Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 10 mai 2022

Mission encre noire Tome 34 Chapitre 382. L’incendiaire de Sudbury par Chloé Laduchesse paru en 2022 aux éditions Héliotrope dans la collection noir. Longtemps Emmanuelle fumera une cigarette accoudée à sa fenêtre, pour observer la rue et ses gens. Invariablement, Paul qui déteste respirer sa fumée secondaire, lui demandera de l'éteindre. Ielles résident dans un des quartiers les plus populaires de Sudbury, le Donovan, une sorte d’Hochelaga ontarien. Comme à son habitude, Emm, de retour d’un de ses contrats de design web pour des clients plus ou moins réglos, c’est presque devenu un rituel, descendra de l'autobus pour regagner le dépanneur au-dessus duquel elle habite. Elle entrera furtivement pour acheter un paquet de Du Maurier jumelé à un petit sac de Doritos et un paquet de Skittles. Quelques caresses plus tard pour Dog, le chat obèse de l'épicier, elle finira affalée sur son divan, pour brancher son écran, Love, sa série préférée, un verre de vodka à portée de main. Tout irait pour le mieux si ce n’est la disparition subite de son ancien amant, César Lascif, le mari de la docteur Herman, une notable en charge d'un programme de recherche bien particulier. Comble du hasard ou riche opportunité, une aînée à la main légère lui remet l'agenda de son ex, fraîchement dérobé. C’est d’autant plus intrigant que d’autres hommes manquent à l’appel ces derniers temps. Tout en se laissant bercer par La valse à Mille temps de Jacques Brel, il semblerait qu’elle soit la femme de la situation pour démêler les fils de cette étrange affaire. Dans l’anciennement nommée Sainte-Anne-Des-Pins, la gentrification menace et elle encourage les plus vils manant à s’emparer du pactole. Peuplé de personnages haut en couleur et saupoudré de l’humour caustique de l’autrice, ce premier roman hors Québec chez Héliotrope noir, fait mouche. Nous prenons la route vers les bords du lac Ramsey, pour rencontrer Chloé Laduchesse, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:« L'agenda datait de l'année précédente. La page d'identification avait été laissée vierge, à l'exception d'un mauvais croquis de cube. Je tournais les pages, de plus en plus intriguée par cette écriture qui me semblait familière. Les rendez-vous étaient peu nombreux, changements de pneus, appels à passer, joutes amicales de soccer l'été, de hockey l'hiver. Beaucoup de signes, d'inscriptions codées ; une lettre seule, un symbole ; puis, vers le mois d'octobre, plus rien. Oui, je reconnaissais cette calligraphie, toute en petites majuscules aux traits nerveux ; le stylo à l'encre noire avait, en s'enfonçant dans le papier, gravé les mots, et les pages étaient ponctuées de bosses et de creux que j'aurai pu lire du bout des doigts. L'écriture d'une personne anxieuse. Créative. Secrète. Une personne qui n'a pas d'emploi. Qui évite la vérité. Ou, pour faire simple, qui ment. César. Ça ne pouvait être que lui.» Héroïne par Tristan Saule paru en 2021 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle noir. C’est le retour des Chroniques de la place carrée, un cycle de romans noirs débuté avec Mathilde ne dit rien paru en 2021 aux mêmes éditions Le quartanier. Cette place, souvenez vous, se trouve dans un quartier populaire, dans une ville moyenne de France. Même si elle boîte, Mathilde fait encore une brève apparition ici. Ce deuxième volet, nous présente d’autres facettes du quartier à travers une nouvelle panoplie de personnages. Laura est infirmière, à la vie amoureuse compliquée. Tonio, un petit dealer d’ecstasy à la petite semaine qui se retrouve devant l’affaire du siècle, un kilo d’héroïne en provenance de Belgique. Thierry, Zacharie, Idriss, Bolleg, le Manouche veulent tous se sortir de la misère et de l’ennuie. Or, le confinement de 2020 va changer sévèrement la donne. L'arrivée de ces stupéfiants menace l'ADN même du quartier. Subitement, un an après les événements de Mathilde ne dit rien, les habitants de Monzelle se trouvent pris dans la tourmente d’événements incontrôlables. Nous prenons la direction de la France, ce soir, à Mission encre noire, pour rencontrer Tristan Saule. Extrait:« On ne s'y fait pas. Une ville morte comme ça, qu'on soit à pied ou en bagnole, c'est quelque chose. Tonio a l'impression d'être le seul survivant d'une catastrophe. En un sens c'est vrai. À la télé, ils racontent que des gens meurent. Des centaines par jour. Ceux qui restent sont des survivants, non ? Tonio ne sait pas trop quoi penser de cette situation. D'un côté, il se dit que tout ça, c'est des conneries. De l'autre, il a un peu peur. Un tout petit peu. Il arrive au bas de l'avenue qui relie les Hauts au centre-ville historique. Les maisons sont de plus en plus grandes, les jardins de mieux en mieux entretenus. Sur les boulevards qui enserrent l'hypercentre, les propriétés sont cachées derrière de hauts portails en fer forgé que dépassent des arbres centenaires. Des cèdres majestueux, des chênes, des marronniers, et même un séquoia. Une voiture de flics débouche à l'angle d'une rue. Tonio s'accroupit. Putain, c'est quel genre de catastrophe qui épargne seulement lui et les bleus ? Il y a plus que ça, dans les rues, des bagnoles de flics, des ambulances et des pompiers. Des bleus, des blancs et des rouges. Vive la France !»

Feuille de route

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Mission encre noire 25 avril
Émission du 25 avril 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvreté par Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio, au lieu de rêver du grand soir, mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil.
60 min
Mission encre noire 28 mars
Émission du 28 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séances avec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 14 mars
Émission du 14 mars 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi, au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San.
60 min
Mission encre noire 01 mars
Émission du 28 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante : Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, être le frère de la meilleure amie de Rebecca dans les années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des banlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des années post-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca et Virginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier, un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque : «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset.
60 min
Mission encre noire 15 février
Émission du 14 février 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Mon fils ne revint que sept jours par David Clerson paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Fin juin, ce matin là, une mère retrouve son fils qu’elle n’a pas vu depuis dix ans, au chalet familial en Mauricie, situé en pleine forêt. Elle y vit seule depuis sa retraite, ne recevant que de rares visites. Une fois passée la surprise, elle reconnaît son Mathias, devant sa porte, même s’il est devenu un homme plus grand que dans ses souvenirs. Tandis qu’ils marchent vers une tourbière, un lieu de refuge depuis l’enfance, Il va lui raconter sa vie d’errance. Une obsession l'accable sans cesse. L’idée persistante qu’une matière blanchâtre lui occupe le crâne et coule dans son corps, comme si elle voulait l’étouffer. Incapable de trouver sa place dans un monde qui s'agglomère en une gigantesque banlieue, il ne pense encore qu'à fuir. Pour sa mère, les journées sont belles en sa présence, malgré ce regard envoûtant de tourbière, qui parfois l'effraie. Comme la plupart de ses romans précédent, on retrouve chez l’auteur cette part d’étrangeté, de répétitions, de cycles où se combine un étrange cocktail de monstruosité, d’hallucination, d’égarement et de névrose qui plonge inlassablement le lectorat dans le doute et la curiosité. Je vous invite, ce soir, à glisser entre les branches, dans le chant assourdissant des rainettes et celui plus lourd des ouaouarons, je reçois David Clerson, à Mission encre noire.
60 min