Mission encre noire
Émission du 27 février 2018
Mission encre noire Tome 22 Chapitre 276. XieXie de Michelle Deshaies paru en 2018 aux éditions David. Chine 1934. XieXie est une simple silhouette qui se détache sur la montagne, une de ses botte fleurie à la main, lorsque Rose débarque à Guilin. L'invasion de l'armée japonaise est encore une vaste rumeur, l'union des nationalistes du Kuomintang et des communistes de Mao, une bonne nouvelle. Raymond Vaughn, dirige la Lloews Coal Mining Corporation de Liverpool ici aux Guangxi. Il en tire certains privilèges dont celui d'engager XieXie à son service. À 300 miles de Guangzhou, la servante chinoise et le couple vont se prendre d'affection. Il naît une relation intime et de confiance plutôt inédite à cette époque. À la veille de la révolution communiste, les vents d'est et d'ouest se font déjà menaçant, la guerre approche. Il est temps de penser à fuir. Tous ? Osmanthus, ces arbustes aux fleurs blanches odorantes, évoquant le houx, plus communément appelé olivier à thé embaume le studio pour accueillir l'autrice, Michelle Deshaies à Mission encre noire.
Extrait:« Jim Fultergrass s'approche de Xiexie et lui demande de regarnir son assiette de sandwichs au boeuf et de salade de thon. XieXie s'apprête à le faire quand Rose s'approche - Jim, je peux vous aider moi-même ou demander à Quijong, notre servante, de le faire, car Xiexie est notre invitée ce soir - Ça ne me cause aucun problème, chère madame Vaughn, tant et aussi longtemps que je peux me remplir la panse de tout ce que vous avez à manger de si délectable. Indiscrètement, madame Vaughn, mangerons-nous ce soir à l'anglaise ? - Appelez-moi Rose, je vous en prie. - Alors Rose, il y a si longtemps que je n'ai goûté au plum-pudding. J'en rêve comme à la douceur humide du sexe d'une jeune chinoise. Garderez-vous encore Xiexie longtemps avec vous ou a-t-elle une jeune soeur ou amie qui pourrait servir dans ma maison avec autant de grâce et de savoir-faire que XiXie? - Jim, je vous en prie, XieXie est chez nous comme une amie. Elle fait partie de la famille. En ce sens, vos propos sont tout à fait déplacés. Vous avez déjà plusieurs jeunes filles qui veillent à vos besoins.»
L'été de Katya de Trevanian paru en 2017 aux éditions Gallmeister traduit de l'anglais par Emmanuele de Lesseps. Trevanian, aka Rodney Whitaker, est un des auteurs américains les plus mystérieux. Disparu en 2005, il laisse planer dans son sillon une aura de secret. L'été de Katya fait parti d'une réédition de ses oeuvres aux éditions Gallmeister. Ce thriller psychologique vient épaissir les ténèbres. La famille Tréville quitte précipitamment Paris pour s'installer près de Salies, aux Pays-Basques en France. Le jeune assistant du docteur Hippolyte Gros, Jean-Marc Montjean fait la connaissance des jumeaux Katya et Paul lors d'un banal accident de Bicyclette. La froideur de l'accueil du frère ne vaut que par la beauté ensorcelante de la soeur. Le jeune homme est conquis. Devenu ami de la famille, en dépit des bonnes manières, un lourd et douloureux secret hante leur hospitalité. Livre envoûtant, l'Été de katya détonne sur l'ensemble de la production de Trevanian. Le style surannée donne le ton juste d'une époque en sursis d'une des guerre les plus meurtrière de l'histoire en devenir.
Extrait:« Tandis que je marchais vers Salies sous un ciel bleu de Prusse constellé d'étoiles brillantes, paradis accessible, je songeais aux discordances de la soirée à Etcheverria: les joyeux bavardages du dîner face aux sombres avertissements de Paul ; la gaieté spontanée de Katya qui se divertissait d'un rien, de jeux de mots comme de cailloux, face à ses soudains accès de mélancolie rêveuse ; la gentillesse brouillonne de M. Tréville face à la peur de ses enfants qu'il n'apprenne mon affection pour Katya. C'était un tableau peint à moitié en aquarelle et à moitié au couteau avec des couleurs criardes. Et j'avais la conviction désagréable que c'était l'aquarelle qui était artificielle, tel un léger lavis recouvrant des portraits plus inquiétants.»
Stand by Saison 1 de Bruno Pellegrino, Aude Seigne et Daniel Vuataz, illustré par Frédéric Pajak paru en 2018 aux éditions Zoe. Prenez un équation simple: une catastrophe se déclare. Le paysage environnant se dégrade rapidement. Introduisez un groupe de personnages livré à lui-même. Mélangez. que reste-t-il ? En d'autres termes, voilà le défi lancé par les éditions Zoé à ces jeunes auteur-e-s membres de l'AJAR (association de jeunes écrivain-e-s suisses). Composer les quatre épisodes d'une première saison d'un feuilleton littéraire, rappelant les faits d'armes des illustres feuilletonistes George Sand, Balzac ou Zola. Une éruption volcanique géante du côté de Naples vient modifier rapidement l'écosystème d'une partie de la planète. Trois groupes de personnages se retrouvent bloqués. Alix à Paris/Roissy, Une jeune équipe européenne de recherche au Groenland et Nora, Virgile et Vasco en visite au Monténégro pour ouvrir un testament. Comment rentrer chez soi ? Cette première saison tient toutes ses promesses: rebondissement, point tournant, fin ouverte...peut-être même y retrouverez-vous l'ambiance de vos séries télévisées préférées, telles Walking dead, Breaking Bad ou les Revenants ? Le défi est lancé, À vous de le relever.
Extrait:« Il est trois heures du matin, le milieu d'une nuit d'octobre au Groenland. La baie de Melville, côté Canada, est peut-être striée de reflets bleu profond. À soixante kilomètres de la côte ouest, les lumières de Clim Camp clignotent. Dans cette base affrétée par le service climatique européen, des jeunes hommes et femmes venus de tout le continent effectuent leur quota de jours obligatoire, sous la houlette d'un instructeur agréé. cette année, ils sont cinq à avoir passé l'automne à Clim camp, rejoints il y a dix jours par un autre groupe, ceux de Summit, eux aussi en fin de mission. Tout le monde est regroupé pour attendre l'avion qui doit les ramener à la maison.»
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Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.