Nouveau v379
Mission encre noire

Émission du 3 octobre 2017

Mission encre noire Tome 21 Chapitre 261 (Sainte-Famille) de Mathieu Blais paru en 2017 aux éditions Leméac. Une histoire sans fusil ou presque. Dans la ville de Sainte-Famille, le gaz-bar vient de se faire braquer, Thomas contemple cela d'un oeil morne, il vient se faire virer de la bibliothèque. Même s'il boit sur son lieu de travail et reluque sous les jupes des filles ce n'est pas une raison. Alors il boit pour oublier qu'il est un sans nom, le nouveau chômeur, l'oublié. Pis, bien chaud, c'est Maggie qui dérouille, jusqu'à ce qu'elle dise oui, jusqu'à ce qu'elle se taise. Justin, lui, il se tait, pour un temps seulement. Il vit, il grogne, comme sa mère qui renifle, entre parenthèse. Mathieu Blais nous offre une pépite noire, un magistral portrait de famille dysfonctionnelle. Il choisit de regarder droit dans l'oeil du désastre de la violence conjugale. C'est assez troublant, l'horreur marque une rupture dans la vie, et Mathieu Blais écris de cette rupture. Il est notre invité, ce soir, à Mission encre noire. Extrait:«Le cri qui jaillit dans la chambre, ce n'est pas le mien, c'est celui que j'ai oublié au Nick bar, c'est celui que je traîne depuis ce matin, c'est celui qui se coince entre le coeur et les tripes, entre le poing et le désir, et mes jeans que je défais rapidement, et la ceinture que je laisse glisser hors des ganses et que j,enroule autour de son cou pour qu'elle se taise enfin, et moi à califourchon sur elle, bandé comme un chien sur sa chienne, elle ne comprend rien - Rien de rien à rien -» Ceci n'est pas un paradis de May Telmissany paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. May Telmissany est une romancière canadienne d'origine égyptienne. Ses Chroniques nomades, publiées par ailleurs entre 2006 et 2009 pour la revue égyptienne Rose El Youssef, sont traduit, ici, par sa compatriote québécoise Mona Latif-Ghattas. May Telmissany parle de nomadisme, d'écritures plurielles, multiculturelles, pluri-colorées. Ses textes sont d'une diversité et d'une richesse étonnantes, qu'ils soient écrit d'Ottawa, de Montréal, du Caire ou de Saint-Armand au Québec, l'endroit nous parle, la vie suggère l'humeur. Le texte vit, le texte respire. Que l'on parle de sport, de religion, de politique, de banc de neige, May Telmissany ouvre une brèche dans les murailles du paradis. Vous êtes sans doute la lectrice, le lecteur qu'elle attendait. D'une fraîcheur piquante, il se peut bien, tel un génie farceur, que l'auteure vous éveille à l'esprit nomade et ce n'est pas l'aube d'un drôle de printemps égyptien qui l'arrêtera. Extrait:«Trois ans sans revenir en Égypte autrement que pour une petite semaine. Je me souviens de mon dernier long séjour en 2005 et mon appréhension grandit à l'approche du voyage. À la nostalgie se mêle la peur. Avant mon départ, je reçois la visite d'un ami rentré récemment d'Égypte. Comme tous les émigrés, je suis à l'affût des nouvelles. Je donne libre cours à l'imagination pour combler le vide que laissent ses mots obscurs et ses perceptions personnelles où abondent la crainte et la méfiance. Le pays est en ruines, dit mon ami. Le pays s'effondre et les gens assistent impuissants à son anéantissement. Je ressens comme un saignement entre la gorge et l'estomac.» Le corps noir de Jean-Claude Charles paru en 2017 aux éditions Mémoire d'encrier. La maison d'édition québécoise réédite l'ensemble de l'oeuvre de l'immense écrivain d'origine haitienne, Jean-Claude Charles. Surnommé, un temps, le fakir et dandy de Harlem, l'auteur, a erré entre l'Europe, le mexique et les États-Unis. Dans cet essai qualifié de «rageur sur le racisme», il se propose de s'attaquer aux fondements même d'une pure invention de l'esprit: Le corps noir. Jean-Claude Charles choisit des angles inédits, à travers des extraits de textes originaux, des articles de journaux, des illustrations et autres iconographies, pour mieux confondre la duperie de la main du créateur. Ironie, humour décapant, le texte est avant tout une profonde réflexion argumentée et fragmentée visant à dépoussiérer les esprits tapageurs. Stupéfiant! Brillant! Les 170 pages de ce livre sont indispensables pour re-découvrir la pensée du chantre de l'enracinerrance décédé à Paris en 2008. Extrait:«S'il est noir, c'est qu'il est sale. Quel fabricant de lessive commanditerait un message publicitaire vantant les mérites de sa marchandise avec une ménagère noire?N'importe lequel. Il suffit qu'une cible existe: une communauté noire d'acheteurs, Mais l'espace de la métaphore hygiénique sera interdit au corps noir. Imaginez le chevalier Ajax à l'image du diable, all black. Non-sens symbolique.»

Feuille de route

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Mission encre noire 27 juin
Émission du 27 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire.
60 min
Mission encre noire 06 juin
Émission du 6 juin 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre, confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixit Paul B. Preciado. On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol.
60 min
Mission encre noire 23 mai
Émission du 23 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre : Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukon suite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier. Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise, cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisième livre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier.
60 min
Mission encre noire 16 mai
Émission du 16 mai 2023
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyque traitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendique le désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre de la main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré.
60 min
Mission encre noire 02 mai
Émission du 2 mai 2023
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 408. Le plein d’ordinaire par Étienne Tremblay paru en 2023 aux éditions Les Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val, sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bien encore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Étienne Tremblay.
60 min