Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 13 octobre 2020

Mission encre noire Tome 29 Chapitre 337. la revue Moebius 165. Le nouveau numéro de la revue littéraire québécoise Moebius est disponible dans vos kiosques préférés. Voici l'occasion de découvrir l'envers du décor. Une magnifique édition vient d'être publiée, avec une couverture en forme de trophée de chasse, une nature morte admirablement ciselée par l'artiste en résidence Éléonore Golberg. Yara El-Ghadban, écrivaine en résidence pour quatre numéro fait feu de tout bois avec un texte poignant, elle qui cherche du regard Saffoureh le village disparu de sa grand-mère. Vous saurez tout ce qui attend votre lecture de ce splendide numéro dont la phrase thème est cette fois-ci tirée d'un texte de Vladimir Slepian paru en 1974 (Fils de chien, Paris, revue Minuit): «Écoutez ! Je serai votre chien, un bon chien, mieux que tout autre chien». Avec des textes de Pascale Bérubé, David Clerson, Anna Quinn, Julien-Pier Boisvert, Maude-Éloise Brault, Élise Turcotte, Mathieu Hachebé, Fidélie Camirand, Cédric Trahan, Mathieu Dubé, Thomas Désaulniers-Brousseau, Benedetg Zumthor, Pascale Beauregard, Ludovic Champagne, Emilie Pedneault, Patrice Lessard, Yara El-Gadban et Maude Veilleux. Pour enflammer cette présentation, je reçois la direction littéraire bicéphale, inédite, de ce Moebius 165, Olivia Tapiero et Marc-André Cholette-Héroux sont mes invité.e.s, ce soir, à Mission encre noire. Extrait : « La faim me travaille comme si sa vie en dépendait. Lors d'épisodes de manque délirants, dans la lueur d'un espoir débridé, j'aspire à devenir un vieux fossiles de chien gâteux et gâté, traînant avec lui sa peau dégueulasse, ses yeux crottés et coulant d'une matière brune et indélébile, la gueule dégoulinant de bave, claudiquant au bout d'une ficelle tenue du bout des doigts par quelques maîtresse bien parfumée. Je me vois entrer dans leur maison où les formes de mon corps retrouveraient leurs traces sur un lit, un fauteuil de cuir, une ottomane. Puis, dans une autre pièce, le son des croquettes dans la gamelle, mon nom dit tout haut. Mon appétit serait contrôlé avec discipline et tendresse. » Benedetg Zumthor, Dies Irae, Moebius 165. Parenthèse suisse de Jules Clara paru en 2020 aux éditions Triptyque. Une jeune femme met sa vie entre parenthèse entre Montréal et Fribourg. À peine envisage-t-elle le paysage qui la guette au détour d'une tunnel: Majestueux. Pourtant, cette ville nouvelle qui l'accueille l'a fait parfois vaciller, éperdue de solitude, oui, elle voulait quitter sa ville, plier bagage. Savait-elle seulement ce qui l'attendait par-delà les Alpes suisses: Un amour déçu ? une ville séductrice ? une vie silencieuse ? D'autres moeurs difficiles à appréhender ? Une déclaration d'amour ? Un peu de tout ça rétorquerait la narratrice, un oeil glissant vers les déclinaisons de lumière du paysage, puis vers les rues noires qui avalent ses pensées. Roman gigogne, Parenthèse suisse fascine. Cette nouvelle vie ailleurs de Montréal, est le prétexte de façonner un portrait kaléidoscope d'une femme, d'un pays, d'une ville. L'autrice nous emporte dans un habile jeu d'écriture atypique où l'imagination et les fantasmes règnent en maîtres absolus. Je reçois Jules Clara, à Mission encre noire. Extrait: « C'était une rencontre parmi la foule qui s'abandonne à la gare. Il l'attendait comme ça, un bâton planté dans la rivière, le temps en cascade sur sa droite. Sur sa gauche. J'étais pour ma part debout, à l'écart de la scène, mais je ne l'étais pas assez. ce que j'ai vu, c'est une jeune femme descendre du train comme un rayon, dans la mesure où elle taillait les lieux couleur topaze autour d'elle. La séquence de leur rencontre diffusait une chaleur sans patience, qui cheminait sur le béton comme un tapis déployé pour eux seuls. Il y avait cet homme, de dos. Son habit sobre me rappelait l'époque du noir et du blanc. Nimbé d'une lumière qui me semblait irréelle, la femme du rendez-vous arborait quant à elle un visage comme une pomme citronnée. Rond, même ovale, avec des cheveux bruns. Ou étaient-ils blonds ? Une sorte de brume empêchait que l'air de ma vue ne s'éclaircisse entièrement. J'avais la certitude, pourtant, que cette femme rencontrait d'abord la Suisse et non l'homme.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min