain se verra implanter une micropuce dans le cou...» Autres temps, autre moeurs, Le cavalier de Saint-Urbain de Mordecai Richler paru en 2016 aux éditions Boréal. Lori Saint-Martin et Paul Gagné présente une nouvelle fois une copie sans faute, pour une traduction du fameux roman de Mordecai Richler paru initialement en 1971. L'un des grands romans de l'écrivain, Le cavalier de Saint-urbain dépeint la réussite sociale d'un homme, Jack Hersh, qui, par mauvaise fréquentation risque de tout perdre lors d'un procès pour agression sexuelle. Lasser, par une situation si absurde, l'homme se laisse aller à l'autodérision. Le Cavalier de Saint-Urbain est un livre satirique jouissif. Extrait:«En le voyant se diriger d'un pas titubant vers la table basse et saisir la bouteille, elle songea: Oh mon Dieu, pourquoi a-t-il fallu qu'il quitte Montréal, cet idiot? Qui, au lendemain de la guerre, n'aurait pas donné n'importe quoi en échange d'un passeport canadien? Pas un juif ne se serait prosterné à plat ventre pour être admis dans un si bon pays. «Voici», dit jake en chancelant, un livre dans une main, son verre dans l'autre. Il lut à haute voix:«Quand je contemple ma vie passée, je n'y découvre rien qu'une stérile perte de temps, assaisonnée de dérangements du corps et de l'esprit, avoisinant la folie, qui, je l'espère, permettront à mon Créateur de me pardonner mes nombreuses fautes et de m'excuser mes nombreuses imperfections.» Ma terre est un fond d'océan de Serge Lamothe paru en 2016 aux éditions Mémoire d'encrier. dans ce troisième recueil de poésie, le poète sort une langue matraque pour répondre à l'âme meurtrie d'une humanité qui souffre. Les mots se chargent de déranger l'universelle bêtise. «Attentif à l'autre, à sa fragilité, le poème fait son nid à l'endroit même où chacun de nous se sait mortel.» Extrait:«le désert de mes mots se peuple de brigands/une traînée d'insultes retient la boue/qui me dévore les lèvres»   Mission encre noire sera de retour le 12 janvier 2017, je vous souhaite de passer de belles fêtes !  

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min