Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 25 septembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 290 Birdie de Tracey Lindberg traduit par Catherine Ego paru en 2018 aux éditions Boréal. Le premier roman de L'autrice a atteint la finale du concours Canada reads en 2016, voici enfin sa traduction. La voix de Bernice Meetoos traverse la page avec force. Héroïne, malgré elle, Bernice quitte son Alberta natale pour Gibson en Colombie Britannique. Une lente dérive, pour fuir les remous tumultueux d'un passé marqué par de nombreux abus. Munie de sa valise galeuse, d'un sac et d'un tube de carton, elle s'installe au Paradis des pâtisseries de Lola. Elle tombe dans un comas profond. Tracey Lindberg qui est professeure de droit à l'université Athabasca en Alberta, use habilement de la tradition orale des contes et du pouvoir rédempteur des songes sur l'esprit. L'autrice vous met la langue Cri des montagnes rocheuses en bouche pour enrichir son propos. Vous devriez vous perdre dans les sinuosités inédites des contes et des fables pour mieux nourrir l'arbre de vie, Pimatisewin, agissant comme le poul de la communauté. Dans ce magnifique livre, il est, tout comme Bernice, dans un triste état. Grâce à la force des femmes de sa vie, de sa famille, qui vont la soigner, Bernice dit Birdie: la petite chouette qui fonce droit dans l'oeil de l'homme, entame un nouveau voyage. Tracey Lindberg trace un sentier pour relier les silences de Bernice à notre regard de lectrice/teur. Alors comme son ElleOiseau et tous les autres animaux venus entourer le petit arbre, écoutez son appel. J'existe, nous existons, voici notre langue, voici notre musique, voici mon histoire. Elle vous concerne aussi. Extrait:« Son premier Blanc, c'était au secondaire. Phil Filmore. Elle l'a cherché sur Facebook l'année dernière et l'a trouvé: un chauve au teint blême qu'elle n'aurait pas reconnu en le croisant dans la rue. Il était comme tous les moniawak qui sortent avec des Indiennes, du moins tous ceux qu'elle a connus: marginal, un peu à part, fasciné par l'exotisme, mais insistant sans cesse sur ce qu,elle et lui avaient en commun. Il était aussi excessivement doux. Tellement passif que son souvenir s,est gravé pour toujours dans la mémoire de Freda. Il exprimait son affection seulement quand elle le voulait bien, osait un geste spontané seulement quand elle l'ignorait.» Les spectres de la terre brisée de S.Craig Zahler paru en 2018 traduit par Janique Jouin-de Laurens aux éditions Gallmeister. Romancier et scénariste, l'auteur, qui est également fan de métal, dépoussière le genre western. Déjà croisé, ici, avec Une assemblée de chacals (Gallmeister), nous retrouvons le désert aride mexicain, l'été 1902. Les soeurs Plugford, Dolores et Yvette, ont été enlevées et violées par des membres d'une sombre confrérie, avec à leur tête, l'implacable Gris. Elles demeurent désormais à la merci des clients qui paient pour leurs services. Victimes, à leur corps défendant d'une dette de jeu, elles sont détenues dans une forteresse aztèque nommée Catacumbas. Le père, John Lawrence Plugford, ancien chef de gang, rassemble une furieuse horde sauvage et se lance à leur poursuite. Les soeurs auront leur mot à dire. Scotch et tequila, les lignes qui suivent vous brûlent la gorge, les spectres du titre jonchent les pages mieux que n'importe quelle série de zombies. Enjouée et colérique, la plume de S.Craig Zahler se manie du six coups aussi facilement que des dialogues grotesques et crus qui ne dénoteraient pas chez Erskine Caldwell ou Quentin Tarentino. Le monde de la famille Plugford vole en éclat. Cette traque impitoyable révèle un monde incorrigiblement violent, et que, la rédemption a un prix. Moralisateur ! avez-vous dit ? Le western revisité par S.Craig Zahler vous plante ses griffes de loup-garou et s'approche de l'horreur moderne. Extrait:« Les gentlemen approchaient d'un carré rouge orangé qui tranchait sur le reste des ruines gris ocre et, peu après, Nathaniel vit que la décoloration provenait des briques modernes et du mortier utilisés pour sceller la vaste entrée d'origine de la ziggourat. Au milieu de la zone rénovée se trouvait une unique porte en fer. Tous les gentlemen discutaient filles, jeu, alcool et feuilles de tabac, hormis le gringo qui n'était capable de rien d'autre que fixer l'entrée en métal, dont dix pas de plus révélèrent qu'elle était couverte de rangées de gros clous en acier saillants. Nathaniel était habité de sérieux doutes quant aux chances des Plugford - même avec l'aide de leur autochtone entraîné et du tireur impitoyable - de pouvoir sauver leurs parentes captives d'un tel endroit. Les Hopis et les prisonniers de la guerre hispano-américaine incarcérés à Alcatraz semblaient aussi faciles à atteindre qu'une personne enfermée à l'intérieur de Catacumbas.» Désinhibée de Emmanuelle Riendeau paru en 2018 aux éditions de l'Écrou. Born to be vulgaire, Emmanuelle Riendeau est une voix singulière et puissante de la poésie québécoise. L'autrice mixe Drake, Simone de Beauvoir et Miley Cyrus dans le texte. Maximum fun et derniers crachats, il serait facile de prendre au premier degré cette langue sauvage et indomptée. Outrageusement biographique, on y parle de sang froid, des femmes en marge, de baise, de dope, de boisson, de vomi, de tristesse, de solitude, de désamour et d'écriture, rappelant l'éructation d'autres Filles-missiles. Emmanuelle Riendeau pète des verres, altière et met ses tripes sur la table. Âpres et percutants, ses textes sont un chiffon rouge agité à la face des esprits tièdes aux mains baladeuses. Posture arrogante ou pas, l'autrice s'installe dans le paysage et ça fait du bien. Que la fureur soit sous les pancartes électorales ! I.N.D.I.S.P.E.N.S.A.B.L.E Extrait:« Shut'em all/vomir dangereusement/je vous attends à la sortie/de la librairie/un ouvre-bouteille/en guise d'argument.» Moebius 158 Un numéro très réussi est déjà en kiosque. La citation thème est tirée de Personne de Gwenaelle Aubry paru en 2009 aux éditions Mercure de France: «Filles, soeurs et complices de ceux qui vont pieds nus à l'envers de la vie». Le magazine réunit une diversité de textes autour de la résistance et de la révolte à des assignations que depuis toujours on attribue aux unes et aux autres. Ces femmes et complices évoluent à l'envers des pouvoirs, à l'envers des codes et préfèrent les enjeux de l'entre-deux, comme une danse qui interroge l'autre et l'inclut. On règle ses comptes et on désobéit. Dirigé par Chloé Savoie Bernard et Karianne Trudeau Beaunoyer, je vous recommande la lecture du nouveau Moebius, pour la richesse de tous ces textes, mais également, par choix personnel, celui, splendide, signé par Julie Delporte, dans sa Lettre à Patti O' Green. Extrait:« C'est d'ici que je regarde la catastrophe. Je compte les oiseaux qu'il nous reste. J'envoie des dessins à des poètes et des poèmes dans l'univers pour exister encore un peu. Sébastien B. Gagnon écrit qu'il connaît «des mots simples pour convaincre les oiseaux qu'ils pourront revenir.»» Julie Delporte, Lettre à Pattie O'Green, Moebius 158

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Mission encre noire 08 février
Émission du 7 février 2023
Mission encre noire tome 37 Chapitre 402. Cocorico, les gars, faut qu’on se parle par Mickael Bergeron paru en 2023 aux éditions Somme Toute. Il est plus que temps de reconnaître que rien n’est figé dans une société, que les choses bougent, que les comportement évoluent. Qui aurait cru, il y a 20 ans, qu’un mouvement social sans précédent allait naître via, notamment, les réseaux sociaux. En effet, la première campagne hashtag Mee Too en 2017 a changé la donne. De Balance ton porc à #MoiAussi, ces campagnes ont révélé l’ampleur systémique de la violence commises à l’égard des femmes. Dans cet essai édifiant à plus d’un titre, Mickael Bergeron se propose d’abattre l’arbre qui cache a forêt, de débroussailler quelques clichés au passage et de pénétrer dans l’antre de la bête: la masculinité toxique. Il est temps en effet de nous prendre en charge, nous les hommes, de se dire ça suffit; changeons de disque. Osons enfin, nous parler des affaires qui dérangent : l’image de la virilité, la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, dans les rôles professionnels ou sociaux, les sujets ne manquent pas. Loin d’être donneur de leçon, l’essayiste se met lui-même à nu, en multipliant les anecdotes personnelles et se garde bien de juger. Il est plus que temps de faire notre juste part aux côtés des féministes, qui elles, ne nous ont pas attendu pour s’affirmer. «Vous n’êtes pas tannés, les gars, de tout ce bordel» est-il écrit en préambule ? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mickael Bergeron.
60 min
Mission encre noire 01 février
Émission du 31 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 401. Le monde se repliera sur toi par Jean-Simon Desrochers paru en 2022 aux éditions Boréal. De prime abord, il serait possible de se demander comment lire ce monde pluriel qui se présente à nous. Comment se détacher du fil invisible qui relie les nombreux personnages pris individuellement, qui à force de rencontres, de coïncidences nous amènent à une lecture possible du monde d’aujourd’hui. Alors que Noémie, au sortir d’un mauvais rêve cherche encore ses mots et s’inquiète pour elle et sa fille, au chapitre suivant, celle-ci, à 12 ans, éconduit son premier amoureux, William, qui tente d’incarner un nouvel idéal de masculinité moins toxique. Au prochain chapitre, c'est sa professeure, Madame Claude qui en subira les conséquences. Elle découvre les rumeurs colportées à son sujet alors qu’elle apostrophe un idiot qui lui coupe la voie avec son VUS sur le pont en quittant Montréal, Pierre-Luc prendra toute une section de texte pour se venger...ainsi de suite. La galerie de portrait qui se déploie de Montréal à Tchernobyl, Paris, Philadelphie, Rio de Janeiro, Addis-Abeba, Christchurch et Chittorgarh, nous donne à lire les esquisses familières de trajectoires de vie qui sont autant d’étoiles filantes dans un ciel encombré et menaçant. L’auteur réussit le tour de force d’incarner plusieurs voix, plusieurs émotions, plusieurs destins de papier en mode mineur. Il en résulte un formidable casse-tête, à la mesure des moments de vie dérobés à la lucarne du monde en marche, nous offrant ainsi une profonde réflexion sur ce qui nous construit, sur les lieux qui nous habitent. Si le roman s’ouvre sur une mémoire qui flanche, il n’est pas garantie que le film réalisé avec un cellulaire au final y changera grand-chose. Le monde souffre d'un manque criant d'empathie. Il en meurt sans doute un peu chaque jour, à chaque chapitre ? D’ailleurs s’achève-t-il vraiment ce roman? J’accueille Jean-Simon Desrochers, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 25 janvier
Émission du 24 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 400. Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année qui s’annonce. Une année que je vous souhaite riche en découvertes d’auteurices et d’œuvres inspirantes. Mission encre noire repart pour une saison d’hiver, la 400 ème pour être précis. Correlieu de Sébastien La Rocque paru en 2022 aux éditions du Cheval d’août ouvre le bal. Ce roman nous invite à rejoindre, la Vallée-du-Richelieu, près de l’atelier du célèbre peintre du Mont-Saint-Hilaire Ozias Leduc,et plus particulièrement dans celui de Guillaume Borduas, un vieil ébéniste approchant les 70 ans. Formé à la vieille école, il accepte, malgré ses vieux principes, de recevoir en stage, Florence, qui veut reprendre le métier après avoir subi un accident de travail. Recommandé par la CSST, elle doit faire ses preuves, ce retour aux machines est progressif, après avoir été touché par une lame rendu folle dingue à plus de quatre mille tours par minute. Même s’il a toujours travaillé seul, elle le rejoint dans le silence d’un matin blafard au milieu des grésillements d’un vieux poste de radio et l’odeur des planches brutes de pin, de chêne rouge, de peuplier, d’érable ou de merisier. Comme chaque vendredi, elle devra faire la connaissance et refaire le monde avec les vieux mononcles, fidèles en amitié, de Guillaume, et grands consommateurs de caisses de bière. C’est dans le miracle de cet atelier et de ses correspondances sensorielles que Florence s’invite à découvrir un monde éternel, qui se meurt, fait de gestes communs à apprendre, à harmoniser son souffle au rythme d’une respiration à contre-temps d’une époque à bout-de souffle. Avons-nous affaire à de la nostalgie ou à une volonté de vivre autrement, sans faire trop de concession à une modernité dévorante ? Toujours est-il que l’écho de 2012 et du printemps érable s’immisce parfois entre les ramures du Mont-Saint-Hilaire et les odeurs de gasoil de motorisés gigantesques en balades. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Sébastien La Rocque.
60 min
Mission encre noire 21 décembre
Émission du 20 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 399. La faute à Pablo Escobar par Jean-Michel Leprince avec une préface de Bernard Derome, paru aux éditions Leméac. Bogotà la mal encarada des villes sud-américaine se trouve en haut d'un plateau andin. Le restaurant de l'hôtel Tequendama, où Jean-Michel Leprince a pris ses habitudes, a volé en éclats, sous une bombe des FARCS. en 2002. Si comme le souligne l’ex-présentateur de nouvelles, chef d’antenne et animateur de télévision Bernard Derome, La Colombie est le deuxième pays le plus riche de la planète en matière de biodiversité, elle est aussi l’un des pays les plus inégalitaire et violent. Tout commence, pour Jean-Michel Leprince, sous les bruits d’hélicoptères, de ceux qui tentent d’arracher des dizaine de personnes à la boue meurtrière qui a englouti la petite ville d’Armero due à l’éruption du volcan andin Nevado del Ruiz le 16 novembre 1985. Armero représente un baptême du feu grave pour le reporter spécialisé en politique étrangère et en défense nationale au Parlement d’Ottawa pour la télévision nationale de la Société Radio-Canada. La Colombie et l’Amérique latine vont devenir pour lui, depuis 37 ans maintenant, le lieu de découvertes et d’aventures inédites. Car voilà, ce pays, non seulement, reste un des rare en Amérique latine à avoir presque toujours connu une gouvernance démocratique, mais il s’est également construit sur la violence, le narcotrafic et la corruption. Un nom revient sur toute les lèvres, bien sûr, Pablo escobar ; une ville aussi, Medellin, qui battait les records du monde de meurtres sous son règne. Les écrits restent, dit-on, voici le livre d’une vie, la somme de plusieurs reportages, d’entrevues de terrain, publiés ici, contextualisés, dans le but de témoigner le plus précisément possible d'un mythe, de l'influence d'un homme sur un pays tout entier voire au-delà. Le journaliste grand-reporter nous offre un récit palpitant qui nous fait fréquenter les bas-fonds du crime organisé à l’échelle continental. J'accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jean-Michel Leprince.
60 min
Mission encre noire 14 décembre
Émission du 13 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 398. Von Westmount par Jules Clara paru en 2022 au éditions La mèche. Aline pointe en direction de la fenêtre, elle glisse le doigt vers le Saint-Laurent. Pour le reste, la vue est magnifique, ce versant de la montagne cachera néanmoins, toujours le quartier de sa famille. Elle se souvient, il y a un an déjà, comme chaque matin, sous un ciel gris du mois de décembre par – 24, elle embarquait pour ses quinze minutes d’autobus obligatoire. Elle appréhendait de commencer un nouvel emploi, dans un kiosque du marché de noël du centre-ville de Montréal, pour servir du vin chaud. Il lui fallait être aimable, dire merci/thank you plusieurs fois par jour à des touristes plus ou moins agréables, en espérant un pourboire improbable. Sourire et répondre parfait! à un chef d’équipe autoritaire et escroc étaient de rigueur. Il fallait bien payer les factures, le loyer et penser à son futur. Précisément son avenir immédiat étaient sombre, sa relation amoureuse avec James battait de l’aile et l'ambiance familiale ne valait guère mieux. Grâce à son amie Jasmine, elle travaille désormais pour une richissime famille russe, les Von Westmount, de leur vrai nom les Kroubetzkoy, pour s'occuper de leurs enfants, Alexander, Nikolas et la terrible Clémentine. L’autrice profite allègrement de ce portrait moderne d’une jeune femme ambitieuse chez les riches, pour inciser le canevas de nos soumissions quotidiennes si nécessaire au maintien d’une société inégalitaire. Ce n’est pas parce que la plume espiègle de l’autrice s’amuse à nous jouer des tours, à braquer la langue de Shakespeare, ou que le récit s’agite dans tous les sens, en territoire bourgeois, que nous ne sommes pas au centre du récit. Chacun.e en prend pour son grade. La rage couve, les murs de Wesmount tremblent, le feu menace au loin, l’autrice nous invite au pire, un verre de champagne à la main, le vin du diable. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jules Clara.
60 min