Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 12 avril 2022

Mission encre noire tome 33 Chapitre 380. Armer la rage, pour une littérature de combat par Marie-Pier Lafontaine paru en 2022 aux éditions Héliotrope dans la collection K. La violence masculine ne connaît pas de répit! C’est une triste réalité que subissent des milliers de femmes quelques soient leur âge, leur ethnie, leur sexualité ou leur statut social. Marie-Pier Lafontaine imagine cet essai comme un combat, puisqu'une attaque est inévitable. Chaque phrase est un cri de rage lancé comme un uppercut à la face du monde. Car voilà la coupe est pleine, l’agression de trop sur le quai d’une station de métro de Montréal ravive chez elle le souvenir de ses traumas et autres flash-back de son enfance. Une histoire qui a servi de trame à la rédaction de son premier livre Chienne (2019 Héliotrope). Armer la rage c’est se donner les moyens de répliquer à ses agresseurs, de ne plus se soumettre à la loi sale et dégradante de la sauvagerie masculine pour citer Annie Ernaux. En boxe la posture à adopter est l’attaque. S'il y aura des plaies et des blessures, l’autrice vous assure que cela la propulse vers l’avant. Toutes les soixante-huit secondes un homme viole une femme aux États-Unis, toutes les dix-sept minutes au Canada. Puisqu’il faut prendre soi-même le droit de cogner la première, je reçois Marie-Pier Lafontaine, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« Ce jour-là, j'ai su que je partageais les mêmes symptômes que des femmes qui, elles, n'avaient jamais été violées, que des adolescentes qui n'avaient même jamais été touchées: anxiété, crainte, hypervigilance, évitement, peur des ombres, méfiance systématique. Ces manifestations d'angoisse dans un monde régulé par la cadence de ses féminicides, où le nombre d'agressions sexuelles est élevé, où la violence misogyne est érotisé par la culture, ne surprendront jamais aucune femme trans ou cisgenre. Et surtout pas les femmes des Premières Nations et toutes les femmes de couleur. Nous savons toutes depuis notre plus jeune âge que nous pourrions être la cible d'attaques haineuses, que notre sécurité ne va pas de soi, qu'il faut la construire. Nous sommes nombreuses à connaître des survivantes agressées chez elles par des hommes de leur entourage, dans la rue. Des récits d'étudiantes harcelées par leur directeur de thèse. Un ancien professeur du primaire accusé de possession de pornographie juvénile. Une femme qui violente sa blonde. Nous avons entendu les histoires de viol qui se déroulent le long des pistes cyclables ou des voies ferrées. Nous savons que des cinéastes, des acteurs, des chanteurs, des humoristes agressent des dizaines et des dizaines de leurs admiratrices. Que des infirmiers abusent des personnes vulnérables et des handicapées dont ils ont la charge. Nous lisons aussi, des romans policiers. Nous sommes constamment soumises aux images de corps sortis défigurés des mains de conjoints narcissiques, démembrés, étranglés ou brûlés à l'acide. Les histoires de violence s'accumulent et les cadavres aussi. Les carcasses poignardées, les restes calcinés, les sacs mortuaires peuplent les scénarios de films d'horreur, les récits de tueurs en série, les traumas intergénérationnels, et s'ajoutent à toutes ces fois où l'on nous aura raconté la mort injuste et cruelle d'une enfant. Où on nous aura décrit les tortures qu'elle aura subies et sa disparition.» Mythologies québécoises sous la direction de Sarah-Louise Pelletier-Morin paru en 2021 aux éditions Nota Bene dans la collection Palabres, dirigée par Étienne Beaulieu. Née entre le débat constitutionnel et le référendum de 1995 sur l’indépendance du Québec, Sarah-Louise Pelletier-Morin, doctorante en études littéraires à l’UQAM, a grandi avec l’idée que le peuple québécois avait une identité forte et un caractère propre. Pour comprendre la culture québécoise contemporaine, au-delà des clichés habituels et autres lieux communs, la langue française, le code civil, le passé catholique, l’hiver, le Hockey, il fallait réfléchir autrement. Comment brasser la cage d’une culture québécoise qui se révèle aujourd’hui plus complexe et plurielle que jamais? Après avoir découvert et lu le recueil de 53 textes Mythologies (1957) de Roland Barthes, l’autrice décide de proposer à 35 autrices et auteurs de relever le défi d’étudier la société québécoise par le biais de ses mythes. De la ceinture fléchée de Biz en passant par le t-shirt de Catherine Dorion, les québécoises de Martine Delvaux ou le phallus défaillant des postmodernes de Frédérique Bernier, ces petits riens de nos vie quotidiennes, en apparences bien inoffensifs, en disent long sur l’évolution des mœurs. Pour être en phase avec les nouveaux enjeux qui annoncent la nouvelle décennie 2020, je vous propose d'accueillir Sarah-Louise Pelletier-Morin, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« Le menu est fixe. Aller à la cabane implique de ne pas penser de se laisser guider jusqu'à la fin de la partie, d'avoir confiance, d'avoir foi dans le chef, la serveuse, les convives. C'est une expérience de communication séculaire. Les plats sont déposés au centre de la table et on pige, on ne commande pas son petit plat, on ne commande pas tout court, ce qui change considérablement le rapport d'autorité habituel des restaurants. La serveuse s'occupe de nous puisqu'elle nous sert, c'est un rapport maternel, elle demande qui veut un verre de lait. Si on ne veut pas de tel plat, on attend le suivant. C'est un lieu pour être accueilli, c'est l'hospitalité québécoise incarnée, où seul ordre est celui de la forêt, qui a toujours été dans l'imaginaire occidental le lieu de la perdition, où il fait bon retourner de temps à autre pour se retrouver. Quand on s'assoit à table, on se corde serré et c'est compliqué de se lever sans faire lever les voisins de gauche et de droite, alors on reste assis et on mange. Les épaules se touchent, on mange vraiment ensemble, pour une rare fois. Les tables sont alignées comme dans une cafétéria scolaire, c'est un retour au camp de vacances le temps d'une soirée, avec la discipline en moins. On mange trop, on transgressait jadis le carême, mais on n'y pense plus, on mange du cochon, beaucoup de cochon, du gras de cochon frit, craquant dont la saveur grandit avec le blasphème de son nom, le carnaval québécois est ici, les fêtards se vautrent dans l'impur tout en s'enduisant de l'idéal de pureté sirupeux.»  

Feuille de route

Tous les épisodes

Mission encre noire 11 octobre
Émission du 11 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 392. Que notre joie demeure par Kevin Lambert paru en 2022 aux éditions Héliotrope. Céline Wachowski jette un regard circulaire sur les invité.e.s. sous l'immense lustre qui pend au plafond. Le Mont-Royal est à deux pas à vol d'oiseau, on pourrait le toucher. Lorsque l’on est une des femmes les plus influentes du monde, il faut se méfier du quand-dira-t-on, ce sont des choses à considérer. Surtout que le complexe montréalais Webuy est sur le point d’être inauguré. Pure produit des Ateliers C/W, situé au 305 rue Bellechasse, cet immense projet suscite bon nombre de critique au Québec. Cette femme de 70 ans qui anime une série culte sur Netflix, dont le portrait est croqué par Joan Didion dans le Harper’s Bazaar, est l’icône d’un monde bourgeois qui évolue en vase clos. Un gotha qui s'ébroue loin de vous, loin de moi, loin de la rue où la menace gronde. Cette classe dominante montréalaise, Kevin Lambert la saisie ici dans toute sa démesure et sa décadence. Sauriez-vous dire pour autant de quoi ils/elles parlent? Comment envisagent-ils/elles la vie? De quoi sont faites leurs angoisses? L’écrivain dissèque les pensées de notre jet-set au scalpel, tout en faisant jaillir l’éternelle histoire d’un capitalisme avide et destructeur. S'agirait-il de son livre le plus politique ? S'agissant de la lame de l’auteur, elle est parfaitement aiguisée et son fil est empoisonné. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Kevin Lambert.
60 min
Mission encre noire 04 octobre
Émission du 4 octobre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 391. Glu par Clémence Dumas-Côté paru en 2022 aux éditions Les Herbes Rouges. Glu: nom féminin. Colle forte.Matière végétale visqueuse et collante, comme pour piéger les oiseaux. Personne importune, indiscrète. Il y a un peu de tout ça dans les liens qui relient Théo, Simon et la narratrice. Depuis sa séparation, elle s’occupe de Bébée, 2 ans, une semaine sur deux, qui pleure parfois, trop, pendant des heures. Ça lui arrive de l’oublier, de la laisser jouer avec un tesson de verre, de l’empêcher de sortir de sa chambre aussi. Ou peut-être est-ce le produit de son imagination. En revanche, un soir de mai, un mercredi pour être précis, un voisin, Simon, se laisse tomber du toit. Que s’est-il passé? Entre quelques promenades salutaires dans Parc-Ex, la nuit, et le long du chemin de fer, à côté du Parc Jarry, elle se découvre aimantée par cette histoire. Elle décide alors de retracer le chemin du voisin de son voisin mort, quelque part elle revit. Théo, pourrait lui donner des réponses aux questions qui l’obsèdent. Toutes sauf une: qu’est-ce qui la retient de commettre, elle aussi, l’irréparable? Son quartier, c’est Parc-Extension, depuis huit ans. Elle y vaque entre vêtements indiens à vendre et pâtisseries grecques en essayant de faire correspondre les morceaux brisés de son monde fissuré, en se branchant à cette imperceptible source, à cette Glu, pour refuser l’appel du vide. J’accueille ce soir, à Mission encre noire, Clémence Dumas-Côté.
60 min
Mission encre noire 27 septembre
Émission du 27 septembre 2022
Mission encre noire Tome 32 Chapitre 390. J’habite une île par Rodolphe Lasnes paru en 2022 aux éditions Leméac. Montréal: 50 km de long, 16 km de large, 483 km carrés de superficie, 266 km de berges, deux millions d’habitants. Êtes-vous des îlien.n.e.s ? Quand avez-vous vu pour la dernière fois le bord de l’eau du fleuve Saint-Laurent? Avez-vous pris le temps de cheminer lentement sur ses berges, de humer ses parfums, d’essayer d’en saisir son ADN, son âme insulaire? Cette île-ville qui généralement néglige son fleuve et le dérobe à la vue de ses habitants, Rodolphe Lasnes l’a couru. Où est-il ce fleuve ? On ne l'entend pas. Pour en avoir le coeur net, il décide de faire son tour de l’île à Pied, d'une seule traite, sans retour à la maison, en sens inverse des aiguilles d’une montre. Départ du Vieux-Port, pour mieux remonter le temps, des origines vers l’est, puis rejoindre l’aval des rapides de Lachine vers l’ouest. L’homme du fleuve ne lâchera pas son eau des yeux. Rodolphe Lasnes vous propose ni plus ni moins de vous projeter en état de voyage, ici même, près de chez vous. Sac à dos léger, un carnet à portée de main, des bâtons et des chaussures de marche, avec en prime une paire de lunettes glacier qui lui permettent de ne jamais perdre le fil du temps, de l’histoire et des mots. Plus précisément, ceux de Pierre Perrault, des cageux de l’Abord-à-Plouffe ou de Réjean Ducharme qu'il garde avec lui au cours de son périple. Pourquoi faire le tour de l’île à pied me direz-vous? L’auteur vous répondra:« pour aborder les rivages, pour que les paysages se transforment en histoires». Je reçois Rodolphe Lasnes, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 20 septembre
Émission du 20 septembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 389. Le virus et la proie par Pierre Lefebvre paru en 2022 aux éditions Écosociété. Comment faire, oui comment réussir par se faire entendre alors que tout porte à croire que c’est impossible. Transposé sur scène au Centre du théâtre d'aujourd'hui sur Saint-Denis à Montréal, du 30 novembre au 02 décembre 2022, cette lettre, Pierre Lefebvre l'adresse à un homme qui ne veut pas l'écouter. Ou du moins, par cette missive, l'auteur reconnaît son impuissance. Car, voyez-vous, tout les oppose, l'argent, la réussite, la domination ou le pouvoir ne lui inspire au mieux que de la haine et du dégoût. À l'heure où la campagne électorale bat son plein, ne ressentez-vous pas cette légère démangeaison, l’étrange bourdonnement du vide autour des débats médiatiques ? Y trouvez-vous votre place ? Mettons cartes sur table, ici, un homme n’ayant aucun pouvoir aimerait particulièrement s’adresser à ceux les possèdent tous. Pierre Lefebvre signe ici un texte magistral et indispensable. Si les mots ont encore une force, l'auteur saisie sa chance avec du style et du caractère. Ne vous y trompez-pas. Il serait malhabile de ne voir ici qu’une complainte de plus ; vous manqueriez l’essentiel. Quelque chose comme une déclaration d’amour, à la vie, à son mystère, à sa beauté. Je reçois, ce soir, Pierre Lefebvre à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 13 septembre
Émission du 13 septembre 2022
Mission encre noire Tome 36 Chapitre 388. La cité Oblique de Christian Quesnel et Ariane Gélinas paru en 2022 aux éditions Alto. Mission encre noire est de retour ! Pour ouvrir cette nouvelle saison, rien de moins que Howard Phillips Lovecraft comme invité, dissimulé sous les traits de Christian Quesnel et Ariane Gélinas. Tendez l'oreille, les premiers grattements et les frottements de créatures étranges et primitives débordent déjà du cadre de ce podcast. À la lucarne de cette splendide bande dessinée, La cité Oblique, les deux auteur.e.s nous proposent de franchir les portes de l’univers formidable d’un géant de la littérature fantastique, inspiré.e.s par les voyages de celui-ci. Le créateur du Mythe de Cthulhu a, non seulement rendu visite, par trois reprises, à la ville de Québec, il en a également tiré sa propre version de l’histoire de la Nouvelle-France. Prenant la balle au bond, Christian Quesnel et Ariane Gélinas, s’accaparent cette matière première, les écrits de Lovecraft, pour revisiter et se réapproprier une passionnante histoire parallèle du Québec. À la limite du songe, du fantastique et du rêve, les peuples déchus ou oubliés qui grouillaient sur les terres d’Elkanah, retrouvent une existence dans l’âme craintive des hommes, grâce à ce splendide projet. Les territoires de ceux qui savent, s’ouvrent à celles et ceux qui sauront voir et écouter. À la faveur de la tombée de la nuit, je vous invite à rencontrer Christian Quesnel et Ariane Gélinas, ce soir, à Mission encre noire.
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