Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 11 décembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 300. À événement exceptionnel, invité.e.s de choix, nous recevons ce soir Kevin Lambert et Alice Guéricolas-Gagné pour fêter le numéro 300 de Mission encre noire. Hélène Lefranc, revient à l'antenne, pour l'occasion, le temps d'une chronique et d'une entrevue. Querelle de Roberval de Kevin Lambert paru en 2018 aux éditions Héliotropre. Voici l'odyssée éphémère de Querelle, jeune homme de 27 ans, le dernier journalier rentré à l'usine de la Scierie du Lac Inc. de Roberval, qui emploie une vingtaine d'ouvriers spécialisés. Il est beau et scandaleux, il enfile les jeunes minets de bonnes familles comme les mauvais garçons. Ce personnage, emprunté au Querelle de Brest de Jean Genet, est le caillou dans la chaussure d'un système économique et social paternaliste qui s'enraye. Les employés de la Scierie sont en grève et le conflit se dégrade rapidement. Alors que le chaos s'installe, Querelle et une gang de slutboys d'amour jouissent en rafale comme d'autres crient leur rage à coups de batte de baseball. Piquetage, joke grasses et mauvais café le jour, quand tombe la nuit, une autre complainte s'élève au-dessus de l'horizon québécois, tout devient permis. Querelle de Roberval est le journal de bord d'une déflagration sociale et romanesque à la fois tendre et féroce. Roberval est un monstre froid qui dévore ses enfants. L'imagination est au pouvoir et Kevin Lambert nous propose ni plus ni moins que de changer de paradigme: appelons désir ce qui semble immoral, osons nommer la fleur du mal qui pousse entre les poubelles du profit. Kevin Lambert est notre premier invité pour cette 300 ème. Extrait: «Les mères, narquoises, écoutent leurs maris déments, les laissent parler et continuent de se moquer gentiment de leur science tout en les réconfortant par des paroles positives, finement choisies: ce sont les plus nigaudes qui les consolent le mieux. Quand les pères, enfin, s,endorment, les mères se lèvent et poussent leurs petits hors du nid en craignant que l'homme de la maison tente de les baiser pour leur injecter - terme de cette logique occulte - un peu de sa testostérone. Si les fils tombent trop abruptement et se cassent le cou, les mères encaissent le deuil avec un sentiment de devoir accompli. Elles pleurent sur leurs charognes, oui, mais elles demeurent convaincues que la tentative de fuite en valait le coup. les mères sont aussi perverses que leurs époux lubriques. Elles savent toutefois que les fils n'ont rien à faire des romances incestueuses. Pour mieux conjurer la convoitise des pères, les garçons s'accrochent à la bite de Querelle et s'évadent en préparant clandestinement leur vengeance.» Saint-Jambe de Alice Guéricolas-Gagné paru en 2018 aux éditions vlb éditeur. Notre deuxième invitée est la récipiendaire du Prix Robert-Cliche du premier roman 2018 ! Est-ce seulement un roman d'ailleurs? Le quartier de Saint-Jambe, copié-collé d'un quartier de la haute-ville de Québec, est sous la menace de pépines creusant des trous immenses à ses limites et finissent par l'isoler du reste de la ville. C'est un prétexte inespéré pour sa population, qui saisit l'occasion pour proclamer la République de Saint-Jambe. L'événement devient l'épicentre d'une éclosion imaginaire et poétique sans précédent ; sous la lune des acrobates sautent de toit en toit, un terroriste poétique graffite des petits soleils rouges sur des bâtiments austères, des sources d'eau gazéifiées suintent du roc du cap Diamant, les éboueurs font de la musique bruitiste avec leurs déchets, deux femmes s'écrivent sur le dos de leur amant... À Saint-Jambe, l'utopie et la résistance joyeuse sont au pouvoir ! Une chercheuse en ethnologie à l'université libre de Saint-Jambe, associée à la Chaire d'étude internationales sur les mythologies locales contemporaines tente de recoller les morceaux d'une histoire morcelée et intemporelle du siège de la République. Le recueil que vous tenez entre les mains recensent les anecdotes, les événements historiques, les péripéties qui entourent le mode de vie saint-jambien et brosse le portrait des personnages clés du quartier. Dans ce splendide miroir déformant, vous serez, sans doute étonné de reconnaître certains aspects familiers de la ville de Québec. Ludique et insolite saint-Jambe est un appel à devenir des pionniers de l'imaginaire. Utopie ? Vraiment ? Nous montons aux barricades pour cette 300 ème à la rencontre d'Alice Guéricolas-Gagné à Mission encre noire. Extrait: «Au petit matin, tu m'as invitée à rencontrer tes amis, célestes comme toi, amis chats ou amis hommes, je ne veux pas savoir. Vous vous appeliez entre vous les poètes aériens. Vous viviez sur les toits dans de petites cabanes de carton et il y avait des arbres autour de vos logis, des arbres en feuilles malgré le fait que nous n'en étions encore qu'à la fin de l'hiver. Tu m'as invitée à vous accompagner dans une de vos sorties poétiques. En retrait, j'observais les coulisses de vos actions sublimes. Vous vous couchiez sur le ventre tout au bord des toits, et, le corps à moitié dans le vide, vous scrutiez les rues afin de choisir votre prochaine proie. Une fois l'individu méticuleusement sélectionné - vous ne vouliez pas vous retrouver avec n'importe qui - vous l'attrapiez à l'aide d'un lasso dont l'extrémité ressemblait à un harnais, et vous le hissiez jusqu'à vous en tournant une grande manivelle, jusqu'à ce qu'ils se retrouve à vos côtés. Vous kidnappiez les passants pour la beauté du geste, pour les couvrir de couronnes de fleurs avant de leur offrir de visiter avec vous le dédale des faîtes.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min