Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 5 décembre 2017

Mission encre noire Tome 21 Chapitre 268 Les Tricoteuses de Marie Saur paru en 2017 aux éditions Héliotrope Collection Noir. Un jour de Juin, Daniel Hurteloup se retrouve libre. Au petit matin, il est accueilli par sa soeur à sa sortie de la prison d'Orsainville. Tombé pour une sombre histoire de drogue, il rencontre, accoudé au bar d'un hôtel chic de Québec, Patricia Fortin Rousseau, riche héritière en puissance d'un empire industriel, de média et de communication. La soirée est bien arrosée, trop sans nul doute. Daniel raccompagne Patricia chez elle. Une job de gardien de nuit lui est offert chez TV6 en guise de remerciement ou de cadeau empoisonné? Patricia est retrouvée pendue dans un studio de sa propre société. Daniel est-il né sous une mauvaise étoile ? Il devient trop facilement le suspect idéal. Sous couvert d'un polar de facture assez classique, Marie Saur, nous offre un premier roman, qui conjugue un art consommé de la mise en scène, une excellente maîtrise de la rengaine polar et un regard féministe sur le genre. Nous recevons l'autrice pour en parler à Mission encre noire. Extrait:«Entre deux gros tomes d'une série sur l'histoire du théatre québécois depuis la Nouvelle-France, Daniel remarqua une brochure photocopiée, reliée par une spirale, Sous une feuille de plastique transparent, un dessin naïf représentait un groupe de femmes poing levé ; deux d'entre elles portaient une banderole qui proclamait:«Prolétaires de tous les pays, qui tricote vos chaussettes?» ce slogna était apparemment le titre de la brochure. En bas de la page, ce sous-titre:«1976-1996. Souvenirs de la lutte des Fortys. Témoignages recueillis par le collectif Sthéno». Manikanetish de Naomi Fontaine paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. Dernier reportage au salon du livre diffusé, je rencontre l'autrice pour parler de son second roman. Un livre qui a déjà été présenté dans l'épisode 265 de Mission encre noire le 14 novembre dernier. Généreuse, Naomi Fontaine nous raconte Manikanetish, la lutte et l'espoir. Indispensable. Extrait:«Nous avons parcouru un peu plus de cent cinquante milles vers le nord, en partant de Sept-Îles, sur un chemin de fer sinueux qui passait à travers les montagnes, au-dessus des rivières. La vitesse du train ne dépassait pas les trente milles à l'heure. Assise près de la fenêtre, j'ai admiré les morceaux de neige sur les épinettes hautes, l'étendue des lacs et la forme des montagnes. Il ya eu plusieurs arrêts entre le départ et l'arrivée. J'ai appris que chaque arrêt indiquait un territoire de chasse, un chalet, une famille qui descendait du train pour une semaine ou deux. C'étaient des lieux qui n'étaient inscrits sur aucune carte. Et pourtant, chacun d'eux possédait son nom, sa généalogie.» Norilsk de Caryl Férey paru en 2017 aux éditions Paulsen. Alors qu'il fait - 20 degré, avec un ressenti de - 40, le vent semble d'accord pour leur casser la gueule, Caryl Férey et son compagnon de voyage contemplent le bleu de la nuit sur les toits de la ville la plus pourrie du monde: Norilsk en Sibérie, située au-dessus du cercle polaire, une cité minière, la plus polluante de la planète. Séduit par le discours enjôleur de deux éditrices, en terrasse à Paris, l'écrivain décide d'embarquer dans ce périple de tous les dangers, l'un de ses personnages principaux de roman et vrai pôte dans la vie: La bête. En route pour l'extrème laideur ! Les deux compagnons s'embringuent pour un paysage de Blade runner déglingué, pourtant leur traque du pire se découvre moins sévère qu'il n'y paraît. Bourré d'anecdotes tordantes, accompagnées d'un style rock et contondant, la lecture de Norilsk est un réel plaisir, ne serait-ce que pour se faire bardasser quelques clichés. Extrait:«Poursuivant les recherches sur Internet, on apprend que, une fois sorti du centre à l'imposante architecture stalinienne, ce ne sont que barres de béton, avec, en guise de paysage, un dédale de tuyaux surélevés sur fonds d'immenses cheminées de hauts-fourneaux. Les immeubles récents ont été construits directement sur le pergélisol, gelé depuis des siècles, mais les fuites dues au mauvais états des conduites d'eau chaude et du chauffage urbain provoquent la fonte progressive du sol, entraînant l'affaissement de nombreuses constructions et une libération de méthane, gaz mortel s'il est présent en grande quantité dans l'atmosphère.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min