Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 13 avril 2021

Mission encre noire Tome 30 Chapitre 355. La révolution d'Agnès de Jean-Michel Fortier paru en 2021 aux éditions La Mèche. Émoi à Percé, un mystérieux cuirassé vient de mouillé l'ancre face au rocher, toutes ses tourelles et ses canons parés pour l'assaut. Il aura suffit que l'animatrice Patricia Denis, annonce l'évènement au téléjournal pour que la ville prenne un air grave. Il n'y a pas de panique, pas encore. Nous sommes à la fin des années 60, les gens se salue dans les rues, une veille dame en bigoudis sous son fichu promène son chien. À la pension Sergerie, Agnès et sa logeuse contemplent comme au théâtre cet étrange ballet. Elle, qui passe ses soirées, dans sa chambre orange, à fixer la mer, perdu dans ses rêveries, voit dans l'arrivée du navire de guerre et de son bataillon de femmes comme un message d'espoir. Défendu avec élégance par une plume rêveuse caractéristique du style de l'auteur, ce roman raffiné nous invite à une révolution pas comme les autres. Petit à petit le nuage du mystère s'estompe pour dévoiler un projet féministe aussi inouï que secret. Jean-Michel Fortier est invité à Mission encre noire. Extrait:« Agnès allume la télévision. Tout le monde se tait pendant que se disperse la neige de l'écran et qu'apparaît ce visage fin surmonté d'un front luisant, lui-même surmonté d'un chignon. Une voix s'élève, grave, mesurée, lénifiante: il est onze heure du soir et Patricia Denis s'empare des ondes. Elle va encore parler de nous, vous allez voir, elle va parler de nous, écoutez bien, vous verrez ! scande madame Sergerie, un ongle carminé entre les dents. Vous l'observez de profil, son agitation vous trouble. D'un geste discret, vous demandez à Harold si elle a vidé une bouteille avant votre arrivée. Il secoue la tête, il s'oublie et répond tout haut: non, à ce que je sache, elle a tété une tisane toute la soirée. Patricia Denis se tape le dessus de la tête comme pour replacer une barrette qu'elle n'a pas. Elle ne s'est pas interrompue, ne s'interrompt jamais, elle est un canal clair, une décharge; laissez l'information me traverser, semble-t-elle toujours souhaiter placidement. Les phrases coulent de sa bouche dans une musique de dictée. Les téléspectateurs se bercent, trouvent leur rythme, tantôt butant sur le dernier mot, tantôt espérant le prochain, si bien que chacun se replonge dans es jours de petite école, si bien que tous qu'ils soient, croient possible de voir Patricia Denis se lever de son fauteuil, étirer un bras, leur coller une étoile dorée au front. mais elle reste là, assise au fond de son studio, à Montréal, très loin de la pension de Madame Sergerie, à parler comme une française.» Pauvreté sous la direction de Stéphanie Roussel paru en 2021 aux éditions Triptyque. L'autrice ne s'attendait probablement pas à constater à quel point son entourage littéraire direct était composé de transfuge de classe. C'est quoi être pauvre ?  Par la voix familière de sa mère, qui a élevé seule deux enfants: la pauvreté c'est dans la tête. On devine, depuis, que cette question a souvent taraudé l'esprit de la jeune autrice. Pourtant Stéphanie Roussel refuse de se laisser embarquer plus loin dans cette lecture fataliste des choses de la vie. Dans la préparation de ce livre, elle se hasarde à inviter une partie de ses proches à lui confier des textes. Puis, bien décidée à mettre fin au sort qui s'acharne, elle étend sa demande à un cercle élargi: As-tu déjà été pauvre ? Douze autrices et auteurs répondent oui. Marie-Célie Agnant, Jennifer Bélanger, Pascale Bérubé, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Jean-Guy Forget, Jonathan Lemire, Mariève Maréchale, Alex Noël, Emmanuelle Riendeau, Karine Rosso se joignent au projet. Mises à nu, ces voix s'exposent sous formes de poèmes, de récits et de nouvelles pour mieux déjouer l'expérience qui les a contraint.e.s au manque. Je reçois, Stéphanie Roussel à Mission encre noire. Extrait:« depuis que je suis petite, je vois des femmes pauvres, sans éducation, provenant de la classe ouvrière en faire plus avec leurs cheveux/elle doivent crêper, boucler, monter, gaufrer, alourdir de fixatif/j'entends ma mère me parler de ses cheveux, le fer à friser dans une main et un peigne à queue dans l'autre, me dire qu'ils sont trop plats, qu'ils n'ont pas assez de volume, qu'ils font dur, qu'elle a l'air d'une vraie folle et qu'elle n'est jamais, jamais satisfaite de sa tête/toutes ces femmes compensent par leurs cheveux ce qu'elles n'ont pas ailleurs ; l'épaisseur du porte-monnaie ou l'aisance à vivre. entre autres/la hauteur des talons est importante aussi, toutes ces choses ne dépendent pas de la présence physique de l'argent mais du désir d'être dans une féminité totale. les produits et les matériaux sont de mauvaise qualité mais l'effet est là ; elles sont présentes. prennent de la place. au-dessus de tout avec leurs cheveux et leurs talons même invisibles.»

Feuille de route

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Mission encre noire 23 mai
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
60 min
Mission encre noire 16 mai
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
60 min
Mission encre noire 02 mai
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.
60 min
Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min