Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 19 novembre 2019

Mission encre noire Tome 27 Chapitre 322. Mon ennemie Nelly de Karine Rosso paru en 2019 aux éditions Hamac. « Le monde était un texte qui s'écrivait à travers les textes des autres», démêler les fils de sa propre histoire, alors que les printemps se succèdent, raconter car il se peut que demain ce soit trop tard. Raconter, comme une urgence, toujours, pour toi, pour toutes les femmes, pour elle. Pour Nelly surement, pour la narratrice de ce premier roman ; absolument. Nelly Arcan hante les pages, une à une de sa présence, par ses textes, sa voix, son image. Revenu d'un long périple dans les Amériques, notre protagoniste s'enivre des mots de l'autrice, dont elle ignorait l'existence jusque-là, qui trouvent facilement un chemin en elle, une complicité. Si le personnage de Karine Rosso, résiste un temps à une sorte de folie noire, l'orage menace. Inscrite à l'UQAM, dans un programme similaire à celui suivi par Nelly, la narratrice épouse une vie au gré du destin de l'écrivaine. Si différente et si éloignée de l'image de Nelly Arcan, elle devra pourtant choisir entre un exil et la vie qui bat en elle. Danse avec les morts, course poursuite lumineuse à travers des extraits de l'oeuvre de Nelly Arcan, résisterez-vous à l'attrait du fantôme qui fraye les arcanes bétonnées du bunker de l'UQAM ? Y réchapperez-vous ? La lueur d'une chandelle conduit à notre studio, au bout des tunnels souterrains de l'université, pour retrouver Karine Rosso, à Mission encre noire, ce soir. Extrait: « Si l'on se fie à ses livres, elle ne manie pas que le verbe. Voici l'écrivaine Nelly Arcan. C'est ainsi que l'animateur - celui que tu appellerais ensuite l'homme debout ou le pou - te présenta. Je ne me souviens pas de toute l'émission ; les détails importants semblent (encore une fois) avoir été effacés de ma mémoire et seuls certains moments sont gravés en moi : la chanson d'ouverture, « quand on se donne à une femme d'expérience », ta façon de ta passer la langue sur les dents avant de répondre à la première question. Je me rappelle ensuite t'avoir entendue dire qu'il y avait dans l'écriture un espace où l'on pouvait se permettre d'être laid, alors que le monde de l'image était formaté. « J'ai l'impression qu'on vit dans un monde où on consomme la féminité, avais-tu rajouté, dans un monde de Big Brother...». » Il faisait beau et tout brûlait de Vincent Giudicelli paru en 2019 aux éditions Annika Parance Éditeur collection Sauvage. Si Benjamin, jeune homme sourd-muet, reconnaît bien ce regard qui en dit long de son frère, pour vous, il faudra chercher plus loin. Peut-être trouverez-vous des réponses dans les rues désertes et odorantes de ce bout du monde, dans les yeux bleu marine de Maria qui visite la cordonnerie familiale, dans la gène subite du frère ? Dans cette région XII, située dans le grand Sud, à l'extrémité du Chili, la vie prend une tournure inopinée, sans un mot de trop, votre respiration s'accélère. À quarante-six ans, il est trop tôt pour renoncer. À priori, dans la vie de son fils, Julien, souffrant d'amyotrophie spinale de type II, tout est désespérément à sa place. Hier encore étudiante, en partance pour nulle part et partout à la fois, aujourd'hui le temps semble s'être replié sur lui-même, la vie est devenue une mécanique diaboliquement bien huilée pour cette mère. Les vacances en Tunisie, au club Sahara, se teinte au noir, lorsque une femme, manifestement seule, s'installe près de cette famille en ruine. Un sentiment étrange la gagne. Elles se reconnaissent pour le meilleur comme pour le pire. Kim et Andrew veulent fuir la banlieue de Melbourne. Contestataires dans l'âme, ils ne veulent pas se laisser embourber dans une vie toute tracée, leur jeunesse n'est pas à punaiser sur le frigo comme un vieux souvenir. Ils choisissent donc de vivre dans les contre-allées, la vie s'est fait pour s'évader. Vincent Giudicelli nous revient, après le succès de Cardinal song, avec un recueil de nouvelles kidnappées dans le coffre arrière de ses nombreux périples autour du globe. Vincent Giudicelli est invité à Mission encre noire. Extrait: « Dans le noir. En silence. avec une discrétion dont je ne me serais jamais crue capable. Un millier de fois cette nuit-là, une phrase est passée dans ma tête. En boucle, comme un teaser de film à chaque fois qu'on lance une vidéo sur YouTube. J'ai pensé que la vie était trop pour moi. Ce n'est pas qu'elle était trop lourde à porter, non ; c'est qu'elle prenait trop de place. En moi. Et dans mes placards du fond où je passais mon temps, que je mettais en tas derrière des piles d'emmerdes ou de démons que je me créais toute seule. On avait un toit, un boulot, une moitié, on habitait un pays libre...Ça allait, putain...Pour l'instant, ça allait.»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min