Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 13 juin 2017

Mission encre noire Tome 19 Chapitre 254 Amqui d'Éric Forbes paru en 2017 aux éditions Héliotrope Noir. Quelque chose ne tourne pas rond, comment un libraire peut-il devenir un tueur sanguinaire ? Étienne Chénier, mi trentaine, adepte des arts martiaux vient de sortir de la prison Bordeaux dans le quartier Ahuntsic à Montréal. Il devance la date officielle d'une bien curieuse manière. Mais ça, on ne peut pas en parler, de son désir de vengeance non plus d'ailleurs. En tout cas, pas tout de suite. L'enquêteur du SPVM ne l'entend pas de cette oreille, lui. Il se lance à la poursuite de cet ex-libraire fan de romans policiers, une traque qui le conduit jusque dans le Bas Saint-Laurent. Ce roman impitoyable va vous faire gicler hors de votre hamac, car les hommes ici n'ont rien à perdre. Et si la vengeance a un arrière goût de beignet graisseux, c'est que nous sommes sur la même longueur d'onde d'un auteur qui n'a pas froid aux yeux, Éric Forbes est notre invité à Mission encre noire. Extrait:«Il entra à la librairie du Square, la première librairie qu'il avait fréquentée lors de son arrivée à Montréal, plusieurs années auparavant, et s'imprégna de l'odeur si caractéristique de l'endroit. Étonnée, la propriétaire qui le reconnut immédiatement, lui demanda où il avait disparu. À l'étranger, mentit-il, un peu mal à l'aise, sans trop s'étendre sur le sujet. Il feuilleta quelques polars, puis saisit un Ian Rankin, l'ouvrit et enfouit son visage entre ses pages, se grisant de l'arôme: un mélange enivrant de colle, de papier et d'encre. En prison, les livres puaient, et comme polars on ne trouvait que les SAS, des Agatha Christie, ainsi qu'un ramassis de best-sellers insignifiants. Rien pour suciter son intérêt. Il acheta le dernier Mankell, salua la propriétaire et sortit.» Rien ne se perd de Cloé Mehdi paru en 2016 aux éditions Jigal Polar. À quoi ressemble le monde pour Mattia, vu du haut de ses onze ans? Abandonné par sa mère à son tuteur Zé, son père s'est suicidé en hôpital psychiatrique, sa soeur et son frère ne lui donnent que de rares signes de vie. Cette petite ville française semblable à tant d'autres porte en elle une malédiction, le meurtre de Saïd Zahidi, quinze ans, lors d'un contrôle d'identité qui dégénère. Le quartier tentera bien de se faire justice lui-même, en vain, c'est l'abîme du silence et la justice aveugle qui étouffera l'affaire...des tags à la peinture rouge aparaissent soudain réclamant justice! Ce roman est une mine d'or récompensé par plusieurs prix. Cloé Mehdi trace des mots noirs sur toute cette frustration qui marche les mains enfoncées dans les poches. Magnifique perle noire. Extrait:«J'ai l'impression qu'une heure s'est écoulé quand elle se remet à parler. Elle a écrasé son mégot contre la gouttière depuis longtemps mais elle n'a pas refermé la fenêtre. Le froid a envahi la chambre. J'ai la chair de poule. Pas elle. Gina est invincible. C'est ce qu'elle m'a dit une fois, adolescente. Invincible Mattia. Elle le disait avec une telle conviction que j'y croyais. Toi aussi, invincible. Un mur de briques. Les mêmes défenses. Sauf qu'elle pouvait partir, et moi pas. Pas comme nos parents, In-vin-cibles, répète-le. Ensuite elle s'est enfuie et j'ai commencé à la détester. Je ne l'aime que quand elle revient, pas souvent donc.» La maison Wolfe de James Carlos Blake paru en 2017 aux éditions Rivages. Le second tome de la saga familiale des Wolfe nous invite en terre mexicaine. Au cours d'un mariage dans la haute société de Mexico, une dizaine d'invités de riches familles vont être enlevés. Le business si lucratif des enlèvements est une manière rapide d'améliorer son fond de trésorerie et d'afficher, pourquoi pas, un profil séduisant pour les recruteurs des cartels. Ça, c'est dans le meilleur des mondes possibles, en réalité, parmi les otages figure Jessie Wolfe, amie proche de la mariée. Et chez les Wolfe la famille c'est sacré. La meute débarque à Mexico. James Carlos Blake sait manier l'art de décrire les courses poursuites dans la capitale fédérale comme personne et surtout, il vous donne l'occasion de découvrir un parcours de visite de Mexico ignoré des cartes touristiques. Extrait:«Toute l'affaire s'est déroulée rapidement et sans un mot, sauf les ordres des braqueurs. Jessie entend des murmures mais ne comprend pas ce qui se dit. Les portières se ferment. Les voitures démarrent et allument leurs phares. Comme la première, elles contournent prudemment le gros 4X4 Suburban et disparaissent l'une derrière l'autre. Jessie se demande ce que foutent les vrais flics, les vigiles des entrepôts, enfin quelqu'un, quoi. Qu'est-ce qu'ils glandent tous, ces abrutis? Et puis elle se dit soudain: Seigneur, que tu es bête, ma fille. Précisément: il n'y a ni police ni patrouille. Pas ici, pas ce soir. Ces gars s'en sont occupés. Peut-être même qu'ils ont un accord en bonne et due forme pour cette zone.»

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min