Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 17 décembre 2019

Mission encre noire Tome 27 Chapitre 324. La mort de Roi de Gabrielle Lisa Collard paru en 2019 aux éditions Le Cheval d'août. Avant l'arrivée de Roi, Max était malheureuse. Elle a 19 ans lorsqu'elle récupère ce beau berger allemand de neuf semaines. Un chiot qui lui donne une raison suffisante de vivre: endormir le monstre. Elle y repense alors qu'elle enveloppe les souliers de son premier cadavre dans plusieurs épaisseurs de sacs. Roi est mort depuis. Ça fait trois mois, un matin de décembre. Depuis les mots se bouscule dans sa tête, ses pensées deviennent plus sombres. Si vous saviez le vide qui l'habite, déjà, en balade avec Roi, sous vos fenêtres, le soir tombant, vous auriez senti la bête endormie, là, au bout de la laisse, la main sur son cran d'arrêt. Max haït les gens, leur regard méprisant, même si elle aime les observer, les envahir, les effacer. Roi disparu, Max veut les détruire. Vous êtes désormais une proie. Dans ce premier roman époustouflant Gabrielle Lisa Collard met des mots crus sur vos pulsions faisandées les plus noirs. Derrière le chaos, l'autrice nous offre un roman angoissant et drôle, une histoire d'amour impossible mais sincère envers les autres. Comme depuis Baudelaire l'amour est un crime où l'on ne peut pas se passer d'un complice, Gabrielle Lisa Collard est invitée, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « J'avais pas idée à quel point ce serait dur de porter un secret aussi lourd. Je me sens aussi seule et tragique qu'une ampoule qui brûle dans une pièce vide, au dernier étage d'une maison abandonnée sur un sommet que personne gravit jamais, dans le pays désert d'un continent mort. Juste seule, à me consumer d'angoisse, d'amour pis d'incompréhension, sans pouvoir en parler à quiconque. J'ai fait des choses que personne doit savoir, et je suis poignée avec. Je vais imploser. Câlisse que j'haïs ça, les sentiments. Je pensais que ça finissait à un moment donné. Mais l'âge adoucit en rien les feels ; il fait juste nous forcer à les vivre seuls.» Agathe, Anne Cathrine Bomann paru en 2019 aux éditions La Peuplade traduit du danois par Inès Jorgensen. Un psychanalyste en fin de carrière soupire, il ne lui reste plus que 22 semaines avant la retraite. Si ce n'est la rencontre fortuite, forcée par sa secrétaire, madame Surrugue, de cette femme pâle au parfum comme une note épicée. Nous sommes en 1948, Agathe Zimmermann, d'origine allemande, a déjà été hospitalisée pour raison de grande tristesse et d'idées suicidaires en 1935 à Montpellier, en France. Alors que l'ennui et l'âge écrasent de leur poids l'homme vieillissant, il devient évident que cette patiente est différente. L'absence inopinée de sa secrétaire dévouée provoque un grand fracas. Le docteur, livré à lui-même, angoisse devant l'accumulation des dossiers sur son bureau. De façon inattendue, Agathe vient de briser un équilibre dans la routine habituelle du psychanalyste. S'il doute encore du bien-fondé de son exercice de la profession, sans y réfléchir plus avant, il se met à suivre sa patiente. Sous couvert d'une intrigue singulière, deux personnages à la dérive se reconnaissent et s'apprivoisent. À la fois tendre et subtil, ce premier roman réveille un désir de croquer la vie à pleine dent, de profiter du soleil, même si tout le monde sait qu'on ne doit pas mélanger la thérapie et la vraie vie. Nous avons la chance, à Mission encre noire, d'accueillir, ce soir, Inès Jorgensen, la traductrice du roman, pour nous en parler et aborder les enjeux autour de sa traduction. Extrait: « La neige dévoilait un monde secret de traces de pattes de chien, de bottes et de minuscules pieds d'enfants qui obliquaient vers l'école ou continuaient après la clinique en direction du centre-ville. Dans le cabinet, où la poussière s'entassaient sur les rebords des fenêtres, je menai les premiers entretiens. En mon for intérieur, je maudissais tout ce qui affectait mes patients et contre quoi je ne pouvais rien faire. Il y avait à lutter à la fois contre des conjoints insensibles et des bouteilles de vin cachées derrière les étagères, et que pouvait-on au fond espérer de la thérapie, quand je n'avais que quelques heures par semaine pour reconstruire ce que les patients avaient une vie entière pour détruire?»

Feuille de route

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Mission encre noire 27 juin
Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 06 juin
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
60 min
Mission encre noire 23 mai
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
60 min
Mission encre noire 16 mai
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
60 min
Mission encre noire 02 mai
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.
60 min