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Mission encre noire

Émission du 6 novembre 2018

Mission encre noire Tome 24 Chapitre 295 La toile du monde de Antonin Varenne paru en 2018 aux éditions Albin Michel. C'est à bord du Paquebot français le Touraine que vous embarquez à la suite de mille autres passagers à destination de Paris en l'an 1900. Aileen Bowman, digne héritière de la trilogie d'Antonin Varenne, inaugurée par Trois mille chevaux-vapeur et Équateur, regarde les hommes descendre les valises, les enfants, coller leur nez morveux aux vitres et les femmes rajuster leur tenue ; l'exposition universelle de 1900 leur tend les bras. La jeune femme de trente cinq ans est envoyée spéciale outre-atlantique pour le quotidien américain New-York Tribune. Elle, qui porte des pantalons, comme un homme dans un ranch du Nevada, se présente au siège du premier journal féministe de l'histoire, La fronde. Aileen y publie un premier papier vitriolique, qui confond la bonne société patriarcale, sous pseudonyme: la ville de Paris, une femme libre ou une catin qui serait à vendre. La capitale française se baigne de lumière, la première ligne du Métropolitain s'achève, la Tour Eiffel à un an, Rudolf Diesel expose son moteur fonctionnant à l'huile d'arachide. Alors que dans les glaises instables sont plantés des pieux immenses, déposés des blocs de béton, c'est le sol qui menace de se dérober sous les pieds de la jeune journaliste lorsque l'amour, la mort et le passé la rattrape soudainement. Antonin Varenne collectionne les machine à écrire d'époque, le saviez-vous ? Il est notre invité à Mission encre noire. Extrait: «À l'inverse, les Français avaient sous les pieds tant de passé qu'ils n'en connaissaient probablement presque rien. c'était l'écho de catacombes oubliées qui faisait résonner le granit des rues. Trop courtes ou trop longues, les frises chronologiques ont pour conséquences des mémoires incomplètes. La maîtrise du temps - l'instruction - est aux mains des puissants. les peuples, occupés à survivre, n'en possèdent pas assez pour le capitaliser, le faire jouer en leur faveur. Ils empilent seulement les pierres des bâtiments qui leur survivront.» Une maison dans les arbres de Julia Glass traduit par Josette Chicheportiche, paru en 2018 aux éditions Gallmeister collection Americana. Tomasina Daulair déambule dans la maison du Connecticut du célèbre auteur de livres pour enfants Morty Lear, mort dans un banal accident domestique. Elle est chargé de gérer son héritage artistique. Un homme, avec qui, elle a partagé trente ans de vie commune depuis leur première rencontre fortuite, avec son frère, dans un jardin pour enfant. Devenu son assistante, sa confidente, elle sait tout de lui, ou pensait-elle le savoir ? Jusqu'à l'irruption dans sa vie, de Nicholas Greene, un acteur britannique primé aux oscars, qui doit incarner Morty à l'écran. Un voile sombre se lève sur la vie de l'artiste. Julia Glass s'est inspiré de la figure légendaire de Maurice Sendak, l'auteur de Max et les Maximonstres. Lauréate du National Book Award avec Jours de juin, tous les livres de l'autrice sont des best sellers aux États-Unis. Extrait: «L'année de sa seconde, alors qu'elle travaillait après l'école à la bibliothèque où elle rangeait les livres, elle monta un club qu'elle appela Pièces pour Non-Acteurs où les élèves qui ne voulaient pas faire partie de la bande de théatreux pouvaient lire des pièces à voix haute. Mort Lear lui était alors complètement sorti de l'esprit - jusqu'au jour où elle vit, dans le métro, un après-midi, une petite fille serrant dans ses bras une poupée de chiffon dont le visage ressemblait à celui d'Ivo. Tommy se déplaça pour la voir de plus près. Elle avait l'impression que la poupée la regardait du fond du wagon bruyant. Elle pensa: Mon frère est devenu un dessin puis un livre et maintenant une poupée.» Cartographie de l'amour décolonial de Leanne Betasamosake Simpson traduit par Natasha Kanapé Fontaine et d'Arianne Des Rochers paru en 2018 aux éditions Mémoire d'encrier. Est-il possible d'aimer cette partie de nous-même qui a été brisé par le pouvoir colonial quand on la retrouve chez quelqu'un d'autre?, titre Junot Diaz en exergue de ce récit. Leanne Betasamosake Simpson laisse défiler librement la parole dans une trentaine d'histoires qui disent les liens qui entravent, qui empêchent, qui restreignent, qui blessent la nation Nishnaabeg. La cartographie serait plutôt une cosmogonie, un ensemble d'étoiles qui tente d'échapper à cette science de l'enfermement géographique, politique et social causé par le colonialisme et le racisme. L'autrice nous raconte, se laisse porter par les canots, les rivières, les stationnements de centre d'achat miteux, parmi les conifères du nord, pour témoigner. L'avenir se trouve ailleurs, en dehors des cartes à l'extérieur de l'espace temps colonial. Cet ouvrage ne cache pas la plaie ouverte par le passé. Il n'est pas pour autant question d'y rester piégé. Affirmer son identité, affirmer sa puissance et ses espoirs neufs sont au coeur d'un récit indispensable. Extrait: «Il y a une vieille histoire nishnaabe, qui remonte à la nuit des temps, selon laquelle sept grands-parents qui vivaient dans le ciel avaient séparé un petit garçon de ses parents pour lui enseigner les valeurs et les coutumes que les peuples de la terre avaient oubliées. Ils lui ont enseigné des histoires, des chansons et des cérémonies avant de le renvoyer sur terre afin qu'il puisse partager ces valeurs et coutumes avec son peuple. Je n'ai jamais vraiment aimé cette histoire, parce que ça me brise le coeur quand le petit garçon est séparé de ses parents, et j'écoute le reste de l'histoire avec une appréhension nerveuse, perdue dans toute la solitude que ce garçon a dû ressentir, perdue dans un monde où il a toujours été le seul.»  

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Mission encre noire 27 juin
Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 06 juin
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
60 min
Mission encre noire 23 mai
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
60 min
Mission encre noire 16 mai
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
60 min
Mission encre noire 02 mai
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.
60 min