Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 10 juillet 2018

Mission encre noire Tome 23 Chapitre 288 Natalia Z de Chantal Garand paru en 2018 aux éditions Annika Parance Éditeur. Un silence lourd s'installe entre l'infirmière qui emmène son bébé emmailloté et Natalia Zielinska. Même si elle considère que sa tâche est terminée, en ce 07 juin 1945 à Oslo, elle sait bien qu'il est possible qu'elle ne le revoit jamais. C'est mieux ainsi. Tollef est devenu père de famille, il vit en Norvège, sa vie est belle. Sinon sous la pression de son fils Marius, il ne serait pas à découvrir le mince filet d'information du dossier du bureau des adoptions d'Oslo en 2008. Qui est sa mère ? Comment a-t-elle échappé à la guerre? Que fait-elle au Québec ? Le fils abandonné décide d'en savoir plus côute que coûte. Plus il avance plus les zones ombres s'élargissent. Natalia redoute de rouvrir de vieilles blessures, il est trop tard. Comment expliquer à Tollef, que malgré lui, elle a de nouveau aimé ? Comment lui infliger la tragique vérité ? Chantal Garand publie, à la suite de son prix du récit Radio Canada en 2015, un premier roman puissant qui se refuse d'accepter l'amnésie nécessaire aux après-guerre et choisit de se confronter au silence. Les désirs des uns ne convient pas forcément aux déchirures de l'âme des autres. Nous prenons le chemin de la Norvège pour rencontrer l'auteure à Mission encre noire. Extrait: «J'aimerais qu'elle me fasse confiance et qu'elle me dise ce qu'elle garde caché depuis des années. Ça la libèrerait peut-être d'en parler! - La libérer, je ne sais pas. Une fois qu'un secret est révélé, on ne contrôle plus rien. Il prit sa main, l'enveloppa de la sienne. Il semblait regarder un point fixe sur le plancher - Au chapitre des secrets, dit-il, il est impossible de prévoir les vagues ou les secousses que leur dévoilement peut provoquer. Ça peut virer à la catastrophe. Il me semblait évident que si l'un de vous deux réussit à la faire parler, ce sera toi, et si cela se produit, je crois, effectivement, que ce sera au nom de l'amitié qui vous unit. Du moins, c'est la seule hypothèse plausible, car il est d'ores et déjà établi que la vieille filtre les informations qu'elle transmet à Tollef et insiste pour garder le contrôle sur la teneur et la fréquence des conversations, ainsi que sur la façon de communiquer. D'ailleurs, que ferais-tu si elle te racontait tout et te demandait de ne pas en parler à Tollef?» Le mai 68 des caraïbes de Romain Cruse paru en 2018 aux éditions Mémoire d'encrier. Un deejay crie dans un micro, un rythme furieux de Dancehall ou de reggae explose les enceintes des Jolly Joseph frénétiquesqui roulent à batons rompus au milieu de la foule des quartiers chauds de la Jamaïque. Bienvenue dans la Caraïbe, dans la chaleur insupportable et les nuages de poussière levés par le trafic. Romain Cruse ouvre une nouvelle fenêtre sur les grands mouvements populaires des années 1960 et 1970, au coeur d'une région plus inconnue qu'il n'y paraît. Oubliez cocotiers, palmiers et hôtels de luxe, l'auteur est notre guide vers la pensée de la trace, vers les quartiers de San Juan, Kingston et Pointe-à-Pitre en révolte, vers la découverte de pays singulier comme La Grenade ou le Suriname, à la découverte de l'insoumission des Dreads à la Dominique. Le mai 68 des Caraïbes est une expérience de la rue, au contact de l'histoire populaire, un essai luxuriant, qu sonne, résonne, bouleverse et passionne. Oui, vous tenez-là une lucarne sur une version peu racontée de l'Histoire. Saviez-vous que les fameuses Rodney Riots se déclenchent sur un tarmac canadien ? Que la Grenade détient le record du monde de la révolution la plus rapide en 1979? Nous rejoignons une île sous les vents à Mission encre noire, Romain Cruse est avec nous depuis Fort-de-France en Martinique. Extrait: « Bouterse et ses fils sont aussi impliqués dans le trafic de cocaïne et d'armes avec les réseuax brésiliens et mexicains, ainsi qu'avec le Hezbollah notamment. Il collabore notoirement avec le «Pablo Escobar du Guyana», Roger Khan - condamné à quarante ans de prison aux États-Unis, après avoir été arrêté au Suriname et extradé. En 1999, Bouterse est condamné à onze ans de prison pour trafic de coca¸ine. Mais il ne se présente pas à son procès qui se tient au Pays-Bas, préférant rester à l'abri au Suriname - qui n'a pas d,accord d'extradition - où il se fait réélire président en 2010 (poste qu'il occupe encore aujourd'hui). En tant que président du putsch de 1980 et fera de cette date un jour férié. Bouterse fait bénéficier de la grâce présidentielle l'un des garçons qu'il a élevés, Romano Meriba, condamné en 2002 à quinze ans de prison pour avoir volé et assassiné un gros commerçant chinois et pour avoir lancé une grenade sur la résidence de l'ambassadeur des Pays-Bas.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min