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Mission encre noire

Émission du 31 octobre 2017

Mission encre noire Tome 21 Chapitre 264. Animitas de Nicholas Dawson paru en 2017 aux éditions La mèche. Animitas: édicules, petites constructions isolées dans l'espace public. Une famille chilienne fuit le régime et pose ses valises sur la rue Ontario à Montréal en 1990. Dans leur bagages se trouvent des silences, des coutumes, des larmes, une langue qui parfois menace de les engloutir. Et pourtant, sous le regard de ses parents, de son frère et de sa soeur, l'enfant s'invente une nouvelle vie, à Hochelaga et en banlieue, à Brossard. Parfois baroque tantôt flamboyant, plus tard lourd et oppressant, Animitas est traversé de la rumeur du déracinement, cette charge qui colore les esprits d'une génération à l'autre. Nicholas Dawson ouvre une fenêtre sur l'éclatement que peut provoquer la roche de l'exil au fond de la bottine de cette famille de réfugiés. De Nine Inch Nails, de Madonna ou de Bowie, de valparaiso au désert d'Atacama, Nicholas Dawson vient nous jaser des vérités folles de l'adolescence qui traversent son très réussi roman/animitas. Il est notre invité ce soir à Mission encre noire. Extrait:«L'enfant se souvient des maintes fois où son père parlait des autres là-bas, de ceux qui attendront éternellement leur retour. Il l'entend souvent dire qu'ils peuvent bien attendre, qu'il ne remettra jamais les pieds là, qu'ils devront venir le chercher de force pour le replacer dans ce pays maudit, tout comme, de force, il l'a quitté. L'enfant se dit alors qu'ils sont venus le chercher, qu'il est parti. Il croit que l'éclatement inévitable de sa famille se produit déjà par un départ de son père vers le Chili. Il ne s'étonne pas de son calme. Il parvient à cette conclusion sans drame, sans inquiétude. Au contraire, il est apaisé, il se sent libre. Le parc se remplit peu à peu de ses créatures, et l'enfant est le seul à sourire.» Une toile large comme le monde de Aude Seigne paru en 2017 aux éditions Zoé. L'internet existe vraiment ! Vous le saviez j'imagine. Ce vulgaire câble noir jeté comme un sac de noeuds autour du globe, C'est lui ! Anonyme et silencieux, il assure l'essentiel de nos échanges électroniques, autant dire l'avenir de la planète. Cependant, une petite communauté d'internautes dispersée autour du globe planifie un sabotage généralisé du Worl Wide Web. Ce récit choral et éclaté n'est pas un roman d'anticipation. Aude Seigne dissèque froidement le cadavre encore chaud de l'internet, le bras armé, polluant, aliénant et énergivore du progrès. Ce roman génial nous garde bien les pieds sur terre, le style est concis et le ton convaincant. Voici un portrait glaçant d'une génération qui est née avec l'internet, un compagnon privilégié du réveil au couché. Extrait:«Samuel est le seul à connaître l'existence de FLIN et de ses cousins, qui, dans la région de Baotou, sont peu nombreux, étroits, fragiles, ankylosés dans le sol aride. Il l'a constaté dès son arrivée, soupirant devant la lenteur du wifi de l'hôtel, tâchant de compenser par la réflexion. Comment se fait-il que la région soit si peu connectée alors que la plupart des matériaux qui constituent internet - le germanium des fibres optiques, l'indium des écrans tactiles - viennent d'ici ? Si l'adolescent à ses côtés lui posait la question, Samuel lui parlerait probablement des terres rares. Comme il le fait dans les colloques où il croise cette Birgit qu'il trouve sympathique, il préciserait qu'elles ne sont pas si rares, mais qu'elles sont difficiles à localiser en grande quantité, puis à isoler chimiquement, et que leur processus d'extraction est très polluant. Il ne sait pas ce que représente Baotou pour ce garçon trop bien habillé pour y habiter, mais il conclurait, quand même, sur la spécificité phénoménale de la région: ici, les terres rares sont presque toutes présentes et couvrent la moitié des besoins de la planète.» Le corps des ruines de Juan Gabriel Vasquez paru en 2017 aux éditions du Seuil. On ne s'attend pas vraiment à ce qu'un morceau de calotte crânienne datant de 1914 et un morceau de vertèbre de 1948 viennent perturber la marche inexorable de l'Histoire. Juan Gabriel Vasquez se met en scène, un de ses amis, le docteur Benavides, vient appuyer son propos avec ces preuves. Ces restes humains appartiennent à des personnalités célèbres du monde politique colombiens, à des hommes assassinés. L'histoire de la Colombie est un fatras de mensonges, Carlos Carballo en est intimement convaincu. Il se présente, un brin farfelu et miné par les nombreuses théorie du complot qu'il rumine depuis toujours. Est-ce que l'écrivain et essayiste Juan Gabriel Vasquez va se laisser tenter de dévoiler la vérité au monde entier ? De J-F Kennedy à la princesse Diana, de Rafael Uribe Uribe à Jorge Eliecer Gaitan, l'auteur creuse le socle de la mémoire enfoui sous la croûte apparente de l'Histoire officielle. Le corps des ruines est un thriller politique aux mailles étroites. C'est aussi un objet fascinant ou tous les coups sont permis. Extrait:«Non, on n'échappe pas à la violence colombienne, j'aurais dû le savoir. Personne n'y arrive, d'autant moins les gens de ma génération, qui ont vu le jour en même temps que le trafic de drogue et sont devenus des adultes quand le pays sombrait dans le sang répandu par la guerre que Pablo Escobar lui avait déclarée. On peut quitter le pays, comme je l'ai fait en 1996, et croire qu'on laisse ces réalités derrière soi, mais on se trompe, tout le monde se trompe. Je serai toujours surpris par le maître que la vie a choisi de placer sur ma route pour m'enseigner cette leçon qu'il aurait pu me dispenser de nombreuses autres manières.»

Feuille de route

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Mission encre noire 07 décembre
Émission du 6 décembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 397. Un homme et ses chiens par Marc Séguin paru en 2022 aux éditions Leméac. Que faut-il donc pour qu'un homme se dise presque heureux ? Dans sa vie, il a eu ses chiens, Mujo son premier, il avait sept ans, son confident. Easter, Goose et Maya suivront. Dès ses 4 ans, il a souhaité la fin du monde. Ne sachant trop quoi faire de cette euphorie soudaine, il détruit ses modèles complexes pour pouvoir les reconstruire. Plus tard, il fuira le monde et ses conventions à travers les drogues, puis les livres. Il aura connu l’amour, à plusieurs reprises, malgré sa sauvagerie. Sans cynisme, il constatera son incapacité à partager son quotidien bien longtemps. Ce qu'il cherche est plus grand que soi, une façon de vivre qui pourrait taire sa colère intérieure. Il restera à Anticosti plusieurs années, puis sur l’île aux Naufrages. Il deviendra guide de chasse, avec ses chiens, pour accompagner de riches américains, des français ou des anglais. Néanmoins, la question demeure: que faire de ses forces obscures qui le bousculent ? Comment apaiser ses rapports amoureux ? Marc Séguin nous présente le portrait tout en nuances d’un homme qui s’inscrit en rupture de la société. Lui qui aimerait tant ajouter un chapitre de bonheur véritable à l’histoire de sa vie, même s’il juge le quotidien définitivement trop triste. Pourtant si l’humanité court à sa perte, à quoi cela sert-il de vouloir encore aimer, pour de vrai, en grand, jusqu’à la douleur peut-être? Si par un ciel clair, il est encore possible de voir des étoiles filantes aujourd’hui, parfois elle nous attire comme un mauvais rêve, loin du vide. Pour nous signifier que nous ne sommes pas seul au monde. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire Marc Séguin.
60 min
Mission encre noire 30 novembre
Émission du 29 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 396. Les allongées par Jennifer Bélanger et Martine Delvaux paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Les deux autrices confessent être prise en otage par des douleurs et des fatigues chroniques, si brutales parfois, à vous laisser le souffle court. Comment témoigner de ce qui échappe au regard, de ce qui ne se partage pas,voire jamais ? À quoi ressemble le monde vu d’un lit, cet étrange objet, lieu grave s’il en est, lieu de naissance, de passion, de désir, de mort, de souffrance et aussi d’oubli. Car voilà, comment peux-t-on avoir une vie quand on la subit couchée? Martine Delvaux et Jennifer Bélanger s’entourent d’autres femmes, écrivaines, artistes, amies, mères, filles, amantes et soignantes pour rendre hommage à toutes celles qui plient sans doute un peu plus chaque jour sous le poids de leur plaies et blessures ; les accidentées, les insomniaques, les survivantes et qu’on invisibilise encore trop souvent. Les voix de ces femmes qui luttent, se rebellent, s’arc-boutent devant un monde qui préfère les reléguer aux rôles de paresseuses, d’hystériques ou de martyres cinglent les pages de ce court essai. Même si leurs corps les obligent à ralentir, les deux autrices ne renoncent surtout pas à redonner une voix à celles laissées pour mortes. Pour toute une famille élargie de résistantes, il reste le rêve et l’écriture d’autres récits, j’accueille, à Mission encre noire, Jennifer Bélanger et Martine Delvaux.
60 min
Mission encre noire 23 novembre
Émission du 22 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 395. J’étais un héros de Sophie Bienvenu paru en 2022 aux éditions Le Cheval d’août. Yvan, 62 ans et Miche, sa colocataire-sa blonde, se retrouvent démuni.e.s aux urgences d’un hôpital pour recevoir un diagnostic sans appel. Yvan a passé sa vie à se détruire, Miche aussi d’ailleurs, étant devenue alcoolique comme lui. Il est tout seul, il l’a toujours été, sa vie aura été ça : un amas d’affaire ratées et d’occasions perdues. Ça fait 20 ans qu’il n’a pas revue Gabrielle, sa fille. Il ne lui a même jamais donner son numéro de téléphone.Que pourraient-ils se dire de toute manière? Pourtant dans le temps, il était son héros. C'est lui qui le dit. Son rire d'enfant faisait de lui un surhomme. Heureusement, aujourd'hui il lui reste encore un chat trouvé dans les poubelles et Miche qui l'ennuie. Il fait ce qui lui tente l'animal, il est libre, il est maître de son destin. Ça lui plaît ça, à Yvan. Rien n'est moins vrai. Sophie Bienvenu nous dévoile le portrait d’un homme blanc, d’un baby boomer, prisonnier des rôles qu’il s’est imposé. Il vient d'une génération qui se sait malhabile avec les émotions et qui préfère encore les silences ou les baisers de feu de l’ivresse pour colmater les cicatrices du passé. Enfant quand on a le goût de pleurer devant Lassie, de jouer avec les petites filles à la poupée, et, plus tard, de vouloir porter des pantalons rouges comme Bowie, ça marque quand même son homme. Que reste-t-il de tout cela au final? Comment enfin prendre la parole avec sa fille? Peut-on pardonner après si longtemps? Je reçois Sophie Bienvenu, ce soir à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 09 novembre
Émission du 8 novembre 2022
Mission encre noire Tome 36, Chapitre 394. Niagara par Catherine Mavrikakis paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Ici nous sommes en présence de la voix de la narratrice au pied des célèbres chutes, l'eau et ses remous se déchaînent. Elle guette encore au bord du parapet l’apparition improbable de la silhouette fantomatique de sa mère, morte depuis belle lurette, dérivant au long des rives des grands fleuves du continent américain. Car voilà, ce deuil, éveille en elle, un rêve insensé, que ce soit à partir des photos de son enfance, lors d’une première visite à Niagara en 1964, ou bien à la suite d'une citation de marguerite Duras, la narratrice voit encore et encore, le corps aimant disparaître sous les écumes et rejoindre les berges du Mississippi. Marquée par le séisme provoqué par cette perte, elle y puise une inspiration inédite, qui, sur le modèle de François-René de Châteaubriant, ou est-ce peut-être Flaubert, Mallarmé ou même Jeff Buckley et bien d’autres, lui permet d’élaborer de véritables Mémoires d’outre-tombe. Se dessine, alors, sous la plume espiègle et badine de l’autrice, un portrait tout aussi jouissif que douloureux, de ce qui fonde, il faut bien se l’avouer, un héritage littéraire. Plouf, donc, sillonnant le territoire nord américain des songes, Catherine Mavrikakis s’amuse à dégringoler ces chutes, car c’est à Niagara qu’elle contracté la maladie de la mort. De quoi s’agit-il au juste? J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Catherine Mavrikakis.
60 min
Mission encre noire 18 octobre
Émission du 18 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 393. Candy par Benjamin Gagnon Chainey paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Lorsque la nuit se drape de faux-semblants, Candy, drag queen, multiplie les numéros au cabaret Rocambole à Villecresnes. Dans sa loge, elle se prépare à la gloire, à danser et à chanter en pleine lumière. Thierry meurt un peu plus chaque nuit pour laisser éclore la glamoureuse étoile qui naît sous les yeux ébahis de la foule en délire. Et si le cabaret commence à bander, c’est pour son Mathurin qu’elle tremble. C’est pour lui qu’elle chante, c’est pour lui qu’elle va fuir ces bas-fonds. Mathurin et sa femme fatale vont se déguiser en courant d’air et mettre le cap sur le paradis en talons haut. Une ombre distordue les attend, cependant, au détour d’une rue. Une hideuse vieillarde, porteuse de malheur, qui ricane et toussote. Ils commettront leur premier meurtre. Déclarés coupables, les amants briseront pourtant leur chaîne et ils s’uniront pour le pire car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Conte d’amour pour adultes et vacciné.e.s, cette cavale du tonnerre déroule son tapis rouge avec style et emphase, dans les plis duquel, il se pourrait, que l’éternelle Divine de Jean Genet se prenne les pieds. Candy, la vie contée d’une Notre-Dame-des-Fleurs enceinte d’un fruit d’amour impossible, devient un fascinant lieu de passages entre les identités, la réalité et la fantasmagorie. En route, donc, pour l’Eden. Faites gicler strass et paillettes, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Benjamin Gagnon Chainey.
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