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Mission encre noire

Émission du 25 juillet 2017

Mission encre noire Tome 20 Chapitre 258 C'est la dernière émission de la saison. Avant de vous retrouver à la rentrée en septembre, voici un épisode des plus fourni. A broken Hallelujah Rock and roll, rédemption et vie de Leonard Cohen de Liel Leibovitz paru en 2017 aux éditions Allia. Leonard Cohen occupe une place à part dans le panthéon Montréalais. Liel Leibovitz vous propose une lecture décalée de l'artiste, aussi éloignée de la simple biographie que possible. Né d'une famille juive canadienne, Leonard Cohen est un voyageur qui embrassera la poésie de Garcia Lorca, l'érotisme, le judaïsme et le boudhisme zen dans une quête de sens perpétuelle. Ce livre est habité de toute part, il vous immerge dans plusieurs époques aux côtés de nombreux artistes, par le moyen d'extraits de textes choisis et d'archives personnelles du chanteur/poète/romancier. L'entreprise séduit. Non content de tenir un magnifique objet, vous partagerez les émotions et les réflexions d'un homme qui aura marqué de son empreinte plusieurs générations. Ce livre se respire, s'écoute et se rejoue à volonté. Extrait:«Il existe une autre histoire bien plus vraisemblable, sans sexe celle-ci, mais liée à Bob Dylan. Un jour de 1965, Cohen découvre le jeune poète juif, de près de dix ans son cadet, et il est fasciné par ses textes énigmatiques et habités. Pendant l'entretien qu'il accorde à Adrienne Clarkson, il prend le temps de citer sans raison particulière un vers de «Mr Tambourine Man», dans lequel Dylan parle de se fondre dans son propre cortège. Lorsqu'il se rend à une réunion de poètes canadiens, bien arrosée, une semaine après le jour de l'an 1966, il n'a que Dylan à la bouche.» Équateur d'Antonin Varenne paru en 2017 aux éditions Albin Michel. Équateur n'est pas une suite, cependant, Peter Ferguson est un personnage échappé du roman Trois mille chevaux vapeur paru en 2014 chez Albin Michel. Nous sommes en 1871, la guerre de Sécession vient de s'achever. Pete est en fuite vers le sud. Il a incendié un bureau du Land Office au Nebraska, tué un homme au Nevada, il se retrouve au milieu de chasseurs de bisons, il y trouvera une destination: l'Équateur. Parmi les Comancheros, sur la frontière mexicaine, il rencontrera l'amour et un destin à suivre. Truands, dictateurs, révolutionnaires, marins, amérindiens, mercenaires, sont des compagnons de première main pour partager ce récit de voyage qu'il consigne soigneusement dans un carnet avant de se le faire tatouer sur le corps. L'amazonie souillera d'humidité vos pages trop blanches, tandis que l'aridité du Nevada vous déssèchera le gosier. Équateur est une formidable odyssée poétique. Extrait:«Le temps. Quand les Espagnols sont arrivés, la vallée était déjà désertée et en ruine. Les Xincas vivaient en petites communautés dans la région et parlaient une langue qui n'était pas celle des grands Mayas. On a pensé qu'ils étaient les derniers représentants de cette civilisation mais au fond personne n'en sait rien. Peut-être n'étaient-ils qu'une caste de guerriers dans cet empire, qui avec leur religion ont aujourd'hui oublié l'art de la guerre. Maria est la seule chose à laquelle ils croient qui ne soit pas un souvenir déformé, la fille d'un chef devenu une légende, leur dernier lien avec le passé.» J'ai été Johnny Thunders de Carlos Zanon paru en 2016 aux éditions Asphalte.Frankie de son vrai nom Francis revient vivre chez son père. Obèse et dépendant aux drogues dures, Francis ne se remet que difficilement de ses années d'excès dans le milieu du rock des nuits barcelonaises. Il était le roi courtisé des ruelles sombres et mal fréquentées. Il vivra son état de grâce en jouant aux côtés de l'ex star déchue des New York Dolls. Vingt ans plus tard, il est fauché et cherche à se refaire pour payer les pensions alimentaires en retard pour ses enfants. Son passé trouble finira par le rattraper. Carlos Zanon se fait chroniqueur des quartiers mal chaussés de la capitale catalane et nous offre un regard sur le rock et un monde qui refuse encore de s'uniformiser. Extrait:«Heron city est un petit îlot de commerces, de loisirs et de multiplexes situé en bordure de la Meridiana, une voie rapide à la sortie de Barcelone. On y trouve un parking gratuit sur trois niveaux, des cinémas, un McDonald's, une salle de sport, des pizzerias et, à l'extérieur, un Corte Inglès, peu fréquenté. C'est un centre commercial familial qui se remplit le week-end grâce aux habitants des quartiers de Horta, de Guineueta et de Sagrera. Mais un mardi à quatre heures du matin, c'est le silence total, à peine interrompu par les voitures qui vont et viennent au loin, sur la Meridiana. Les commerces sont fermés, certaines vitrines lancent une lumière zénithale verdâtre, avec leurs portables sport - du miel pour les abeilles. «Il sont toujours à la bourre» dit Alex. Francis croit apercevoir un vigile à l'autre bout du parvis du centre commercial. «Pas de problème. Emn fait, y'en a deux. Y'en a un qui fait les gros yeux et l'autre, tout dépend sur qui on tombe, il peut décider de nous prendre la tête ou pas. Mais bon, on fait rien de mal. On est là, on fume une clope, c'est tout. Y'a pas de lézard». » Petite soeur la mort de William Gay paru en 2017 aux éditions du Seuil. Vous qui affectionnez les livres d'horreur, celui-ci tombe à pic. Encouragé par son éditeur pour stimuler son inspiration, David Binder part installer sa famille, sa femme enceinte et sa petite fille, dans une maison reculée, sur une ancienne plantation, au Tennessee, à Beale Station. Une maison qui a la réputation d'être hantée ! Un fantôme cruel y sévirait depuis le début du XIX ème siècle. Rapidement des phénomènes paranormaux se manifestent. Enfermé dans son besoin d'écrire David domine sa peur. Est-ce qu'il serait envoûté par le lieu ? Ce conte terrifiant nous fait remonter le cours du temps et des évènements des décennies auparavant. Alors que l'été du Sud s'étire, chaud et serein, que les épis s'allongent et durcissent, sous les nuits douces et humides, les rires d'ivrognes et les éclats des habitants paraissent aussi rauques et absurdes que des cris de corbeaux ou de harpies. Préparez-vous à glisser sur les pentes savonneuses de l'angoisse. Extrait:«C'était une grande bâtisse blanc-gris qui se dressait devant le décor vert et noir des collines luxuriantes de l'été, haute et couverte d'ardoise, majestueuse et aussi, pensa aussitôt Binder, profondément maléfique. Elle lui inspira soudain deux envies contradictoires: prendre la fuite pour regagner Chicago, et profiter de la paix qu'intuitivement il était sûr de trouver entre ses murs. Cette demeure possédait un aspect intemporel qui semblait capable d'atténuer toutes les difficultés qu'il pourrait rencontrer. L'espace d'une brève illumination, il comprit qu'elle était moins intéressante qu'il ne l'avait espéré et, en même temps, infiniment plus.»    Nous vous souhaitons un bon été ! Bonne lecture !

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min