Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 2 octobre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 291. «L'arabe est en lui, comme il est en vous» - «Laisse-moi tranquille», c'est le genre de dialogue que vous propose Yara El-Ghadban avec le parution de Je suis Ariel Sharon paru en 2018 aux éditions Mémoire d'Encrier. Alors que le premier ministre Ariel Sharon sombre dans un comas profond à Tel Aviv le 04 janvier 2006, l'autrice se glisse entre son âme et sa peau en silence. Puis par le biais d'une voix féminine forte, la sienne et celle de tant d'autres femmes qui n'ont pas perdu la mémoire, Yara El-Ghadban magnétise son lectorat grâce à un texte jubilatoire. L'écriture se déguise et nous piège sous un charme, voluptueux, mélancolique voire séducteur. C'est pour mieux vous croquer chère-e-s lectrices/teurs ! Elle nous empresse à nous laisser glisser vers le monde fluide des rêves, seul moyen avoué, pour approcher le lion du désert, le roi d'Israël, le boucher de Beyrouth. Puisque les premières choses qu'on élimine dans les guerres et les situations d'oppression sont l'humanité, l'intimité, la féminité...revenons-y, franchissons le Styx à notre tour, rejoignons l'autrice, tutoyons l'improbable, l'ordinaire d'un homme controversé et détesté. Arik, mon beau Arik, dis-nous qui tu es ? Pourquoi y a-t-il tant de fusils entre nous ? Yara El-Ghadban est notre invitée ce soir pour nous présenter son époustouflant troisième roman. Extrait: «Tu flottes. Liquide. C'est la caresse du vide. Enveloppe-toi du vide. Laisse-toi t'engloutir dans sa chaleur. Tu ne suffoqueras pas. Au contraire, tu respireras mieux, tu entendras mieux aussi. Et qui sait ? Retrouveras-tu tranquillement la vue et bientôt la parole. Alors, ne te cherche pas pour l'instant. Tu n'es plus. Tu meurs, Arik. Lentement. Calme, calme. C'est la vérité. La vérité ne blesse pas. Elle ne juge pas. Tu perds les sens, même celui de nommer les choses. Ton identité, ton âge, ton visage. Ce n,est pas grave. Je suis tout ce que tu n'es plus. Tes amours, tes haines, tes rêves, tes peurs, tes regrets. J'entends les mots, les doutes, les effrois. Je regarde. L'enfant, l'homme, son essor, sa chute.» Feue de Ariane Lessard paru en 2018 aux éditions La mèche. Pour son premier roman, Ariane Lessard arrache des morceaux de bois et gratte la peinture du décors d'un simple village traverser par un long chemin de terre. Nous sommes au Québec, c'est la langue qui  le dit, pour preuve des dialogues parfois littéraires ou qui plus loin claquent en joual dans l'air lourd. La famille des Bellay dissimule un sombre secret, d'un type qui colle à la peau, aux vêtements et hante la forêt, jusqu'aux profondeurs boueuses de la rivière environnante. L'écriture talentueuse de l'autrice sent l'essence, les champs de moutarde, la sueur de l'amour marchand vite et mal fait, l'odeur de la poudre des révoltes contre les abus masculins de toutes sortes. Feue est un roman chorale poisseux. L'autrice ausculte les méandres d'une langue usée, fatiguée de subir, figée au coeur de la noirceur d'un passé rongé de ténèbres. Feue c'est l'émergence d'une voix féministe forte, inspirée, et diablement pénétrante. Empruntons la petite route de terre battue qui longe la rivière, j'accueille Ariane Lessard à Mission encre noire dans l'humidité, l'odeur de paille et du vieux bois. Extrait: «Un camion, C'est énorme. J'ai l'impression de flâner au milieu des grandes dalles d'un immense cimetière. Il y a des véhicules qui possèdent un petit lit derrière le banc du chauffeur. Une grande personne doit se plier un peu les jambes pour bien entrer dans la couchette. Pour une petite, c'est bien. Il paraît qu'ils cachent de la drogue dans des charognes. Le camion est relié à la boîte par des fils tortillés. Peut-être une dizaine. Ça donne envie de les couper avec des ciseaux. Il y en a des bleus, des rouges. Ça me fait penser à cet espace entre le train et le premier wagon dans les films western que maman écoute, quand ils sautent et qu'ils tombent entre les deux. Un petit espace qui ne porte rien, qui ne fait que relier le véhicule au chargement. Petit endroit effrayant où on demeure coincé. Je pourrais me tenir la`et partir à toute vitesse. Ils trouvent un chien errant et puis ils lui bourrent les pattes.»

Feuille de route

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Mission encre noire 11 octobre
Émission du 11 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 392. Que notre joie demeure par Kevin Lambert paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Céline Wachowski jette un regard circulaire sur les invité.e.s. sous l'immense lustre qui pend au plafond. Le Mont-Royal est à deux pas à vol d'oiseau, on pourrait le toucher. Lorsque l’on est une des femmes les plus influentes du monde, il faut se méfier du quand-dira-t-on, ce sont des choses à considérer. Surtout que le complexe montréalais Webuy est sur le point d’être inauguré. Pure produit des Ateliers C/W, situé au 305 rue Bellechasse, cet immense projet suscite bon nombre de critique au Québec. Cette femme de 70 ans qui anime une série culte sur Netflix, dont le portrait est croqué par Joan Didion dans le Harper’s Bazaar, est l’icône d’un monde bourgeois qui évolue en vase clos. Un gotha qui s'ébroue loin de vous, loin de moi, loin de la rue où la menace gronde. Cette classe dominante montréalaise, Kevin Lambert la saisie ici dans toute sa démesure et sa décadence. Sauriez-vous dire pour autant de quoi ils/elles parlent? Comment envisagent-ils/elles la vie? De quoi sont faites leurs angoisses? L’écrivain dissèque les pensées de notre jet-set au scalpel, tout en faisant jaillir l’éternelle histoire d’un capitalisme avide et destructeur. S'agirait-il de son livre le plus politique ? S'agissant de la lame de l’auteur, elle est parfaitement aiguisée et son fil est empoisonné. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Kevin Lambert.
60 min
Mission encre noire 04 octobre
Émission du 4 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 391. Glu par Clémence Dumas-Côté paru en 2022 aux éditions Les Herbes Rouges. Glu: nom féminin. Colle forte.Matière végétale visqueuse et collante, comme pour piéger les oiseaux. Personne importune, indiscrète. Il y a un peu de tout ça dans les liens qui relient Théo, Simon et la narratrice. Depuis sa séparation, elle s’occupe de Bébée, 2 ans, une semaine sur deux, qui pleure parfois, trop, pendant des heures. Ça lui arrive de l’oublier, de la laisser jouer avec un tesson de verre, de l’empêcher de sortir de sa chambre aussi. Ou peut-être est-ce le produit de son imagination. En revanche, un soir de mai, un mercredi pour être précis, un voisin, Simon, se laisse tomber du toit. Que s’est-il passé? Entre quelques promenades salutaires dans Parc-Ex, la nuit, et le long du chemin de fer, à côté du Parc Jarry, elle se découvre aimantée par cette histoire. Elle décide alors de retracer le chemin du voisin de son voisin mort, quelque part elle revit. Théo, pourrait lui donner des réponses aux questions qui l’obsèdent. Toutes sauf une: qu’est-ce qui la retient de commettre, elle aussi, l’irréparable? Son quartier, c’est Parc-Extension, depuis huit ans. Elle y vaque entre vêtements indiens à vendre et pâtisseries grecques en essayant de faire correspondre les morceaux brisés de son monde fissuré, en se branchant à cette imperceptible source, à cette Glu, pour refuser l’appel du vide. J’accueille ce soir, à Mission encre noire, Clémence Dumas-Côté.
60 min
Mission encre noire 27 septembre
Émission du 27 septembre 2022
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 390. J’habite une île par Rodolphe Lasnes paru en 2022 aux éditions Leméac. Montréal: 50 km de long, 16 km de large, 483 km carrés de superficie, 266 km de berges, deux millions d’habitants. Êtes-vous des îlien.n.e.s ? Quand avez-vous vu pour la dernière fois le bord de l’eau du fleuve Saint-Laurent? Avez-vous pris le temps de cheminer lentement sur ses berges, de humer ses parfums, d’essayer d’en saisir son ADN, son âme insulaire? Cette île-ville qui généralement néglige son fleuve et le dérobe à la vue de ses habitants, Rodolphe Lasnes l’a couru. Où est-il ce fleuve ? On ne l'entend pas. Pour en avoir le coeur net, il décide de faire son tour de l’île à Pied, d'une seule traite, sans retour à la maison, en sens inverse des aiguilles d’une montre. Départ du Vieux-Port, pour mieux remonter le temps, des origines vers l’est, puis rejoindre l’aval des rapides de Lachine vers l’ouest. L’homme du fleuve ne lâchera pas son eau des yeux. Rodolphe Lasnes vous propose ni plus ni moins de vous projeter en état de voyage, ici même, près de chez vous. Sac à dos léger, un carnet à portée de main, des bâtons et des chaussures de marche, avec en prime une paire de lunettes glacier qui lui permettent de ne jamais perdre le fil du temps, de l’histoire et des mots. Plus précisément, ceux de Pierre Perrault, des cageux de l’Abord-à-Plouffe ou de Réjean Ducharme qu'il garde avec lui au cours de son périple. Pourquoi faire le tour de l’île à pied me direz-vous? L’auteur vous répondra:« pour aborder les rivages, pour que les paysages se transforment en histoires». Je reçois Rodolphe Lasnes, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 20 septembre
Émission du 20 septembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 389. Le virus et la proie par Pierre Lefebvre paru en 2022 aux éditions Écosociété. Comment faire, oui comment réussir par se faire entendre alors que tout porte à croire que c’est impossible. Transposé sur scène au Centre du théâtre d'aujourd'hui sur Saint-Denis à Montréal, du 30 novembre au 02 décembre 2022, cette lettre, Pierre Lefebvre l'adresse à un homme qui ne veut pas l'écouter. Ou du moins, par cette missive, l'auteur reconnaît son impuissance. Car, voyez-vous, tout les oppose, l'argent, la réussite, la domination ou le pouvoir ne lui inspire au mieux que de la haine et du dégoût. À l'heure où la campagne électorale bat son plein, ne ressentez-vous pas cette légère démangeaison, l’étrange bourdonnement du vide autour des débats médiatiques ? Y trouvez-vous votre place ? Mettons cartes sur table, ici, un homme n’ayant aucun pouvoir aimerait particulièrement s’adresser à ceux les possèdent tous. Pierre Lefebvre signe ici un texte magistral et indispensable. Si les mots ont encore une force, l'auteur saisie sa chance avec du style et du caractère. Ne vous y trompez-pas. Il serait malhabile de ne voir ici qu’une complainte de plus ; vous manqueriez l’essentiel. Quelque chose comme une déclaration d’amour, à la vie, à son mystère, à sa beauté. Je reçois, ce soir, Pierre Lefebvre à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 13 septembre
Émission du 13 septembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 388. La cité Oblique de Christian Quesnel et Ariane Gélinas paru en 2022 aux éditions Alto. Mission encre noire est de retour ! Pour ouvrir cette nouvelle saison, rien de moins que Howard Phillips Lovecraft comme invité, dissimulé sous les traits de Christian Quesnel et Ariane Gélinas. Tendez l'oreille, les premiers grattements et les frottements de créatures étranges et primitives débordent déjà du cadre de ce podcast. À la lucarne de cette splendide bande dessinée, La cité Oblique, les deux auteur.e.s nous proposent de franchir les portes de l’univers formidable d’un géant de la littérature fantastique, inspiré.e.s par les voyages de celui-ci. Le créateur du Mythe de Cthulhu a, non seulement rendu visite, par trois reprises, à la ville de Québec, il en a également tiré sa propre version de l’histoire de la Nouvelle-France. Prenant la balle au bond, Christian Quesnel et Ariane Gélinas, s’accaparent cette matière première, les écrits de Lovecraft, pour revisiter et se réapproprier une passionnante histoire parallèle du Québec. À la limite du songe, du fantastique et du rêve, les peuples déchus ou oubliés qui grouillaient sur les terres d’Elkanah, retrouvent une existence dans l’âme craintive des hommes, grâce à ce splendide projet. Les territoires de ceux qui savent, s’ouvrent à celles et ceux qui sauront voir et écouter. À la faveur de la tombée de la nuit, je vous invite à rencontrer Christian Quesnel et Ariane Gélinas, ce soir, à Mission encre noire.
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