Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 22 mars 2022

Mission encre noire Tome 33 Chapitre 378. Voyages en Afghani par Guillaume Lavallée paru en 2022 aux éditions Mémoire d’encrier. Un peu après le 11 septembre, l’auteur, Guillaume Lavallée se fait offrir une bourse pour écrire une thèse sur la vie de l’étrange et fascinant Djemal ed-Din al Afghani, le père supposé de l’islamisme. Emporté par sa passion, l’idée se perd sur les routes qui le conduisent en reportage au Pakistan, au Soudan, en Afghanistan, au Yémen, en Syrie, au Liban, à Gaza. Au cours de ces périples, un nom revient sans cesse dès qu'il s'agit de parler de philosophie, de religion ou de réfléchir sur l'islam: Djemal ed-Din est sur toutes les lèvres. Après l’attaque de la mosquée de Québec, dans l'arrondissement de Sainte-Foy, lieu de naissance de l’auteur, celui-ci décide de se lancer sur les traces d’un homme qu’il qualifie lui-même d’étrange alchimie entre Socrate, James Bond et Che Guevara. Voyages en Afghani, est un livre qui s’ouvre sur les désordres d’une époque, la fin du 19 ème siècle. Un livre d'aventure, érudit et documenté, pour s'imiscer dans les débats qui animent les mondes musulmans et occidentaux, depuis Avicenne et Avéorrès. Téhéran, 1er Mai 1896, le Chah d’Iran vient d’être assassiné, je vous invite au voyage, à remonter le temps, ce soir, à Mission encre noire en compagnie de Guillaume Lavallée. Extrait:« Et pourtant, Djemal ed-Din a peut-être été le premier grand penseur musulman à s'engager dans une réinterprétation profonde des textes coraniques. Défenseur d'une approche critique de l'islam, l'homme tient de la légende. Une légende toujours vivante dans quelques cercles d'Iran, d'Afghanistan, de Turquie, d'Égypte, de Gaza, mais qui s'est évanouie en occident. Demandez «Djermal ed-Din al-Afghani» à votre libraire, et vous n'aurez en guise de réponse que haussement d'épaules, mines interloquées et fronts plissés. Vous ne trouverez rien. Ou tout au plus des notes en bas de page de livres jaunis et esseulés sur les rayons. D'ailleurs, dites simplement que vous cherchez un philosophe arabe ou d'un pays musulman. On vous proposera sûrement un énième ouvrage sur le péril djihadiste, quelques grands romans arabes contemporains, une traduction du Coran, de la poésie du maître soufi Rumi et peut-être un invendu écorné d'un philosophe médiéval comme Ibn Rushd (plus connu sous son nom latinisé d'Averroes) ou al-Farabi. Mais vous ne trouverez pas, ou très difficilement, de grands penseurs des deux derniers siècles. Et pourtant, tout ça bouillonne. Nous multiplions les débats télévisés sur l'islam et la modernité, mais songeons rarement à y convier des penseurs arabes ou musulmans modernes. Des penseurs qui lisaient Montesquieu, Rousseau et autres catalyseurs de progrès en plus de leurs prédécesseurs en terre d'islam.» Pour une écologie du 99%, 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme par Frédéric Legault, Arnaud Theurillat-Cloutier et Alain Savard paru en 2021 aux éditions Écosociété. Depuis la sortie de ce livre, la pandémie n’en finit plus de finir, des convois de camionneurs ont bloqués la ville d’Ottawa et d’autres endroits au Canada, une guerre a été déclarée et ajoutez à cela, l’accélération de la crise écologique. Voilà autant d’arguments pour avoir de bonnes raisons de nous inquiéter de l’avenir proche, comme le soulignent les trois auteurs de ce livre. L’humanité est confronté à des gouvernements, qui, dans leur ensemble, jouent la carte de l’autruche et baigne dans un climato-optimisme béat qui nous promet des lendemains qui chantent. Faisons fi, du chant des sirènes, celles qui croient encore que la transition douce vers un capitalisme vert nous sauvera de la fatale déroute. Or c'est précisément la raison d'être de ce livre, visant à déconstruire et à jeter un regard lucide sur les mythes véhiculés par cette dangereuse illusion. Je vous propose de découvrir un cours accéléré et nécessaire d’autodéfense contre l’économie du capitalisme et les stratégies politiques pour le dépasser. 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée dans l’histoire, et rien qu’au Québec les VUS représentent, à eux-seuls, 70% des véhicules vendus. Comment faire face? Comment bâtir un mouvement écologiste populaire? J’accueille Frédéric Legault, ce soir à Mission encre noire. Extrait:« Aujourd'hui, à l'heure d'inégalités de richesse inédites dans l'histoire humaine, il serait illusoire de croire que la croissance du gâteau augmente le sparts de chacun. Les mécanismes de redistribution de la richesse ont été mis à mal par les gouvernements successifs depuis les années 1970 en occident. Résultat, la croissance, même famélique, se traduit aujourd'hui surtout par l'accroissement de la richesse du 1%. Mais pire que cela, le gâteau, même très mal partagé, est durablement empoisonné. L'effet de l'accumulation capitaliste, comme nous l'avons dit, c'est la croissance du poids écologique de l'économie. Aucune croissance n'est possible sans base matérielle: notre monde habitable a des terres arables étroites, de l'eau potable en quantité limitée, un ciel bientôt saturé de GES, des minerais non renouvelables rares, une biodiversité fragile aux pertes irréversibles, etc. C'est pour cette raison qu'une croissance «verte» est au mieux une illusion, au pire une supercherie (voir mythe 8). Comme une croissance infinie dans un monde fini, qu'elle soit «verte» ou «propre», est une équation impossible.»  

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min