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Mission encre noire

Émission du 12 février 2019

Mission encre noire Tome 25 Chapitre 303 Vos voix ne nous atteindront plus de Julien Guy-Béland paru en 2019 aux éditions Héliotrope. « I'll execute every motherfucking last one of you !», C'est ce que les chats hurlent dans une ruelle quelque part entre Hochelaga et Sunset Boulevard dans ce premier roman. L'énergie «bad guys» de Pulp Fiction traverse le récit de cette jeune femme, Jeandeleine, qui est confondu avec une autre, célèbre pour avoir démantelée un réseau de pédophiles au Québec. Un riche californien en mal de sensations fortes, lui propose, par erreur, un contrat à Los Angeles. Tannée de niaiser au bar avec son chum de Saint-Bruno-de-Montarville, elle décide de sauter le pas. La mort subite de sa propriétaire, sa voisine du dessous, précipite sa décision. Une série de morts suspectes, dont le Beagle aveugle de Madame Bérange, assassiné dans une mare de sang, crucifié la tête en bas, lui font prendre le premier vol vers l'aéroport international de Chicago. Brutal comme une écriture gonzo débridée, accrocheur et radical comme un bon riff de métal, Vos voix ne nous atteindront plus, vous fera trébucher sur les milliers de cadavres qui  restent englués dans l'asphalte naturel de La Brea Avenue. Ça vous étonne ? Parfait ! Il en va pour l'écriture comme pour la musique, après tout: si c'est trop fort, tu es peut être rendu trop vieux pour ça ! Vonnegut n'est pas une marque de yogourt et Thompson pas seulement un pistolet mitrailleur, enfilons un costume de cheval ou de vache, Julien Guy-Béland s'installe à Mission encre noire, il est notre invité. Extrait:«On gît de tout notre long aux pattes d'une chaise pleine de sang. Le goût de fer dans notre gueule laisse deviner que ledit sang provient de notre mâchoire, qui a probablement heurté son dossier après que nos genoux eurent lâché à la vue de l'homme-cheval. Heureusement, nos dents sont intactes ps notre quasi-voisin a repris ses esprits avant d'en finir avec nous. Ou bedon on a mal entendu ce qu'il disait à travers son casque. En tout cas, on est en vie. Difficile d'en dire autant du Quelqu'un, ramanché exactement comme l'était le Beagle aveugle. Le même m.o pis pas d'alibi. Fuck appeler la police, Autant se tatouer Psycho Killer direct dans face.» Macbeth de Jo Nesbo paru en 2018 aux éditions Gallimard dans la collection Série noire, traduit par Céline Romand-Monnier. Les éditions britanniques Hogart, ont proposé de remettre au goût du jour les oeuvres de William Shakespeare. Margaret Atwood, Gillian Flynn, Anne Tyler et d'autres relèvent le défi. Jo Nesbo s'attaque au monument Macbeth. L'écrivain norvégien choisit de nous baigner dans une atmosphère polar dystopique. Une goutte de pluie traverse le décor nauséabond et industriel d'un quartier industriel dévasté. L'administration corrompue vient subir une purge sans précédent. La pauvreté et le crime règne sans partage sur la ville. Duncan, nouveau chef de la police s'empresse de faire le ménage. Il ne part pas gagnant face au baron de la drogue locale qui a mis la main sur une nouvelle substance de synthèse dévastatrice: «le bouillon». L'ombre gigantesque d'un homme plane sur la cité, le seul capable de se confronter à un tel handicap: Macbeth. L'heure est venue pour lui de mettre ses ambitions, et celles de Lady Macbeth, au service de son futur et de celui de la «loi». En sachant que l'horreur se bat parfois du côté du bien. Cette adaptation de Shakespeare marque un jalon important dans l'oeuvre de Jo Nesbo. Ce livre puissant, au final apocalyptique, digne de Scarface, vous laissera pantois. Difficile de contredire un tel monument de polar, l'un des sommets de 2018.  Extrait:«Il plaqua ses semelles sur la hanche et l'épaule de son fils, eut le temps de le voir essayer de s'accrocher à quelque chose, avant de le pousser de toutes ses forces. Son fils cria en protestation, il cria de peur, comme il l'avait fait à sa naissance, et puis il fut dehors. Le dernier cordon ombilical était coupé, seul dans le grand monde, en chute libre vers son destin. Banquo gémit de douleur en se remettant face au volant, il enclencha la vitesse et accéléra vers son propre destin. Lorsqu'il tomba en panne d'essence, trois kilomètres après le pont, ils l'avaient presque rattrapé. La voiture roula encore quelques derniers mètres et, se sentant somnolent, Banquo renversa la tête en arrière. Le froid avait gagné l'ensemble de son dos et de son ventre, et lorsque la pluie vint enfin de ce côté du tunnel, ce fut une pluie de plomb. de plomb qui se coulait à travers la carrosserie, les sièges et son corps. Banquo regardait par sa vitre latérale le flanc de la montagne. Et là, presque au sommet, il put voir ce qui, côté ville, ressemblait à un hommage au mal.» Scalp de Cyril Herry paru en 2018 aux éditions du Seuil dans la collection Cadre noir. La carte de l'Institut géographique national positionne Hans et sa mère Teresa sur une route départementale de la Saône et Loire en France. En route pour le sud et les vacances, Teresa accepte de faire un détour vers un endroit qui ne figure sur aucune carte: le dernier domicile connu du vrai père de Hans. Moitié trappeur, moitié activiste écologique, Alex a fui une liaison triangulaire toxique, qui a vu le père d'adoption de son fils, se suicidé au bas d'un pont. Hans se bâtit, rapidement, un imaginaire riche au contact de cette nature sauvage. Au détriment de l'avis de sa mère, il s'entête à vouloir attendre le retour de cet homme énigmatique, dont tout indique qu'il a fuit les lieux précipitamment. La nature dévoile ses cruautés, mais le petit homme apprendra bien vite qu'il existe une loi encore plus terrible: celle des hommes. Cyril Herry nous fait traverser le mur de l'innocence à grande vitesse à travers les yeux de Hans, au coeur d'un été caniculaire. Scalp est un premier roman bouleversant, en 72 heures, le destin de Hans va être bouleversé, au petit matin de sa nouvelle vie sa seule certitude tiendra dans son couteau déplié en attendant l'ennemi. Extrait:«Pourquoi tu m'as laissé l'appeler papa? Teresa n'avait pas répondu tout de suite. Pour la formuler aussi clairement, Hans avait dû longuement réfléchir à cette question. La retourner cent fois dans sa tête, de sorte à être bien certain que c'était la bonne, que sa mère ne puisse ni répondre à côté ni lui raconter d'histoires. Du silence s'était écoulé avant qu'elle dise: «Parce qu'il t'a vu grandir. Parce qu'il t'a accompagné.» Accompagné. Le petit avait quitté le regard de sa mère pour s,en remettre à la photo de l'îlot. «Accompagné» s'était mis à infuser dans son esprit comme un sachet de thé dans de l'eau bouillante. Thé aux fruits rouges.»

Feuille de route

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Mission encre noire 08 février
Émission du 7 février 2023
Mission encre noire tome 37 Chapitre 402. Cocorico, les gars, faut qu’on se parle par Mickael Bergeron paru en 2023 aux éditions Somme Toute. Il est plus que temps de reconnaître que rien n’est figé dans une société, que les choses bougent, que les comportement évoluent. Qui aurait cru, il y a 20 ans, qu’un mouvement social sans précédent allait naître via, notamment, les réseaux sociaux. En effet, la première campagne hashtag Mee Too en 2017 a changé la donne. De Balance ton porc à #MoiAussi, ces campagnes ont révélé l’ampleur systémique de la violence commises à l’égard des femmes. Dans cet essai édifiant à plus d’un titre, Mickael Bergeron se propose d’abattre l’arbre qui cache a forêt, de débroussailler quelques clichés au passage et de pénétrer dans l’antre de la bête: la masculinité toxique. Il est temps en effet de nous prendre en charge, nous les hommes, de se dire ça suffit; changeons de disque. Osons enfin, nous parler des affaires qui dérangent : l’image de la virilité, la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, dans les rôles professionnels ou sociaux, les sujets ne manquent pas. Loin d’être donneur de leçon, l’essayiste se met lui-même à nu, en multipliant les anecdotes personnelles et se garde bien de juger. Il est plus que temps de faire notre juste part aux côtés des féministes, qui elles, ne nous ont pas attendu pour s’affirmer. «Vous n’êtes pas tannés, les gars, de tout ce bordel» est-il écrit en préambule ? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mickael Bergeron.
60 min
Mission encre noire 01 février
Émission du 31 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 401. Le monde se repliera sur toi par Jean-Simon Desrochers paru en 2022 aux éditions Boréal. De prime abord, il serait possible de se demander comment lire ce monde pluriel qui se présente à nous. Comment se détacher du fil invisible qui relie les nombreux personnages pris individuellement, qui à force de rencontres, de coïncidences nous amènent à une lecture possible du monde d’aujourd’hui. Alors que Noémie, au sortir d’un mauvais rêve cherche encore ses mots et s’inquiète pour elle et sa fille, au chapitre suivant, celle-ci, à 12 ans, éconduit son premier amoureux, William, qui tente d’incarner un nouvel idéal de masculinité moins toxique. Au prochain chapitre, c'est sa professeure, Madame Claude qui en subira les conséquences. Elle découvre les rumeurs colportées à son sujet alors qu’elle apostrophe un idiot qui lui coupe la voie avec son VUS sur le pont en quittant Montréal, Pierre-Luc prendra toute une section de texte pour se venger...ainsi de suite. La galerie de portrait qui se déploie de Montréal à Tchernobyl, Paris, Philadelphie, Rio de Janeiro, Addis-Abeba, Christchurch et Chittorgarh, nous donne à lire les esquisses familières de trajectoires de vie qui sont autant d’étoiles filantes dans un ciel encombré et menaçant. L’auteur réussit le tour de force d’incarner plusieurs voix, plusieurs émotions, plusieurs destins de papier en mode mineur. Il en résulte un formidable casse-tête, à la mesure des moments de vie dérobés à la lucarne du monde en marche, nous offrant ainsi une profonde réflexion sur ce qui nous construit, sur les lieux qui nous habitent. Si le roman s’ouvre sur une mémoire qui flanche, il n’est pas garantie que le film réalisé avec un cellulaire au final y changera grand-chose. Le monde souffre d'un manque criant d'empathie. Il en meurt sans doute un peu chaque jour, à chaque chapitre ? D’ailleurs s’achève-t-il vraiment ce roman? J’accueille Jean-Simon Desrochers, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 25 janvier
Émission du 24 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 400. Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année qui s’annonce. Une année que je vous souhaite riche en découvertes d’auteurices et d’œuvres inspirantes. Mission encre noire repart pour une saison d’hiver, la 400 ème pour être précis. Correlieu de Sébastien La Rocque paru en 2022 aux éditions du Cheval d’août ouvre le bal. Ce roman nous invite à rejoindre, la Vallée-du-Richelieu, près de l’atelier du célèbre peintre du Mont-Saint-Hilaire Ozias Leduc,et plus particulièrement dans celui de Guillaume Borduas, un vieil ébéniste approchant les 70 ans. Formé à la vieille école, il accepte, malgré ses vieux principes, de recevoir en stage, Florence, qui veut reprendre le métier après avoir subi un accident de travail. Recommandé par la CSST, elle doit faire ses preuves, ce retour aux machines est progressif, après avoir été touché par une lame rendu folle dingue à plus de quatre mille tours par minute. Même s’il a toujours travaillé seul, elle le rejoint dans le silence d’un matin blafard au milieu des grésillements d’un vieux poste de radio et l’odeur des planches brutes de pin, de chêne rouge, de peuplier, d’érable ou de merisier. Comme chaque vendredi, elle devra faire la connaissance et refaire le monde avec les vieux mononcles, fidèles en amitié, de Guillaume, et grands consommateurs de caisses de bière. C’est dans le miracle de cet atelier et de ses correspondances sensorielles que Florence s’invite à découvrir un monde éternel, qui se meurt, fait de gestes communs à apprendre, à harmoniser son souffle au rythme d’une respiration à contre-temps d’une époque à bout-de souffle. Avons-nous affaire à de la nostalgie ou à une volonté de vivre autrement, sans faire trop de concession à une modernité dévorante ? Toujours est-il que l’écho de 2012 et du printemps érable s’immisce parfois entre les ramures du Mont-Saint-Hilaire et les odeurs de gasoil de motorisés gigantesques en balades. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Sébastien La Rocque.
60 min
Mission encre noire 21 décembre
Émission du 20 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 399. La faute à Pablo Escobar par Jean-Michel Leprince avec une préface de Bernard Derome, paru aux éditions Leméac. Bogotà la mal encarada des villes sud-américaine se trouve en haut d'un plateau andin. Le restaurant de l'hôtel Tequendama, où Jean-Michel Leprince a pris ses habitudes, a volé en éclats, sous une bombe des FARCS. en 2002. Si comme le souligne l’ex-présentateur de nouvelles, chef d’antenne et animateur de télévision Bernard Derome, La Colombie est le deuxième pays le plus riche de la planète en matière de biodiversité, elle est aussi l’un des pays les plus inégalitaire et violent. Tout commence, pour Jean-Michel Leprince, sous les bruits d’hélicoptères, de ceux qui tentent d’arracher des dizaine de personnes à la boue meurtrière qui a englouti la petite ville d’Armero due à l’éruption du volcan andin Nevado del Ruiz le 16 novembre 1985. Armero représente un baptême du feu grave pour le reporter spécialisé en politique étrangère et en défense nationale au Parlement d’Ottawa pour la télévision nationale de la Société Radio-Canada. La Colombie et l’Amérique latine vont devenir pour lui, depuis 37 ans maintenant, le lieu de découvertes et d’aventures inédites. Car voilà, ce pays, non seulement, reste un des rare en Amérique latine à avoir presque toujours connu une gouvernance démocratique, mais il s’est également construit sur la violence, le narcotrafic et la corruption. Un nom revient sur toute les lèvres, bien sûr, Pablo escobar ; une ville aussi, Medellin, qui battait les records du monde de meurtres sous son règne. Les écrits restent, dit-on, voici le livre d’une vie, la somme de plusieurs reportages, d’entrevues de terrain, publiés ici, contextualisés, dans le but de témoigner le plus précisément possible d'un mythe, de l'influence d'un homme sur un pays tout entier voire au-delà. Le journaliste grand-reporter nous offre un récit palpitant qui nous fait fréquenter les bas-fonds du crime organisé à l’échelle continental. J'accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jean-Michel Leprince.
60 min
Mission encre noire 14 décembre
Émission du 13 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 398. Von Westmount par Jules Clara paru en 2022 au éditions La mèche. Aline pointe en direction de la fenêtre, elle glisse le doigt vers le Saint-Laurent. Pour le reste, la vue est magnifique, ce versant de la montagne cachera néanmoins, toujours le quartier de sa famille. Elle se souvient, il y a un an déjà, comme chaque matin, sous un ciel gris du mois de décembre par – 24, elle embarquait pour ses quinze minutes d’autobus obligatoire. Elle appréhendait de commencer un nouvel emploi, dans un kiosque du marché de noël du centre-ville de Montréal, pour servir du vin chaud. Il lui fallait être aimable, dire merci/thank you plusieurs fois par jour à des touristes plus ou moins agréables, en espérant un pourboire improbable. Sourire et répondre parfait! à un chef d’équipe autoritaire et escroc étaient de rigueur. Il fallait bien payer les factures, le loyer et penser à son futur. Précisément son avenir immédiat étaient sombre, sa relation amoureuse avec James battait de l’aile et l'ambiance familiale ne valait guère mieux. Grâce à son amie Jasmine, elle travaille désormais pour une richissime famille russe, les Von Westmount, de leur vrai nom les Kroubetzkoy, pour s'occuper de leurs enfants, Alexander, Nikolas et la terrible Clémentine. L’autrice profite allègrement de ce portrait moderne d’une jeune femme ambitieuse chez les riches, pour inciser le canevas de nos soumissions quotidiennes si nécessaire au maintien d’une société inégalitaire. Ce n’est pas parce que la plume espiègle de l’autrice s’amuse à nous jouer des tours, à braquer la langue de Shakespeare, ou que le récit s’agite dans tous les sens, en territoire bourgeois, que nous ne sommes pas au centre du récit. Chacun.e en prend pour son grade. La rage couve, les murs de Wesmount tremblent, le feu menace au loin, l’autrice nous invite au pire, un verre de champagne à la main, le vin du diable. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jules Clara.
60 min