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Mission encre noire

Émission du 25 septembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 290 Birdie de Tracey Lindberg traduit par Catherine Ego paru en 2018 aux éditions Boréal. Le premier roman de L'autrice a atteint la finale du concours Canada reads en 2016, voici enfin sa traduction. La voix de Bernice Meetoos traverse la page avec force. Héroïne, malgré elle, Bernice quitte son Alberta natale pour Gibson en Colombie Britannique. Une lente dérive, pour fuir les remous tumultueux d'un passé marqué par de nombreux abus. Munie de sa valise galeuse, d'un sac et d'un tube de carton, elle s'installe au Paradis des pâtisseries de Lola. Elle tombe dans un comas profond. Tracey Lindberg qui est professeure de droit à l'université Athabasca en Alberta, use habilement de la tradition orale des contes et du pouvoir rédempteur des songes sur l'esprit. L'autrice vous met la langue Cri des montagnes rocheuses en bouche pour enrichir son propos. Vous devriez vous perdre dans les sinuosités inédites des contes et des fables pour mieux nourrir l'arbre de vie, Pimatisewin, agissant comme le poul de la communauté. Dans ce magnifique livre, il est, tout comme Bernice, dans un triste état. Grâce à la force des femmes de sa vie, de sa famille, qui vont la soigner, Bernice dit Birdie: la petite chouette qui fonce droit dans l'oeil de l'homme, entame un nouveau voyage. Tracey Lindberg trace un sentier pour relier les silences de Bernice à notre regard de lectrice/teur. Alors comme son ElleOiseau et tous les autres animaux venus entourer le petit arbre, écoutez son appel. J'existe, nous existons, voici notre langue, voici notre musique, voici mon histoire. Elle vous concerne aussi. Extrait:« Son premier Blanc, c'était au secondaire. Phil Filmore. Elle l'a cherché sur Facebook l'année dernière et l'a trouvé: un chauve au teint blême qu'elle n'aurait pas reconnu en le croisant dans la rue. Il était comme tous les moniawak qui sortent avec des Indiennes, du moins tous ceux qu'elle a connus: marginal, un peu à part, fasciné par l'exotisme, mais insistant sans cesse sur ce qu,elle et lui avaient en commun. Il était aussi excessivement doux. Tellement passif que son souvenir s,est gravé pour toujours dans la mémoire de Freda. Il exprimait son affection seulement quand elle le voulait bien, osait un geste spontané seulement quand elle l'ignorait.» Les spectres de la terre brisée de S.Craig Zahler paru en 2018 traduit par Janique Jouin-de Laurens aux éditions Gallmeister. Romancier et scénariste, l'auteur, qui est également fan de métal, dépoussière le genre western. Déjà croisé, ici, avec Une assemblée de chacals (Gallmeister), nous retrouvons le désert aride mexicain, l'été 1902. Les soeurs Plugford, Dolores et Yvette, ont été enlevées et violées par des membres d'une sombre confrérie, avec à leur tête, l'implacable Gris. Elles demeurent désormais à la merci des clients qui paient pour leurs services. Victimes, à leur corps défendant d'une dette de jeu, elles sont détenues dans une forteresse aztèque nommée Catacumbas. Le père, John Lawrence Plugford, ancien chef de gang, rassemble une furieuse horde sauvage et se lance à leur poursuite. Les soeurs auront leur mot à dire. Scotch et tequila, les lignes qui suivent vous brûlent la gorge, les spectres du titre jonchent les pages mieux que n'importe quelle série de zombies. Enjouée et colérique, la plume de S.Craig Zahler se manie du six coups aussi facilement que des dialogues grotesques et crus qui ne dénoteraient pas chez Erskine Caldwell ou Quentin Tarentino. Le monde de la famille Plugford vole en éclat. Cette traque impitoyable révèle un monde incorrigiblement violent, et que, la rédemption a un prix. Moralisateur ! avez-vous dit ? Le western revisité par S.Craig Zahler vous plante ses griffes de loup-garou et s'approche de l'horreur moderne. Extrait:« Les gentlemen approchaient d'un carré rouge orangé qui tranchait sur le reste des ruines gris ocre et, peu après, Nathaniel vit que la décoloration provenait des briques modernes et du mortier utilisés pour sceller la vaste entrée d'origine de la ziggourat. Au milieu de la zone rénovée se trouvait une unique porte en fer. Tous les gentlemen discutaient filles, jeu, alcool et feuilles de tabac, hormis le gringo qui n'était capable de rien d'autre que fixer l'entrée en métal, dont dix pas de plus révélèrent qu'elle était couverte de rangées de gros clous en acier saillants. Nathaniel était habité de sérieux doutes quant aux chances des Plugford - même avec l'aide de leur autochtone entraîné et du tireur impitoyable - de pouvoir sauver leurs parentes captives d'un tel endroit. Les Hopis et les prisonniers de la guerre hispano-américaine incarcérés à Alcatraz semblaient aussi faciles à atteindre qu'une personne enfermée à l'intérieur de Catacumbas.» Désinhibée de Emmanuelle Riendeau paru en 2018 aux éditions de l'Écrou. Born to be vulgaire, Emmanuelle Riendeau est une voix singulière et puissante de la poésie québécoise. L'autrice mixe Drake, Simone de Beauvoir et Miley Cyrus dans le texte. Maximum fun et derniers crachats, il serait facile de prendre au premier degré cette langue sauvage et indomptée. Outrageusement biographique, on y parle de sang froid, des femmes en marge, de baise, de dope, de boisson, de vomi, de tristesse, de solitude, de désamour et d'écriture, rappelant l'éructation d'autres Filles-missiles. Emmanuelle Riendeau pète des verres, altière et met ses tripes sur la table. Âpres et percutants, ses textes sont un chiffon rouge agité à la face des esprits tièdes aux mains baladeuses. Posture arrogante ou pas, l'autrice s'installe dans le paysage et ça fait du bien. Que la fureur soit sous les pancartes électorales ! I.N.D.I.S.P.E.N.S.A.B.L.E Extrait:« Shut'em all/vomir dangereusement/je vous attends à la sortie/de la librairie/un ouvre-bouteille/en guise d'argument.» Moebius 158 Un numéro très réussi est déjà en kiosque. La citation thème est tirée de Personne de Gwenaelle Aubry paru en 2009 aux éditions Mercure de France: «Filles, soeurs et complices de ceux qui vont pieds nus à l'envers de la vie». Le magazine réunit une diversité de textes autour de la résistance et de la révolte à des assignations que depuis toujours on attribue aux unes et aux autres. Ces femmes et complices évoluent à l'envers des pouvoirs, à l'envers des codes et préfèrent les enjeux de l'entre-deux, comme une danse qui interroge l'autre et l'inclut. On règle ses comptes et on désobéit. Dirigé par Chloé Savoie Bernard et Karianne Trudeau Beaunoyer, je vous recommande la lecture du nouveau Moebius, pour la richesse de tous ces textes, mais également, par choix personnel, celui, splendide, signé par Julie Delporte, dans sa Lettre à Patti O' Green. Extrait:« C'est d'ici que je regarde la catastrophe. Je compte les oiseaux qu'il nous reste. J'envoie des dessins à des poètes et des poèmes dans l'univers pour exister encore un peu. Sébastien B. Gagnon écrit qu'il connaît «des mots simples pour convaincre les oiseaux qu'ils pourront revenir.»» Julie Delporte, Lettre à Pattie O'Green, Moebius 158

Feuille de route

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Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
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