Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 4 décembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 299. Le syndrome de Takotsubo de Mireille Gagné paru en 2018 aux éditions Sémaphore. Le syndrome de Takotsubo, traduit littéralement par le piège à poulpe, est un phénomène de cardiomyopathie ou plus simplement un dysfonctionnement du muscle cardiaque. C'est un syndrome des coeur brisés, un phénomène observé par des cardiologues japonais dans les années 90. Mireille Gagné s'empare de cette singularité pour nourrir un recueil de dix-sept nouvelles tentaculaires. Le coeur bien accroché, il se peut que le vôtre se pâme devant tant d'honneur alloué. Méfiez-vous, ici, il se joue tour à tour, briseurs de rêve, là, bourreau aveugle ; ou encore, muscle de mémoire, en fuite prêt à exploser, voire même, désir de peau. Et si, pour certain.e.s, le pire reste à venir pour d'autres il y a l'espoir d'atteindre l'équilibre parfait. Bouleversante, baroque ou insolite, l'animalité s'immisce dans la poésie de l'autrice, alors que l'immensité est envahi par ces milliers d'oies blanches «coulant le ciel comme du sang dans les veines». Nous accueillons Mireille Gagné à Mission encre noire. Extrait: «Il est né dans le mauvais corps, juste un peu de travers, juste assez pour se sentir de trop. Ni fille ni garçon, quelque part entre les deux, dans un fuseau horaire différent des autres, le coeur déjà brisé. Insulaire, il a grandi entouré d'eau et de commérages. Très tôt, il a compris qu'il devait mentir pour survivre, personnifier la force, jouer avec les siens, se chamailler, la guerre, avec la bouche, le bruit des mitraillettes, la chasse, il a réussi à incarner son personnage à la perfection, même si tout semblait sur le point de fendre à l'intérieur.» Francoeur de Mathieu Blais paru en 2018 aux éditions Leméac. L'étoile a pleuré rose au coeur des oreilles de Francoeur lorsqu'il apprend que sa Rosemarie est tombé pour un Hells du chapitre de Sorel. C'est qu'il l'aime sa perle, assez pour défoncer le local du club de motard où elle travaille. Et de se retrouver en dedans au pénitencier de Saint-Anne-les-Bains. Et puis, lui, de Rimbaud, il s'en fout, c'est Jacques Mesrine qui l'habite. Il connaît tout de son livre de voyou, L'instinct de mort, à défaut d'en être un vrai. Et si Francoeur est l'homme saigné noir, à mort, qui gît sur le carrelage des douches c'est pour elle qu'il pleure, toujours. Bronco nous raconte son histoire, ce type incroyable, qui surjoue le dur à cuire. Pas trop fort, ça pourrait lui attirer des ennuis. Mathieu Blais est un observateur aigu des dépossédés, des espoirs cabossés dans un univers malsain, étouffant et clos. La bise qui siffle sur le gibet noir de l'amour hideux du baladin Francoeur est racontée au ras des hommes, usant de l'argot âpre des prisons. La poésie sèche de Mathieu Blais habille à merveille cet amour manchot, et nourri les plus belles fleurs (du mal) de son imagination. fortement conseillé. Extrait: «C'était un des gars de la D qui tiquait sur un détail, semblait même s'étonner qu'une merde comme Francoeur puisse un jour avoir eu du succès en amour. Et, comme les gars de la D, je me crissais pas mal de son histoire de plotte. Mais on avait écouté, écouté jusqu'au bout. Il racontait comme si la terre allait s'ouvrir sous lui et que tout le feu de l'enfer allait venir lui lécher le cul et les couilles. francoeur n'a pas répondu de vive voix, mais il a pris un chandail dans un des piles et il l'a étendu sur comptoir. Il y avait une tâche de café dans le grincement et le claquement des machines, à l'abri du regard des screws, il a simplement passé le plat de sa main très lentement sur la tâche qu'on a tous vue disparaître. Et je crois bien avoir vu un gars de la D se signer, alors que tous nos visages s'illuminaient itou, comme le visage de sa Rosemarie ce jour-là. Et à partir de là, à partir de ce moment précis, la légende de Francoeur a commencé à se fixer plus solidement dans les murs de Sainte-Anne-les-Bains. Et les problèmes, à lui pendre au bout du nez.» Les villes de papier de Dominique Fortier paru en 2018 aux éditions Alto. La «dame en blanc», Emily Dickinson est né à Amherst en 1830 dans le Massachusetts. Elle n'aura publié de son vivant, qu'une dizaine de poèmes et certains de façon anonymes. Reconnu comme un des autrices les plus importantes du dix-neuvième siècle, Emily habite son monde de son salon face à sa fenêtre. même si elle trouve le monde noir et compliqué, elle passe de longues heures, dans sa solitude, décrire sur ses pages blanches tout ce qui n'existe pas encore des émotions et des territoires intimes qui peuplent son crâne. Dominique Fortier prend soin de rassembler des effluves d'il y a un siècle et demi pour peindre un portrait délicat et vibrant cultivé à même certains épisodes de la vie de la poète ou d'extraits de sa correspondance. L'autrice capture avec grâce et simplicité, la flamme poétique qui éclaire ses écrits et son mythe. Autrement dit, il se peut que vous humiez le parfum suave du troène, celui de la menthe ou du jasmin, au long de votre lecture. C'est de cette encre qu' Emily Dickinson a nourri ses livres. Dominique Fortier en dispose, ici, quelques spécimens rares choisi à même ses souvenirs. Extrait: «Les rayons d'or déferlent en coulées de miel par la fenêtre. La lumière d'après-midi est si épaisse qu'Emily a l'impression d'être une abeille prise dans de l'ambre. Dans la maisonnée Dickinson, chacun vaque à ses affaires. Père se prépare en vue d'une rencontre avec un client important ; Mère est très occupée par ses migraines ; Austin repasse sa leçon de grammaire ; tandis qu'Emily, là-haut dans sa chambre, écrit une lettre à quelqu'un qui n'existe pas. Si elle a assez de talent, il finira par apparaître. Les mots sont de fragiles créatures à épingler sur le papier. Ils volent dans la chambre comme des papillons. Ou bien ce sont des mites échappées des lainages - des papillons à qui manquent la couleur et l'esprit d'aventure.»  

Feuille de route

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Mission encre noire 08 février
Émission du 7 février 2023
Mission encre noire tome 37 Chapitre 402. Cocorico, les gars, faut qu’on se parle par Mickael Bergeron paru en 2023 aux éditions Somme Toute. Il est plus que temps de reconnaître que rien n’est figé dans une société, que les choses bougent, que les comportement évoluent. Qui aurait cru, il y a 20 ans, qu’un mouvement social sans précédent allait naître via, notamment, les réseaux sociaux. En effet, la première campagne hashtag Mee Too en 2017 a changé la donne. De Balance ton porc à #MoiAussi, ces campagnes ont révélé l’ampleur systémique de la violence commises à l’égard des femmes. Dans cet essai édifiant à plus d’un titre, Mickael Bergeron se propose d’abattre l’arbre qui cache a forêt, de débroussailler quelques clichés au passage et de pénétrer dans l’antre de la bête: la masculinité toxique. Il est temps en effet de nous prendre en charge, nous les hommes, de se dire ça suffit; changeons de disque. Osons enfin, nous parler des affaires qui dérangent : l’image de la virilité, la paternité, l’idéal masculin dans le sport ou dans les forces armées, les attentes dans les relations amoureuses ou dans la sexualité, dans les rôles professionnels ou sociaux, les sujets ne manquent pas. Loin d’être donneur de leçon, l’essayiste se met lui-même à nu, en multipliant les anecdotes personnelles et se garde bien de juger. Il est plus que temps de faire notre juste part aux côtés des féministes, qui elles, ne nous ont pas attendu pour s’affirmer. «Vous n’êtes pas tannés, les gars, de tout ce bordel» est-il écrit en préambule ? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mickael Bergeron.
60 min
Mission encre noire 01 février
Émission du 31 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 401. Le monde se repliera sur toi par Jean-Simon Desrochers paru en 2022 aux éditions Boréal. De prime abord, il serait possible de se demander comment lire ce monde pluriel qui se présente à nous. Comment se détacher du fil invisible qui relie les nombreux personnages pris individuellement, qui à force de rencontres, de coïncidences nous amènent à une lecture possible du monde d’aujourd’hui. Alors que Noémie, au sortir d’un mauvais rêve cherche encore ses mots et s’inquiète pour elle et sa fille, au chapitre suivant, celle-ci, à 12 ans, éconduit son premier amoureux, William, qui tente d’incarner un nouvel idéal de masculinité moins toxique. Au prochain chapitre, c'est sa professeure, Madame Claude qui en subira les conséquences. Elle découvre les rumeurs colportées à son sujet alors qu’elle apostrophe un idiot qui lui coupe la voie avec son VUS sur le pont en quittant Montréal, Pierre-Luc prendra toute une section de texte pour se venger...ainsi de suite. La galerie de portrait qui se déploie de Montréal à Tchernobyl, Paris, Philadelphie, Rio de Janeiro, Addis-Abeba, Christchurch et Chittorgarh, nous donne à lire les esquisses familières de trajectoires de vie qui sont autant d’étoiles filantes dans un ciel encombré et menaçant. L’auteur réussit le tour de force d’incarner plusieurs voix, plusieurs émotions, plusieurs destins de papier en mode mineur. Il en résulte un formidable casse-tête, à la mesure des moments de vie dérobés à la lucarne du monde en marche, nous offrant ainsi une profonde réflexion sur ce qui nous construit, sur les lieux qui nous habitent. Si le roman s’ouvre sur une mémoire qui flanche, il n’est pas garantie que le film réalisé avec un cellulaire au final y changera grand-chose. Le monde souffre d'un manque criant d'empathie. Il en meurt sans doute un peu chaque jour, à chaque chapitre ? D’ailleurs s’achève-t-il vraiment ce roman? J’accueille Jean-Simon Desrochers, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 25 janvier
Émission du 24 janvier 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 400. Je vous présente mes meilleurs vœux pour cette année qui s’annonce. Une année que je vous souhaite riche en découvertes d’auteurices et d’œuvres inspirantes. Mission encre noire repart pour une saison d’hiver, la 400 ème pour être précis. Correlieu de Sébastien La Rocque paru en 2022 aux éditions du Cheval d’août ouvre le bal. Ce roman nous invite à rejoindre, la Vallée-du-Richelieu, près de l’atelier du célèbre peintre du Mont-Saint-Hilaire Ozias Leduc,et plus particulièrement dans celui de Guillaume Borduas, un vieil ébéniste approchant les 70 ans. Formé à la vieille école, il accepte, malgré ses vieux principes, de recevoir en stage, Florence, qui veut reprendre le métier après avoir subi un accident de travail. Recommandé par la CSST, elle doit faire ses preuves, ce retour aux machines est progressif, après avoir été touché par une lame rendu folle dingue à plus de quatre mille tours par minute. Même s’il a toujours travaillé seul, elle le rejoint dans le silence d’un matin blafard au milieu des grésillements d’un vieux poste de radio et l’odeur des planches brutes de pin, de chêne rouge, de peuplier, d’érable ou de merisier. Comme chaque vendredi, elle devra faire la connaissance et refaire le monde avec les vieux mononcles, fidèles en amitié, de Guillaume, et grands consommateurs de caisses de bière. C’est dans le miracle de cet atelier et de ses correspondances sensorielles que Florence s’invite à découvrir un monde éternel, qui se meurt, fait de gestes communs à apprendre, à harmoniser son souffle au rythme d’une respiration à contre-temps d’une époque à bout-de souffle. Avons-nous affaire à de la nostalgie ou à une volonté de vivre autrement, sans faire trop de concession à une modernité dévorante ? Toujours est-il que l’écho de 2012 et du printemps érable s’immisce parfois entre les ramures du Mont-Saint-Hilaire et les odeurs de gasoil de motorisés gigantesques en balades. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Sébastien La Rocque.
60 min
Mission encre noire 21 décembre
Émission du 20 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 399. La faute à Pablo Escobar par Jean-Michel Leprince avec une préface de Bernard Derome, paru aux éditions Leméac. Bogotà la mal encarada des villes sud-américaine se trouve en haut d'un plateau andin. Le restaurant de l'hôtel Tequendama, où Jean-Michel Leprince a pris ses habitudes, a volé en éclats, sous une bombe des FARCS. en 2002. Si comme le souligne l’ex-présentateur de nouvelles, chef d’antenne et animateur de télévision Bernard Derome, La Colombie est le deuxième pays le plus riche de la planète en matière de biodiversité, elle est aussi l’un des pays les plus inégalitaire et violent. Tout commence, pour Jean-Michel Leprince, sous les bruits d’hélicoptères, de ceux qui tentent d’arracher des dizaine de personnes à la boue meurtrière qui a englouti la petite ville d’Armero due à l’éruption du volcan andin Nevado del Ruiz le 16 novembre 1985. Armero représente un baptême du feu grave pour le reporter spécialisé en politique étrangère et en défense nationale au Parlement d’Ottawa pour la télévision nationale de la Société Radio-Canada. La Colombie et l’Amérique latine vont devenir pour lui, depuis 37 ans maintenant, le lieu de découvertes et d’aventures inédites. Car voilà, ce pays, non seulement, reste un des rare en Amérique latine à avoir presque toujours connu une gouvernance démocratique, mais il s’est également construit sur la violence, le narcotrafic et la corruption. Un nom revient sur toute les lèvres, bien sûr, Pablo escobar ; une ville aussi, Medellin, qui battait les records du monde de meurtres sous son règne. Les écrits restent, dit-on, voici le livre d’une vie, la somme de plusieurs reportages, d’entrevues de terrain, publiés ici, contextualisés, dans le but de témoigner le plus précisément possible d'un mythe, de l'influence d'un homme sur un pays tout entier voire au-delà. Le journaliste grand-reporter nous offre un récit palpitant qui nous fait fréquenter les bas-fonds du crime organisé à l’échelle continental. J'accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jean-Michel Leprince.
60 min
Mission encre noire 14 décembre
Émission du 13 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 398. Von Westmount par Jules Clara paru en 2022 au éditions La mèche. Aline pointe en direction de la fenêtre, elle glisse le doigt vers le Saint-Laurent. Pour le reste, la vue est magnifique, ce versant de la montagne cachera néanmoins, toujours le quartier de sa famille. Elle se souvient, il y a un an déjà, comme chaque matin, sous un ciel gris du mois de décembre par – 24, elle embarquait pour ses quinze minutes d’autobus obligatoire. Elle appréhendait de commencer un nouvel emploi, dans un kiosque du marché de noël du centre-ville de Montréal, pour servir du vin chaud. Il lui fallait être aimable, dire merci/thank you plusieurs fois par jour à des touristes plus ou moins agréables, en espérant un pourboire improbable. Sourire et répondre parfait! à un chef d’équipe autoritaire et escroc étaient de rigueur. Il fallait bien payer les factures, le loyer et penser à son futur. Précisément son avenir immédiat étaient sombre, sa relation amoureuse avec James battait de l’aile et l'ambiance familiale ne valait guère mieux. Grâce à son amie Jasmine, elle travaille désormais pour une richissime famille russe, les Von Westmount, de leur vrai nom les Kroubetzkoy, pour s'occuper de leurs enfants, Alexander, Nikolas et la terrible Clémentine. L’autrice profite allègrement de ce portrait moderne d’une jeune femme ambitieuse chez les riches, pour inciser le canevas de nos soumissions quotidiennes si nécessaire au maintien d’une société inégalitaire. Ce n’est pas parce que la plume espiègle de l’autrice s’amuse à nous jouer des tours, à braquer la langue de Shakespeare, ou que le récit s’agite dans tous les sens, en territoire bourgeois, que nous ne sommes pas au centre du récit. Chacun.e en prend pour son grade. La rage couve, les murs de Wesmount tremblent, le feu menace au loin, l’autrice nous invite au pire, un verre de champagne à la main, le vin du diable. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Jules Clara.
60 min