Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 2 mai 2017

Mission encre noire Tome 19 Chapitre 250 Tenir parole de Clément Courteau et Louis-Thomas Leguerrier paru en 2017 aux éditions Annika Parance Éditeur. Printemps 2012, Montréal se couche au son des casseroles, la jeunesse québécoise est en colère. Un homme prend la tête du mouvement constestataire, Gabriel Nadeau Dubois. Tenir parole est le premier roman écrit sur la grève étudiante de 2012, une exofiction captivante mettant en scène GND, lui-même. C'est lui qui anime et fait se mouvoir les foules. Loin de vouloir édulcorer le destin du leader estudiantin, ce roman apporte un éclairage inusité, troublant et détreminé sur cette époque encore si controversée de l'histoire de la province. Nous recevons Louis-Thomas Leguerrier à Mission encre noire pour en discuter. Extrait:«Eh bien nous, nous faisons grève de ce futur plein de cruauté! Nos yeux, à travers notre cagoule, sont rivés au passé peuplé des laissés-pour-compte de cette grande marche menant à la signature d'une entente acceptable avec le gouvernement, à votre retour en classe triomphant et à votre arrivée, pas mal moins triomphante celle-là, sur le marché du travail. Nous sommes rivés au passé duquel vous vous détournez avec dédain. Pas au passé glorieux que vous évoquez sans arrêt, pas à cette Révolution tranquille dont vous êtes si fiers. Non ce passé-là n'est qu'un monument élevé par les vainqueurs à leur propre gloire sur la fosse commune où ont été enterrés pèle-mèle nos camarades des années 70, pour faire oublier que ce qu'on appelle la Révolution tranquille ne fut rien d'autre que le processus d'intégration du Québec au système capitaliste, dont les politiques du PLQ ne sont que le développement logique.»  Making-of de Claire Legendre paru en 2017 aux éditions Hamac. L'auteure à 18 ans lors de la parution du livre en 1998 en France. Oeuvre de jeunesse, elle est rééditée ces jours-ci, au Québec, où elle réside. Bastien est un journaliste français qui débarque à New York pour réaliser l'entrevue à sensation avec le cinéaste indépendant branché du moment: Caïen Shoeshine. Fidèle à sa réputation, au milieu d'un univers des plus chaotique, Bastien devra louvoyer pour se faire une idée d'un homme au charme troublant et provocateur. Making-of est un roman noir assez trash, une immersion dans le cinéma américain indépendant des années 1990. Dans ce banquet de références cinéphiles Claire Legendre maîtrise parfaitement son sujet, elle se saisie de toute cette vaisselle cassée pour proposer un style de narration rafraîchissant. Extrait:«Dans mes rêves, il y a Pamela nue, hurlant, Shoeshine bourré qui se vautre sur une moquette grise, qui se marre, qui boit du whisky comme du jus de pomme. Il y a Kris Ernst au festival de Cannes, qui se conduit comme un gentleman en public, vrai sadique en privé. Je crois vraiment que tous les gens de cinéma sont ainsi: dangereux et lâches, que je me suis laissé prendre au piège d'un tourbillon qui se referme sur moi, J'ai peur d'être englouti par ces rapaces qui n'ont peur de rien, sinon qu'on s'en prenne à leur gloriole...Je ne sais pas si Shoeshine est génial ou répugnant. Surement les deux à la fois. Je l'imagine, enfonçant un poignard dans le coeur d'Annabella Neva. Je suis cette fille au décolleté sanguinolent...J'ai mal au coeur.» Pssica d'Edyr Augusto paru en 2017 aux éditions Asphalte. Quatrième roman paru aux éditions Asphalte, Pssica nous attire comme un mauvais sort vers les terres de l'état du Parà au Brésil. La région est très instable, les ratos d'agua pullulent, les pirates de l'estuaire de l'Amazone font règner la terreur. Janalice n'y échappe pas, elle, qui à cause d'une erreur de jeunesse se retrouve prise entre les griffes acérées des trafiquants d'humains. Manoel Tourinhos, dit Portuga va lui aussi se laisser emporter dans un tourbillon de violence en se lançant aux trousses des assassins de sa femme. Préparez-vous à pénétrer dans un monde brutal et sombre. Ce roman impressionne par son rythme fou et son propos implacable: un peuple entier est abandonné à la folie meurtrière des hommes par cupidité. Clairement il vous faudra du courage pour ressortir indemne d'une telle odyssée. Roman lumineux, Pssica confirme l'aura d'un auteur à l'écriture farouche. Extrait:«Il trouve l'évêque dans l'église, au beau milieu d'un baptème. Mon fils, vous savez qu'on m'a promis de me tuer. À n'importe quel moment une balle peut me traverser la tête. Mais je ne me tairai pas. C'est une region sans loi. Ici même, à Melgaçon, comme à Portel ou à Breves, il y a des maisons, avec de toutes pequenas chambres, juste la place pour un lit. On vend des jeunes filles. Il y a même des parents qui vendent leurs hijas pour avoir de quoi se nourrir. Il les vendent cinq cents réais, au beau milieu de la calle. Il y a des ninos qui louent leur coprs trois réais, au vu et au su de tout le monde, comme ça. Mais ce n'est pas le pire. Des maires, des élus, des chefs d'entreprise ont créé un réseau.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min