Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 20 mars 2018

Mission encre noire Tome 22 Chapitre 278. La disparition de Kat Vandale de Christian Giguère paru en 2018 aux éditions Héliotrope noir. Katherine Champagne arrive en ville fraîchement débarquée de sa banlieue en Montérégie. Elle rencontre Mélissa au Cégep, avec qui, elle s'initie en soins infirmiers et fréquente les bars de danseuses pour arrondir les fins de mois. Sa rencontre à la sortie du métro Longueuil, une virée à la ronde et une balade en Bentley plus tard avec un membre d'un gang de rue, les Cobras, va modifier la trajectoire de sa vie. Elle devient Kat Vandale, dont la crinière blond vénitien et le magnétisme ahurissant, vont faire les choux gras des amateurs de porno et des services d'escorte. Tout le monde court après Kat, les proxénètes, les clients, Mélissa, les Cobras, un parrain de la mafia...Quel secret dissimule-t-elle donc ? Qui est Kat Vandale ? Des vibrations de basses profondes s'échappent des Bentley, des flashs lumineux factices éclairent ce milieu interlope qui se faufile à travers les fissures de la métropole et de sa banlieue. Christian Giguère jette un regard convainquant sur les mélodies en sous-sol de la ville, c'est un vrai régal. À la veille du lancement de son livre à la librairie Gallimard de Montréal, l'auteur fait un détour par Mission encre noire, il nous parle, entre autre, de Laura Palmer et de David Lynch... Extrait: «Le babillard près de la fenêtre affichait des photos autographiées par King Salomon, alias Davidson Jean-Louis, un ami d'enfance dont l'oncle Stanley était l'un des membres fondateurs du premier gang d'affiliation cobra dans le quartier. Les photos avaient été prises à Atlantic City, après la victoire de Davidson en combat de championnat. Sur la première, le champion trônait au centre du ring, le visage en sueur mais sans marques apparentes. À sa gauche, l'annonceur Michael Buffer, avec le visage impassible d'un type sorti tout droit d'un film de David Lynch, caressant son micro comme un vieux crooner ; à sa droite, Blaise Gary Toussaint, que Widmark avait longtemps considéré comme son meilleur ami, faisant office de gérant. C'est Blaise Gary qui avait trouvé le surnom de King Salomon. La légende souffrait évidemment d'hyperbole. On murmurait dans le milieu qu'elle datait de l'époque où Davidson et lui contrôlaient la vente de MDMA dans les clubs de l'est de Montréal.» Ma ZAD de Jean-Bernard Pouy paru en 2018 aux éditions Gallimard collection Série Noire. Camille Destroit est au bout du rouleau. Le souffle court, il se remet difficilement d'une agression par d'étranges miliciens locaux. C'est décidé, il lâche la ZAD de Zavenghem, dans le nord de la France. De toute façon c'est gagné, le projet de plateforme multimodale de la puissante famille Valter est abandonné. Les boeufs en profitent pour coffrer tout le monde. Camille est pris au volant de son véhicule professionnel, il perd son boulot et sa copine le quitte. Il est temps d'aller voir ailleurs et régler ses comptes avec les Valter. Claire, jeune militante zadiste l'accompagne avec une idée derrière la tête. Jean-Bernard Pouy défend la littérature populaire à travers ses romans noirs. Déjantés, allumés, à l'humour noir grinçant, les textes de l'auteur devraient vous coller un pain en plein nez. Ma ZAD confirme cette tendance du bourre pif bien senti sur la morosité de l'époque en France. Jean-Bernard Pouy écrit punk au marqueur noir sur des partitions de Mozart. Pouy is a punk rocker. Extrait: «Ému. cela faisait longtemps que je n'avais pas éprouvé cette petite crispation de la tête, cette boule piquante et stridente que font les nerfs sans prévenir, cette envie de chanter n'importe quoi, tiens, par exemple, Les neiges du kilimandjaro de pascal Danel. Comme la fois où j'avais découvert, au musée d'Orsay, la petite asperge de Manet, si floue, si délicate et, en même temps, plus tonitruante que le Radeau de la Méduse. Ou l'aigle géant, sur le toit de l'usine Fernet-Branca, à Saint-Louis, qui ressemble tellement à ce qu'on éprouve quand on avale la liqueur en question. Et la neige, en mai, au sommet du Canigou, derrière le château rose de Salses. L'intérieur de la pochette de Beggar's Banquet des Rolling Stones. Et, décidément, les seins d'Elsa Martinelli, le Retable d'Issenheim de Grünewald à Colmar... Sans oublier la jouissance absolue de se trouver face à un gros massif d'hortensias bleu ardoise. Des joies simples, en quelque sorte. Mais de grands moments...» Gaza dans la peau de Selma Dabbagh paru en 2017 aux éditions de l'Aube collection Noire traduit par Benoîte Dauvergne. Gaza sous les bombes. Gaza est une bande de terre d'une quarantaine de kilomètre de long sur six ou douze de large, habitée par plus du million et demi d'individus. La famille Mujahed vit comme en prison à ciel ouvert. Le père a fui vers le Golfe. Sa famille éclatée est restée vivre ici. La mère au passé militant trouble. Sabri, l'aîné, handicapé par un attentat, résiste à sa manière et compile une histoire moderne de la Palestine. Rashid cultive son plan d'herbe et rêve de s'échapper vers Londres et sa bien-aimée. Iman, sa soeur jumelle, écoeurée par les agissements des envahisseurs israéliens songe à se radicaliser. Les bulldozers de la colonisation progressent chaque jour sur les ruines d'un peuple qui souffre. Selma Dabbagh fouille ce quotidien amer et trace des lignes de fuite impossible pour des personnages rivés à leur désespoir. Gaza dans la peau est un texte noir saisissant qui vous donne à voir des fragments de vie ignorés par les médias traditionnels. Par delà les fils de tente des terrains vagues et des piliers effondrés, il y a la mer. Extrait: «Je suppose que Jamal relève des témoignages dans les environs de l'hôpital. J'ai laissé l'un des bénévoles qui nous ont rejoints récemment aux camps du Sud. C'est un cauchemar là-bas. Ils ont démoli une maison - enfin, une rangée de maisons -, dans laquelle la bonbonne de gaz de la cuisine a explosé. J'y suis entré pour aller chercher le vélo d'un gamin planté dehors qui la réclamait en hurlant. Il n'arrêtait pas de crier: «Mon vélo ! mon vélo !» Enfin bref, l'odeur, je vous raconte pas !» Khalil ferma les yeux et secoua la tête. « Tout ce bazar puait la fumée, le souffre, les égouts, la pourriture. Je ne peux même pas vous décrire cette odeur.» Il frissonna. « Pas la peine. Tu l'as amenée jusqu'ici, dit Rashid.»»   Agenda: Idles en concert le mercredi 21 mars à la Vitrola à Montréal

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min